ASDE 055 Marie Lataste

 

Dieu, la Sainte Trinité

33ème partie

Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique

 

LIVRE 8

La grâce et les vertus théologales

 

Chap. 7, La foi, l’espérance et la charité (suite)

 

La charité (suite)

 

  La charité : sa dignité

 

« La charité est de toutes les vertus la plus précieuse, parce que c’est celle qui rapporte le plus à l’âme. La foi fait regarder Dieu ; l’espérance le fait attendre ; la charité le fait posséder. Or, vous le comprenez, la possession d’une chose quelconque est de beaucoup préférable à son regard ou à son attente. La charité est aussi de toutes les vertus la plus estimable, parce que la charité est la vertu qui rehausse le plus une âme. C’est elle qui élève l’âme jusqu’à Dieu, c’est elle qui l’unit à Dieu, c’est elle qui la couronne en lui.

 

« Voilà, ma fille, en quelques paroles, la nature de la charité. Quel est le sujet de la vertu de charité ? En quelle proportion est-elle dans les âmes ? Peut-elle croître, diminuer ou se perfectionner, ou bien reste-t-elle toujours dans le même état ? Quelle est la perfection de la charité ? Peut-on avoir sur la terre la perfection absolue de la charité ? Vous ne vous êtes jamais demandé cela à vous-même. Il est pourtant bon et utile de réfléchir ainsi et de considérer la vie intérieure de l’âme. Sans cette considération, peu à peu on se relâche, on tombe dans l’engourdissement, on perd le bien surnaturel que l’on possède.

 

  La charité : son sujet

 

« Écoutez-moi avec attention. La charité, je vous l’ai déjà dit, ne finit point avec la vie. Elle continue dans le ciel. La charité n’existe pas dans l’enfer, séjour du désordre et de la haine éternelle contre Dieu. La charité sur la terre se trouve dans les âmes qui ont en elles la grâce.

 

« La charité réside principalement dans une des facultés de l’âme ; cette faculté, c’est la volonté. C’est la volonté en effet, qui saisit Dieu et s’attache à lui dès qu’il lui est présenté par l’intelligence.

 

« Il y a des degrés dans la charité et dans le don de la vertu de charité que Dieu accorde aux hommes. Ce degré est plus ou moins grand, selon la volonté divine et selon les dispositions que Dieu découvre dans l’âme. Quand la vertu de charité lui est donnée, l’âme peut augmenter en elle l’intensité de sa charité. La charité augmente à mesure qu’on se rapproche de Dieu. La charité n’augmente pas d’une manière sensible par chaque acte de charité, mais chaque acte dispose à l’augmentation de la charité, parce que chacun de ces actes rend l’homme plus apte à agir de nouveau selon la charité. Celui qui est dans l’état de charité peut désirer de l’augmenter de plus en plus, et trouve toujours en lui une capacité qui n’est jamais remplie.

 

« Il y a trois degrés dans la charité qui vous montreront qu’elle est susceptible d’augmentation et de progrès.

 

« La charité telle qu’elle est donnée par la grâce de Dieu ; la charité déposée dans l’âme, mais soutenue et fortifiée ; et enfin la charité parfaite ou la charité que rien ne peut enlever d’une âme.

 

« Il y a trois sortes de perfections dans la charité : la perfection de la charité en Dieu, la perfection de la charité dans le ciel et la perfection de la charité sur la terre. En Dieu car il est parfait, et Dieu est charité, par conséquent il y a en lui perfection dans la charité. Cette perfection divine de la charité qui est Dieu, n’appartient qu’à Dieu.

 

« Dans le ciel, la perfection de la charité consiste en ce que toutes les puissances de l’âme sont uniquement attachées à Dieu et ne peuvent tendre que vers lui.

 

« La perfection de la charité sur la terre est triple et renferme trois degrés. La charité est parfaite dans un homme qui se donne tout entier à l’étude de Dieu, à la recherche de Dieu et de ce qui est à Dieu, oubliant tout le reste et s’occupant à peine de ce qui est nécessaire pour l’entretien de sa vie. La charité est parfaite dans celui qui tient habituellement son cœur uni à Dieu, de telle manière qu’il ne veuille et ne désire rien qui soit contraire à l’amour de Dieu. La charité est parfaite dans celui qui tend vers Dieu, non seulement par l’accomplissement des commandements, mais encore par la pratique des conseils évangéliques.

