Témoignage de l’abbé Guy Pagès
Sur la lecture des œuvres de Maria Valtorta
Bref témoignage au sujet de ma lecture des Œuvres de Maria Valtorta, à la demande de M. Bruno Perrinet, pour la 3ème Journée nationale des Amis de Maria Valtorta, le 19 mai 2018, à l’église Notre Dame d’Auteuil à Paris.
La demande de notre ami Bruno Perrinet de vous parler de ma lecture des œuvres de Maria Valtorta m’a placé devant un dilemme : En effet, d’une part il y a vingt-deux ans que j’ai lu Maria Valtorta, et plus jamais depuis, si ce n’est parfois des extraits du tome 9 à l’occasion de la Semaine Sainte ― ce qui m’a amené à publier avec M. Perrinet le Chemin de croix avec Maria Valtorta. Je lisais le soir, dans mon lit, avant de m’endormir, alors que j’étais jeune prêtre. Cela a duré un an. Eh bien, je peux dire que toute la journée j’attendais d’arriver à ce moment-là, tellement ce que je vivais était alors quelque chose de beau, d’intense, de déterminant ! J’ai lu tout Maria Valtorta, tout ce qu’elle a écrit, mais je ne l’ai lu qu’une seule fois, et il y a donc longtemps déjà. Donc, même si l’expérience faite au cours de cette lecture demeure toujours présente en moi, en s’identifiant d’ailleurs peut-être à la Présence même de Jésus, vous voyez, je pourrais ne pas être un témoin idéal pour cautionner l’œuvre de Maria Valtorta. C’est du moins ce que je me suis dit. Mais d’autre part, j’ai un amour et une reconnaissance si grands pour Maria Valtorta, que j’ai estimé comme une grâce et un devoir de contribuer, si modestement que ce soit, à faire connaître son œuvre. Et c’est pourquoi j’ai finalement accepté de vous dire ces quelques mots.
Je sais qu’il ne manque pas d’esprits supérieurs pour faire remarquer que les Évangélistes n’ont pas été aussi prolixes que Maria Valtorta, et qu’en conséquence vouloir davantage de détails ou d’informations qu’en donnent les Évangélistes, serait superflu, relèverait de la curiosité, et pourrait être même spirituellement suspect. Or, il faut bien comprendre que si, de fait, la Sainte Écriture contient parfaitement le mystère du Christ, c’est elle-même qui nous dit néanmoins que tout n’a pas pu être écrit de ce que Jésus a fait et dit, et que le monde entier ne suffirait pas à contenir tous les livres qu’il faudrait écrire si on voulait le raconter (Jn 21.25) ! Par cette hyperbole, saint Jean montre combien il eût aimé écrire encore au sujet de Jésus… Ce n’est donc pas aller contre le principe de la Sainte Écriture que de bénéficier d’une œuvre telle celle de Maria Valtorta. Bien sûr, la Bible et les Écrits de Maria Valtorta ne sont pas comparables en dignité et en autorité, mais bien quant à leur but, qui est de faire connaître et aimer Jésus.
Permettez-moi de faire part du conseil que je donne à toutes les personnes à qui je recommande la lecture de L’Évangile tel qu’il m’a été révélé, conseil que j’ai moi-même reçu, celui de commencer la lecture par le tome 2. En effet, le tome 1 montre la vie des ascendants de Jésus qui sont tellement saints, qui aiment tellement Dieu, que l’abîme séparant leur vie de ce qui fut la mienne m’aurait porté à abandonner cette lecture si je n’avais pas commencé par lire le tome 2. En ce tome et les suivants, la simplicité de Jésus est telle, qu’elle équilibre tout le côté extraordinaire de ce que nous lisons, de ce que nous voyons. Il devient alors possible de reprendre la lecture à partir du tome 1.
Est-ce donc un péché de reconnaître avec saint Thomas d’Aquin que les prophètes n’ont pas disparu avec la clôture de la Révélation (II-II, Q 174, a.6), à laquelle ceux-ci n’ajoutent rien du fait que Dieu continue à rappeler par eux les exigences de Son amour ? Le docteur commun ne craignait pas d’utiliser comme arguments de ses savants raisonnements des récits non-canoniques, telle la Légende dorée. La Constitution Dei Verbum, n°8, du concile Vatican II, enseigne que « l’expérience mystique des spirituels est un des moyens d’expliciter la Révélation ». Et la Commission Théologique Internationale a renchéri ce propos en affirmant que « la théologie doit être attentive à ce que l’Esprit dit aux Églises à travers ‘‘la science des saints’’. (La Théologie aujourd’hui : perspectives, principes et critères, n°99, La Documentation Catholique, 19 août 2012, n°2494) ». Eh bien, c’est justement ce qu’entendent faire les lecteurs de Maria Valtorta : bénéficier de la science qu’elle a reçue pour mieux connaître et aimer Jésus.
