ASDE 056 Dieu, la Sainte Trinité

34ème partie

Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique

LIVRE 9

Les vertus morales et les dons du Saint-Esprit

Chap. 1, La prudence

— Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, je veux vous parler des vertus de prudence, de justice, de force et de tempérance, c’est-à-dire des vertus morales. Ces vertus, comme l’indique leur nom, servent à diriger les mœurs du chrétien. Elles sont données avec la grâce sanctifiante.

« La prudence est parmi les vertus morales ce qu’est la foi parmi les vertus théologales. Elle affecte l’intelligence dont l’action précède celle de la volonté et dirige toutes les forces, toutes les puissances qui sont dans l’homme. Il y plusieurs espèces de prudence, plusieurs parties qui entrent dans la constitution de la prudence, plusieurs vertus qui sont comme les compagnes de la prudence.

« La prudence par laquelle un confesseur, un magistrat, un empereur se dirigent, est différente de la prudence par laquelle ils dirigent les hommes qui leur sont soumis ou qui leur demandent conseil ; il y a donc deux sortes de prudence.

« Voici les diverses parties qui constituent la prudence ; pour que vous compreniez mieux, je vais vous apprendre d’abord en quoi consiste la prudence. La prudence est cette inclination de l’âme qui fait que l’homme dirige ses actions avec une connaissance sûre pour opérer le bien. Puisque telle est la nature de la prudence, je dis que la mémoire, l’intelligence, la docilité, l’habileté, la raison, la prévoyance, la circonspection, les précautions, sont autant de parties intégrantes de la prudence. La mémoire qui rappelle le passé ; l’intelligence qui donne la connaissance du présent ; la docilité qui fait qu’on s’instruit par l’enseignement d’autrui et qu’on suit ses conseils ; l’habilité qui fait qu’on interprète bien ce qui est passé ; la raison qui par la connaissance d’une chose vous en fait connaître une autre ; la prévoyance, par laquelle on devine les moyens pour arriver au but qu’on se propose ; la circonspection, par laquelle on remarque les circonstances d’un événement, et la précaution, par laquelle on prévient les obstacles ou les dangers. Sans toutes ces choses, il n’y a point de prudence possible ; il y a un côté faible, et la prudence n’est point une prudence véritable.

« Les trois puissances de la vertu de prudence sont : le bon conseil, un jugement droit et une vue claire et distincte.

« Comme je veux vous parler uniquement de la vertu surnaturelle de prudence, je vous entretiendrai seulement de cette vertu et des autres vertus secondaires qui doivent lui être nécessairement annexées : la discrétion, la docilité, la sollicitude et la circonspection. Si vous réunissez en vous tout ce que je vous dirai sur la prudence, vous aurez réellement cette vertu.

« La prudence, je vous l’ai déjà dit, ma fille, est cette inclination de l’âme qui fait que l’homme dirige toutes ses actions avec une connaissance sûre d’opérer le bien. La prudence est la vertu de l’intelligence en action pour opérer le bien. Par la prudence, l’intelligence cherche dans le conseil le moyen d’arriver au bien, elle trouve ces moyens dans le jugement vrai de ce qu’elle voit, et elle emploie ces moyens en suivant la voie capable de la mener au but.

« Comme vous pouvez le penser, ma fille, la prudence, cette prudence surnaturelle, seule capable d’opérer le bien surnaturel, seule capable de faire atteindre aussi la fin surnaturelle, elle vient de Dieu, c’est Dieu qui la donne et la place dans l’âme.

« Désirez ardemment cette vertu, demandez-la à Dieu, demandez-lui qu’il la développe en vous. Sans elle, toutes les autres vertus perdraient en vous leur éclat et leur beauté, elles se changeraient même aisément en vices. Car, sans la prudence, il y a toujours dans les actes excès, diminution ou défaillance, et par conséquent vice. Sans la prudence, l’homme risque de tomber dans les plus grands dangers, parce qu’il marche comme un aveugle avec pleine sécurité, et à l’heure où il y pensera le moins, il trouvera sous ses pieds sa perte et sa ruine. Sans la prudence, on ne peut faire le bien, on ne peut éviter le mal, parce que la prudence montre ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter, et empêche de prendre le bien pour le mal et le mal pour le bien. Rappelez-vous, ma fille, la parabole des dix vierges de l’Évangile : les cinq vierges folles étaient des vierges sans prudence ; les vierges sages, au contraire, possédaient la prudence. Aussi, seules, trouvèrent-elles leurs lampes allumées à l’heure de la venue de l’époux.