 

« Telle est la perfection possible de la charité sur la terre ; la perfection absolue de la charité ou le plus haut degré de charité qui puisse se concevoir n’est point possible sur la terre, parce qu’on peut toujours concevoir une charité plus parfaite dans celui qui a la charité parfaite.

 

« Je n’ai pas besoin d’insister longuement, ma fille, pour vous montrer que la charité peut diminuer et se perdre. Adam avait la charité, il la perdit par son péché. Les chrétiens, après leur baptême, ont la charité, un seul péché mortel suffit pour la leur faire perdre. En effet, ma fille, pécher mortellement, c’est se retirer et s’éloigner de Dieu, c’est se révolter contre lui, et l’éloignement et la révolte sont opposés à la charité, ils la ruinent et la font disparaître. Le péché mortel est la mort de la charité dans une âme ; le péché véniel en est la diminution. Le péché véniel n’est qu’une petite offense, une légère révolte, mais néanmoins c’est une révolte et une offense ; ces péchés, par conséquent, diminuent la charité ; ils ne séparent pas tout à fait, ils n’éloignent pas complètement de Dieu, néanmoins ils commencent la séparation et l’éloignement.

 

« Fuyez donc, ma fille, non seulement le péché mortel, mais encore le péché véniel, qui est si préjudiciable aux âmes. Conservez précieusement la charité. Si vous avez la charité, vous le reconnaîtrez aux signes que je vais vous indiquer. Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine, à moins que cela ne lui soit révélé. On peut néanmoins avoir une connaissance suffisante de l’état de sa conscience et de son âme quand on fait attention aux signes principaux qui témoignent de la possession de la charité.

 

« Si vous pensez à Dieu volontiers et avec plaisir, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité. Là où est votre cœur, là est votre trésor, c’est-à-dire Dieu, et celui qui a Dieu pour trésor n’a rien à craindre.

 

« Si vous entendez parler de Dieu avec plaisir, si vous retenez les paroles bonnes et édifiantes que vous aurez entendues, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

 

« Si vous vous entretenez souvent avec Dieu, si vous lui parlez par la prière, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

 

« Si vous donnez volontiers pour Dieu ce qui vous appartient, ce dont vous pouvez disposer, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

 

« Si vous souffrez patiemment les douleurs de cette vie en vue de plaire à Dieu, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

 

« Si vous observez fidèlement les commandements de Dieu, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

 

« Si vous aimez tout ce que Dieu aime, ce qui lui est agréable, les œuvres de vertu ; si vous détestez tout ce qu’il déteste, le crime et le vice, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

« Tels sont, ma fille, les signes divers auxquels vous reconnaîtrez que la charité est en vous. Si vous avez la charité, Dieu vous aime parce que vous lui êtes agréable, et vous êtes vraiment ainsi digne de son amour.

 

  La charité : son objet

 

« Il ne suffit pas, ma fille, que vous sachiez ce que c’est que la charité et quel est le sujet de la charité, il faut que vous en connaissiez encore l’objet, afin que vous exerciez dignement la vertu de charité.

 

« La charité, dans son exercice, trouve quatre objets sur lesquels elle doit se porter : Dieu, votre âme, votre prochain et votre corps. Dieu, qui est au-dessus de votre âme ; votre âme, qui est ce qui vous touche le plus après Dieu ; le prochain, qui est votre frère et votre semblable ; enfin, votre corps, ce compagnon de votre exil et de votre pèlerinage ici-bas.

 

  La charité doit se porter sur Dieu

 

« Dieu, ma fille, est le premier objet de votre charité.

 

« Vous devez aimer Dieu par reconnaissance. C’est de lui que vous avez reçu tout ce qui est en vous, l’âme et le corps, la rédemption et la grâce. C’est lui qui vous facilite tous les moyens d’aller au ciel, et qui veut vous le donner et vous y montrer à découvert la splendeur de sa gloire.

 

« Vous devez aimer Dieu parce qu’il est infiniment aimable. Vous devez l’aimer à cause de sa sainteté, à cause de ses perfections : car on doit aimer et on aime tout ce qui est bon, tout ce qui est bien, tout ce qui est parfait. Or, est-il bien ou perfection supérieure à celle de Dieu ?

 

« Vous devez l’aimer, non seulement parce qu’il est Dieu, mais parce qu’il est votre Dieu, c’est-à-dire votre Maître, votre Seigneur, c’est-à-dire parce qu’il s’est pour ainsi dire donné à vous et qu’il veut être votre possession, votre Dieu. Oui, Dieu vous appartient, car il est votre Père ; Dieu vous appartient, car vous êtes son enfant. Eh bien ! puisqu’il en est ainsi, aimez Dieu, aimez-le de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes vos forces, c’est-à-dire aimez-le autant que vous pouvez l’aimer, en lui consacrant votre intelligence, votre volonté, votre corps, tout ce qui est en vous. Aimez-le non seulement intérieurement, mais manifestez encore votre amour par des œuvres extérieures. Aimez Dieu toujours ; aimez Dieu dans toutes les positions, dans tous les événements, dans tous les actes, dans tous les désirs de votre vie. Que votre vie ne soit qu’une seule chose, l’amour continuel de Dieu, plus grand que celui de vous-même, de vos parents, de vos amis et de toutes les choses du monde.

 

« C’est là un commandement formel qui est imposé à toute créature raisonnable et dont l’observation produit les plus grands biens, comme sa violation entraîne des malheurs considérables.

 

« La charité ou l’amour de Dieu produit les plus grands biens. En effet, elle efface la multitude des péchés qu’on peut avoir commis, et j’adresserai à tous les pécheurs qui auront imité Marie-Madeleine les paroles que je lui adressai à elle-même : “Tous vos péchés vous sont remis parce que vous avez beaucoup aimé.”

 

« La charité est la lumière de l’âme. Quand on aime quelqu’un, on cherche tous les moyens pour lui plaire et lui être agréable. Quand on aime Dieu, on cherche aussi à lui plaire et on en trouve facilement le moyen, parce qu’il se rapproche de celui qui l’aime. En se rapprochant de lui, il l’éclaire parce qu’il est la lumière éternelle, dont la clarté n’est comparable à aucune autre lumière.

 

« La charité est la sauvegarde de l’âme, non seulement en tant qu’elle préserve du mal, mais en tant qu’elle donne Dieu lui-même pour gardien. Dieu aime ceux qui l’aiment, il les garde, il les préserve de tout malheur, comme l’homme garde et préserve de tout mal la prunelle de son œil. Elle obtient le secours de Dieu dans les nécessités de la vie, elle soutient à l’heure de la mort. La charité, en effet, donne du courage dans toutes les situations pénibles, parce qu’elle fait tout endurer pour l’amour de Dieu ; elle soutient à l’heure de la mort, car celui qui a la charité ne craint pas la mort, au contraire, il la désire, parce qu’après la mort il possédera Dieu, non par l’espérance, mais en réalité.

 

« La charité tourne tout ce qui est dans l’homme à son avantage et à son profit : le bien et la souffrance, la consolation et la tristesse, parce qu’elle rapporte tout à Dieu, et que cette relation sanctifie tout, et que tout acte sanctifié est un bien pour celui qui l’opère.

 

« La charité, enfin, donne ici-bas un avant-goût de la réalité du ciel. Elle élève au plus haut degré de la contemplation de Dieu les âmes qui la possèdent, et les tient ainsi ravies en Dieu, loin des biens méprisables de la terre, de ses plaisirs, de ses honneurs et de ses consolations.

 

« Tout, au contraire, s’élève contre celui qui n’aime pas Dieu. Le péché s’empare de son cœur et le fait ramper à terre ; les contrariétés de la vie et ses diverses épreuves se tournent contre lui ; le monde entier, selon l’expression du sage, combat pour Dieu et contre les insensés qui ne savent point s’attacher à Dieu et l’aimer.

 

« La vertu de charité est unique en elle-même, mais elle a plusieurs objets différents. Elle s’exerce sur Dieu, elle doit s’exercer aussi sur soi-même et sur le prochain, selon le précepte que j’en ai donné quand j’étais sur la terre : Aimez Dieu par-dessus tout et le prochain comme vous-même.

 

« Le chrétien doit aimer le prochain comme il s’aime lui-même. Dans le chrétien comme dans chaque individu, il y a deux choses : l’âme et le corps. Vous devez donc aimer en vous et votre âme et votre corps, et dans les autres, leur âme et leur corps. Voici l’ordre que vous devez suivre dans cet amour de vous-même et du prochain.

 

« D’abord, vous devez commencer par vous aimez vous-même, puisque l’amour que vous devez avoir pour le prochain doit être à l’exemple de celui que vous devez avoir pour vous. Vous devez aimer votre âme plus que celle de votre prochain, c’est-à-dire que vous devez aimer votre âme avant et de préférence à celle de votre prochain, mais vous devez aimer plus l’âme de votre prochain que votre corps, tout comme vous devez commencer par aimer votre corps avant celui de votre prochain.