« Demandez à Dieu la prudence, il vous l’accordera ; vous la reconnaîtrez dans vos actions.

« Vous serez prudente si, dans toutes vos actions, vous cherchez le bon plaisir et la gloire de Dieu, si vous vous proposez par vos actes de vertu d’obtenir le ciel.

« Vous serez prudente si, pour obtenir la gloire de Dieu et votre salut, vous consultez les lois de Dieu, si vous priez pour connaître en tout la volonté divine, et si vous recourez à votre réflexion ou à celle d’autrui, parce que vous vous défiez de vous-même.

« Vous serez prudente si, dans les conseils que vous avez reçus, vous savez distinguer ce qui est bon de ce qui ne l’est pas, ce qui est utile des choses inutiles, ce qui est en rapport avec votre vocation et vos forces d’avec ce qui les surpasse ou s’oppose à votre genre de vie.

« Vous serez prudente si vous savez distinguer ce qu’il y a de meilleur et de plus propre à vous conduire à votre fin.

« Vous serez prudente si vous dominez votre volonté et l’obligez à accomplir ce qui est bien et à l’accomplir le mieux possible.

Le discernement

« Ainsi, ma fille, vous le voyez, la prudence s’exerce sur les actions extérieures des œuvres morales ; il est une autre sorte de prudence qui s’exerce sur les œuvres intimes ou intérieures de l’âme, c’est le discernement.

« Le discernement, c’est la prudence spirituelle par laquelle on distingue, dans tout ce qui a rapport à l’intérieur, le bien du mal, le vrai du faux, le mieux de ce qui est bien, pour opérer ce qui est bien et meilleur, saisir ce qui est vrai, laisser le mal et répudier ce qui est faux.

« De même que Dieu dans l’œuvre de la création sépara l’eau de la terre, la terre des cieux, la lumière des ténèbres, ainsi le juste, par le discernement que lui donne la grâce, discerne toutes choses dans le monde qui est en lui, et qu’il meut et fait vivre, mettant toutes choses à leur place et réservant pour Dieu ce qui est et doit être à Dieu.

« Le discernement, c’est l’œil de l’âme ; celui qui n’a pas le discernement est un pauvre aveugle, victime de mille maux qu’il ne peut éviter parce qu’il n’y voit point.

« Le discernement fait connaître ce qui est bien, ce qui est mieux, ce qui est parfait, ce qui est mal, ce qu’il y a de plus mauvais.

« Le discernement fait connaître les devoirs envers le prochain, les parents, les amis et les étrangers, envers les saints et les élus de Dieu, envers les trois personnes de la sainte Trinité.

« Le discernement fait connaître le temps du repos et du travail, de la parole et du silence.

« Le discernement fait connaître la règle des pensées et leur ordre vis-à-vis de Dieu, vis-à-vis de soi-même et des créatures.

La docilité

« Pour que la prudence soit entière et parfaite, il faut qu’elle soit suivie de la docilité à écouter les conseils de Dieu, les conseils des hommes sages, les conseils de l’intelligence propre de chacun, quand elle est en rapport avec la raison et la pensée de ceux qui sont plus sages et plus expérimentés.

« Tous les saints ont usé de docilité, et parce qu’ils ont été dociles, ils ont été prudents, et la prudence les a sanctifiés.

« Moïse fut docile à écouter les conseils de Jéthro, saint Paul ceux d’Ananie, et le premier avait vu Dieu face à face, le second avait été ravi jusqu’au troisième ciel. À combien plus forte raison devez-vous être docile, vous ma fille, si vous voulez arriver à la perfection.

« Il y a, en effet, une infinité de choses dictées par la prudence et le discernement, et le plus sage ne peut les observer toutes par lui-même ; par conséquent rien de plus nécessaire que la docilité à écouter les discours d’autrui et à les mettre en pratique. Je ne veux point dire pour cela que vous devez écouter et recevoir les conseils de tout homme qui se présentera à vous. Non, ma fille ; ne recevez et ne demandez de conseil qu’aux personnes mûres, réfléchies et sages, aux personnes qui elles-mêmes sont pleines de docilité et dont la parole sera claire, sans dissimulation, ni nuages, ni malveillance.