 

  La charité doit se porter sur l’âme

 

« Pourquoi, ma fille, devez-vous plus aimer votre âme que celle de votre prochain ou devez-vous aimer votre âme avant celle de votre prochain ? Cela se conçoit aisément. Vous aimez Dieu comme principe du bien, vous devez vous aimer vous-même en Dieu par charité pour obtenir société avec Dieu, qui sera votre bien. Cette future association de vous-même avec Dieu est la raison de l’amour que vous avez pour Dieu, amour qui sera la mesure de votre union à Dieu. Or, l’unité de participation à Dieu est préférable pour vous à l’union de plusieurs avec vous dans cette même participation, par conséquent vous devez chercher d’abord votre union à Dieu avant celle d’autrui. Vous avez la preuve de ce que je vous dis, ma fille, en ce qu’il vous est défendu de faire le plus petit péché pour délivrer qui que ce soit de son péché, parce que ce péché vous détournerait plus ou moins, selon sa malice, de la participation du souverain bien.

 

« Mais vous devez plus aimer l’âme de votre frère ou de votre prochain que votre propre corps. Ainsi, ma fille, vous seriez tenue d’exposer votre vie, c’est-à-dire la vie du corps, pour procurer le salut de l’âme d’une personne quelconque, si vous pouviez, en exposant votre vie, même en la sacrifiant, sauver l’âme de cette personne. Ce serait là, ma fille, la marque d’une charité parfaite, bien comprise et bien entendue. Vous n’êtes point tenue à cela par nécessité de charité, c’est-à-dire pour avoir la charité ; mais la charité parfaite porte à ce sacrifice, tant à cause du bonheur que vous procurez à l’âme que vous sauvez, que de la gloire qui en revient à Dieu.

 

« Ce que je vous ai dit de la préférence que vous devez donner à votre âme dans votre amour doit vous faire comprendre la préférence que vous devez aussi donner à votre corps sur le corps de votre prochain.

 

La charité doit se porter sur le prochain

 

 Qui est votre prochain ?

 

« Vous devez aimer le prochain. Savez-vous quel est votre prochain ? Votre prochain est tout être raisonnable de qui vous pouvez recevoir quelque bien en vue de la vie éternelle, ou à qui vous pouvez rendre quelque bien de cette sorte.

 

 Les anges

 

« Ainsi les anges comptent parmi votre prochain, parce qu’ils vous obtiennent des biens spirituels, parce qu’ils veillent sur vous, parce que vous partagerez un jour leur bonheur et que vous serez véritablement leur proche.

 

 Les élus du ciel

 

« Les élus du ciel sont votre prochain ; ils sont de la grande famille humaine à laquelle vous appartenez, et ils vous obtiennent de Dieu les secours qui vous sont nécessaires pour arriver au bonheur qu’ils possèdent eux-mêmes.

 

 

 

 

 Les justes de la terre

 

« Tous les justes de la terre sont votre prochain, non seulement parce qu’ils sont disposés à vous faire du bien, mais parce que vous pouvez leur en faire à votre tour, et vous devez aimer par charité les anges, les élus du ciel et les justes de la terre.

 

 Les âmes du purgatoire

 

« Les âmes qui sont dans le purgatoire sont votre prochain, vous pouvez et devez prier pour elles, afin de les soulager dans leurs peines et d’obtenir leur délivrance.

 

 Les pêcheurs

 

« Les pécheurs sont aussi votre prochain, et vous devez les aimer par charité. Vous devez considérer deux choses en eux : leur personne et leur péché. Leur personne est susceptible de participer au bonheur du ciel, et vous devez aimer leur personne ; mais le péché qui est en eux mérite votre haine et votre aversion. Ne confondez pas le péché avec le pécheur. Haïssez le péché comme Dieu le hait ; mais aimez le pécheur comme Dieu l’aime dans sa miséricorde, puisqu’il ne veut point sa mort, mais sa conversion et sa vie.

 

« Si le précepte de la charité s’étend sur tous les hommes de la terre, sur les âmes du purgatoire et celles qui participent au bonheur du ciel, il ne s’étend point aux démons ni aux damnés. Les démons et les damnés ont tellement déformé leur nature que vous ne devez point les aimer, mais les haïr comme Dieu, qui les haïra éternellement. »

 

 L’exercice de la charité

 

Le Sauveur Jésus me dit un autre jour :

« Ma fille, si vous voulez bien accomplir le précepte de la charité, prenez-moi toujours pour modèle. Considérez de quel amour j’ai aimé les hommes, et vous verrez qu’il avait trois caractères bien distincts.

 

 Aimer gratuitement

 

« Je les ai aimés gratuitement, c’est-à-dire sans avoir rien reçu d’eux et sans qu’ils m’aient aimé les premiers. Si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, ma fille, vous n’aimeriez point votre prochain. J’ai aimé les hommes, non à cause du bien qu’ils m’avaient fait, mais uniquement pour leur faire du bien. C’est ainsi que vous devez aimer votre prochain, sans rien attendre de lui, et dans la disposition de lui faire toujours du bien si vous le pouvez. J’ai aimé les hommes, même mes plus grands ennemis, mes bourreaux, et, sur la croix, je demandai à mon Père leur pardon. Si vous avez des ennemis, si vous rencontrez des personnes qui vous persécutent, qui vous chagrinent, loin de les haïr, aimez-les encore plus que vos amis, ce sera le moyen de vous les concilier et de vous rendre plus agréable à Dieu.

 

 Aimer avec discrétion

 

« J’ai aimé les hommes avec discrétion. Je n’ai jamais aimé en eux le vice ou le péché. J’ai guéri le paralytique en lui disant : “Tes péchés te sont remis.”   J’ai pardonné à la femme adultère en lui disant : “Allez, ne péchez plus.”   J’ai pardonné à saint Pierre, et mon regard pénétra jusqu’au fond de son âme. J’ai pardonné à l’apôtre incrédule, et il se releva plein de foi en disant : “Mon Seigneur et mon Dieu !”   Et le pardon que je leur ai accordé était bien la preuve de mon amour pour eux. J’ai pardonné tous les péchés des hommes sur la croix ; mais ce pardon n’était point l’approbation de ces fautes, c’en était la condamnation par l’éclat de ma miséricorde, puisqu’il a fallu la souffrance d’un Dieu pour effacer le péché. Ainsi, ma fille, il faut aimer le prochain, mais néanmoins condamner et haïr tout ce qu’il y a de répréhensible en lui, c’est-à-dire le vice et le péché.

 

 Aimer d’un amour extrême et fructueux

 

« J’ai aimé les hommes d’un amour extrême et fructueux. Je les ai aimés d’un amour extrême, car j’ai quitté la splendeur des cieux, je me suis fait homme, je me suis humilié jusqu’à la mort de la croix. Je les ai aimés d’un amour fructueux, puisque mon amour leur a rendu la vie, leur a ouvert le ciel.

 

« Aimez ainsi le prochain, en vous dépouillant de votre volonté propre, en vous mortifiant, en vous sacrifiant pour lui, en travaillant autant que vous le pourrez à son salut ; et ainsi vous aimerez véritablement votre prochain, car vous l’aimerez comme j’ai aimé moi-même les hommes.

 

« Aimez le prochain, ma fille ; aimez-le en Dieu et pour Dieu, et en aimant le prochain vous aimerez Dieu, et ces deux amours ne feront qu’un amour, l’amour de Dieu, bien que les objets et les actes de cet amour soient distincts, parce que votre amour se terminera toujours directement ou indirectement à Dieu.

 

« Vivez dans l’amour de Dieu, dans cet amour tel que je vous l’ai fait connaître, dans l’exercice de cette vertu que je dépose dans tous ceux qui reçoivent ma grâce.

 

« Si vous avez l’amour de Dieu, si vous vivez dans la charité, quand vous n’auriez d’autre toit que le ciel, d’autre nourriture que celle qui vous serait offerte par la charité publique, d’autres vêtements que des haillons, vous êtes plus riche que ceux qui possèdent des trésors immenses s’ils n’aiment pas Dieu.

 

« Si vous vivez dans la charité, si vous aimez Dieu, la charité rendra tout aimable en vous ; elle attirera sur vous l’admiration des anges et des hommes, et répandra sur toutes vos actions la douceur et la suavité de son impression.

 

« Si vous vivez dans la charité, si vous avez l’amour de Dieu, vous serez pleine de force et d’énergie, vous deviendrez capable des plus grandes choses et rien ne pourra vous résister.

 

« Si vous vivez dans la charité, si vous avez l’amour de Dieu, votre âme généreuse se détachera de tout et sera prête aux plus grands sacrifices. Rien ne l’étonnera, rien ne l’ébranlera, rien ne l’épouvantera ; vous traverseriez des armées rangées en bataille, votre âme, calme et tranquille, ne se sentirait point trembler ni craindre.