« La docilité vous portera à suivre en tout les avis de votre directeur comme à lui dévoiler tout ce qui se passe dans l’intérieur de votre cœur. Elle vous portera à abandonner votre propre jugement pour vous conformer au sien, et cette docilité suppléera à ce qui pourrait vous manquer de prudence et de discrétion.

« Soyez docile, ma fille, soyez aussi pleine de sollicitude dans vos actions pour opérer le bien.

La sollicitude

« La sollicitude est la promptitude de l’âme à opérer ce que la prudence et le discernement lui ont montré être conforme aux règles du vrai et du bien. La sollicitude, c’est l’empressement chaleureux de l’âme à faire le bien. Rien de plus précieux que cette sollicitude ; elle arrête la tiédeur, elle empêche de tomber dans le péché. Voyez quelle sollicitude parmi les mondains pour accroître leur fortune, pour ramasser gloire et honneur sur le chemin de leur vie. Ils ne négligent rien, ils sont toujours en mouvement. Et qu’est-ce que la gloire du monde, que sont les richesses de la terre devant la gloire du ciel et les trésors de l’éternité ?

« La sollicitude, ma fille, vous portera à faire vos bonnes œuvres avec empressement, avec attention, à l’heure convenable, dans le lieu opportun.

« La sollicitude vous fera éloigner les obstacles et les difficultés, et vous fera accomplir chaque action comme si elle était la dernière de votre vie.

La circonspection

« Enfin, ma fille, pour que la prudence soit entière et parfaite, il faut avoir encore la circonspection, c’est-à-dire cette attention ferme de l’âme sur tout ce qui entoure l’action qu’on veut entreprendre, afin qu’elle se fasse selon les règles du vrai et du bien, et qu’on éloigne tous les obstacles, afin qu’une fois entreprise on ne soit point obligé de l’abandonner.

« Sans la circonspection, il sera impossible d’opérer le bien ; voilà pourquoi en envoyant mes disciples prêcher la bonne nouvelle de l’Évangile, je leur parlai ainsi : “Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez simples comme des colombes et prudents comme des serpents.”

« Je ne voulais, par ces paroles, que leur recommander la circonspection : voilà pourquoi ils devaient être simples comme des colombes, c’est-à-dire accomplir tout ce que je leur avais recommandé et se fier à moi ; prudents comme des serpents, c’est-à-dire pleins d’avisement au milieu des crimes, des vices et des scandales qu’ils devaient trouver dans le monde. Or, dès que le serpent aperçoit le danger, il cache immédiatement sa tête pour la préserver, ainsi devez-vous à l’approche du danger mettre votre âme à couvert pour qu’elle ne succombe pas. Et que de périls dans le monde. Satan est toujours prêt, comme un lion rugissant, à vous dévorer. Les passions sont toujours prêtes à se déchaîner. La vertu elle-même, dans les autres comme chez soi, devient un écueil. Combien donc faut-il avoir l’œil ouvert pour apercevoir tous les dangers et aussi les moyens de les éviter.

« La circonspection évite les extrêmes, elle marche dans le droit chemin où se trouve la vertu. Elle observe, elle pèse les moyens pour arriver à la fin proposée, elle consulte dans le doute ; elle ne se hâte pas pour agir, elle attend et la réflexion et le moment opportun. Néanmoins, elle ne traîne pas en longueur pour ne point laisser échapper l’occasion de faire le bien.

« La circonspection mesure toutes les pensées, toutes les paroles, toutes les actions, tous les sentiments ; elle ne se fie point à tous, et ne dévoile point ce qu’il faut tenir secret.

« La circonspection ne craint point sans un sujet de crainte, et dans les dangers qu’elle ne cherche pas, elle se fie à Dieu et demeure impassible. Elle ne se laisse ni tromper, ni séduire par l’extérieur, elle pénètre au fond des choses et puis elle se prononce et agit.

« La circonspection n’ajoute point foi aisément à toutes choses, elle ne concède rien sans réflexion, ne juge point sans motifs, ne fait point de promesse qu’elle ne puisse tenir facilement ; elle parle peu et se fâche rarement.

« Ô ma fille, soyez circonspecte, soyez docile, soyez pleine de sollicitude, acquérez le discernement et la prudence ; je vous le dis, même pour le bien de votre vie matérielle et terrestre ; vous ferez toutes choses selon Dieu et son divin Fils, votre Sauveur, Dieu et homme tout ensemble, et la paix que vous donnera la vie spirituelle, reposant dans le bien, vous donnera aussi la paix du cœur. »


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