 

« Si vous vivez dans la charité, si vous aimez Dieu, vous déposerez vos peines en son sein, vous épancherez votre cœur dans le cœur de Dieu, seul objet digne de votre confiance, seul être capable de vous consoler, et vous éprouverez combien est doux et suave le service de Dieu au milieu des plus grandes tribulations.

 

« Si vous vivez dans la charité, si vous aimez Dieu, vous ne vous appartiendrez plus ; Dieu sera votre maître, il régnera sur vous, il vous parlera, et vous lui obéirez sans pouvoir lui résister, parce que l’amour que vous aurez pour lui vous attirera vers lui par l’accomplissement de sa volonté.

 

« Ô amour ! amour ! amour ! flamme de la charité, comment se fait-il que, désirant si fort de te communiquer, tu embrases si peu de cœurs ? Le savez-vous, ma fille ? Ah ! c’est qu’il trouve l’entrée des âmes fermée et que ses traits s’émoussent sur des cœurs aussi durs que le roc. Priez Dieu qu’il dispose ces cœurs à recevoir et à conserver la grâce ; il les ouvrira, il les ramollira, et avec la grâce, l’amour divin viendra habiter en eux. Le cœur d’un pécheur ressemble à une belle maison remplie de meubles vermoulus et gâtés, que la lumière du jour ne pénètre point, et qui éloigne par son infection insupportable ceux qui voudraient en approcher. Si l’amour divin pénètre dans ce cœur, il l’éclaire, il l’illumine, il remplace par des meubles précieux ceux qui y étaient avant, il répand enfin dans tout son intérieur un parfum dont l’odeur suave monte de la terre au ciel pour inviter le Dieu de charité à venir en prendre possession.

« Ma fille, resserrons de plus en plus les doux liens qui nous unissent, que rien ne soit capable de nous séparer, ni la vie, ni la mort, ni les hommes, ni les démons. Aimez-moi chaque jour davantage ; moi, je ne vous aimerai pas demain plus que je ne vous aime aujourd’hui, mais je vous donnerai des marques plus sensibles de mon amour. Ouvrez votre âme à toutes les ardeurs du divin amour, et que ses flammes circulent avec votre sang dans vos veines. Offrez-vous comme victime, et que votre sacrifice soit consumé par le feu de l’amour divin. Aimez-moi comme je vous ai aimée quand j’étais sur la terre. Que de peines, que de fatigues, de souffrances vous m’avez coûtées ! J’ai donné ma vie et mon sang pour vous sauver, et, non content d’être mort une fois pour vous, je suis toujours ici près de vous dans le sacrement de mon amour. Je demeure ici constamment avec mon corps, mon âme et ma divinité par amour pour vous ; demeurez ici par la pensée par amour pour moi. Quand j’instituai ce sacrement, je connaissais déjà les outrages, les irrévérences, les sacrilèges et toutes les injures que je devais y recevoir, mais je sus me contenter du petit nombre d’âmes fidèles qui devaient m’y honorer et m’y témoigner leur amour. Soyez de ce nombre, ma fille. Dédommagez-moi par votre amour de l’indifférence et de l’insensibilité de tant de mauvais chrétiens. J’ai le droit et un droit tout spécial pour attendre cela de vous.

 

« Ô amour sacré, étendez-vous sur la terre, embrasez tous les cœurs ! Qu’il embrase surtout votre cœur, ma fille. Qu’il soit pour vous le plus précieux de tous les biens. Qu’il soit la souveraine beauté de votre âme. Qu’il soit le soulagement, la consolation et le repos de votre cœur dans vos peines et vos afflictions.

 

« Ô puissance de l’amour divin sur les hommes ! Ô puissance de l’amour divin sur Dieu ! Il donne les hommes à Dieu, il fait mourir Dieu pour les hommes !

 

« Je suis mort par amour pour vous, ma fille, donnez-vous donc à votre Sauveur, à votre Dieu par amour pour lui. Répondez à mon amour par votre amour, vivez par amour pour moi, sacrifiez-vous par amour pour moi, mourez par amour pour moi, parce que j’ai vécu, j’ai souffert, je suis mort par amour pour vous. »

 

Ainsi me parla le Sauveur Jésus, et mon âme fut toute pénétrée par l’ardeur de sa voix et la douceur de sa parole.

 

 

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