Ont-ils oublié, ces sérieux théologiens qui dénigrent les révélations privées, que notre religion n’existerait pas sans manifestations surnaturelles et apparitions divines ? En effet, la Sainte Écriture, du premier jusqu’au dernier de ses livres, est remplie de récits d’apparitions : Gn 2.22 ; 3.8 ; 12.7 ; 17.1 ; 18.1 ; 26.2+ ; Ex 3.2+ ; Lv 9.4+ ; Nb 14.10+ ; Jg 6.12 ; 13.3-21 ; 1 R 3.5 ; 2 Ch 7.12 ; Tb 5.4 ; 2 Ma 2.8+ ; Ps 84.8 ; Jr 31.3+ ; Ez 10.1+ ; Dn 8.1 ; Za 9.14+ ; Mal 3.2+ ;Mt 28 ; Mc 16 ; Lc 1.11-20,26-38 ; 2.8-15,26 ; 4.1-13 ; 9.28-35 ; 24 ; Jn 20-21 ; Ac 9.3 ; 10.3-33 ; 11.5-18,27-30 ; 16.9-10 ; Ga 2.2 ; 2 P. 1.16-18 ; Ap 1+… L’Histoire du Salut, et l’Église qui l’incarne, existeraient-elles donc sans les Apparitions ? Que serait la Révélation chrétienne sans le message de l’Archange Gabriel à la Vierge Marie, les apparitions du Ressuscité à Marie-Madeleine, aux Apôtres, à saint Pierre, à saint Paul, à saint Jean, toutes les manifestations surnaturelles à l’origine de nombre de conversions, et présentes en la vie de tant de saints ? Faut-il oublier Paray-le-Monial et Fatima ? Si Dieu S’est exprimé dans les Ancienne et Nouvelle Alliances par des prophètes (Lc 2.36 ; Ep 3.5), pourquoi ne le pourrait-Il plus aujourd’hui ? Certes, Il nous a déjà tout dit en Son Fils, mais n’a-t-Il pas de bonnes raisons de nous le rappeler ou de l’expliciter ? Qu’est-ce qui fonde aujourd’hui ce mépris du prophétisme dans la vie et la pensée chrétiennes (Ac 11.27 ; 13.1 ; 15.32 ; 21.10), sinon la volonté d’empêcher Dieu de continuer à parler, pour substituer à Sa parole une parole toute humaine, infatuée du prestige de la « rationalité », qui n’est en fait que rationalisme ? « Arrière, Satan ! Tes paroles ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! (Mt 16.23) » a-t-on envie de dire à ceux qui refusent que Dieu continue à parler pour parler à Sa place ! Saint Paul se trompait-il donc lorsqu’il nous a demandé : « N’éteignez pas l’Esprit ! Ne dépréciez pas les dons de prophéties, mais vérifiez tout, et ce qui est bon, retenez-le. (1 Th 5.19-21) » ?
Je sais que les détracteurs de l’œuvre de Maria Valtorta avancent qu’elle aurait été condamnée par le Saint Office. Mais, il faut savoir aussi que Jésus avait interdit qu’elle soit publiée du vivant de Maria Valtorta, ce dont n’a pas tenu compte son père spirituel, en sorte que cette désobéissance est la cause véritable des problèmes qu’a rencontré l’œuvre avec la hiérarchie de l’Église. Et il faut savoir aussi que le 26 mai 1923, le même Saint Office avait condamné le Padre Pio par un jugement affirmant n’avoir rien constaté de surnaturel dans les phénomènes extraordinaires attachés à la personne du célèbre capucin… On sait depuis, et certains n’en avaient jamais douté, que le Saint Office s’était trompé.
Je sais que d’autres disent encore ne pas apprécier cette œuvre parce qu’elle serait trop volumineuse, trop détaillée, puisque, comme vous le savez peut-être, on y contemple non seulement la couleur des fleurs, mais on y hume aussi leurs parfums… C’est vous dire combien cela peut être dérangeant pour quelqu’un de pressé ! Mais pour qui vit en compagnie de Jésus, de Sa mère, de ceux qui Les aiment, quel bonheur que de partager avec eux des moments si simples, des moments qui s’identifient, pour ceux qui justement sont simples ― puisqu’à eux seuls le Royaume des Cieux est donné (Mt 18.3) ―, au bonheur même !
A ceux qui trouvent que l’expression de Maria est trop féminine, que leur manque-t-il, sinon d’aimer Maria telle qu’elle est, d’accepter de voir les choses comme elle voit, de les comprendre comme elle les comprend, ou plutôt d’accepter que Maria les voit et les comprenne ainsi ? N’est-ce pas alors donner à Dieu une vraie preuve d’amour s’il est vrai que l’on ne peut L’aimer sans aimer son prochain ? Et si l’amour du prochain est la clé du Paradis (Mt 25.34-46), pourquoi et comment ne pas aimer Maria Valtorta ?
D’autres vont prétendre qu’il y aurait des erreurs, théologiques, historiques… Je n’ai pas pris connaissance de ces prétendues erreurs, telles qu’elles ont pu être répertoriées dans certains écrits à charge, mais je vais donner quelques exemples de difficultés que j’ai moi-même rencontrées.
Je me souviens d’un prêtre qui me donnait pour raison de la fausseté des Écrits de Maria Valtorta le fait que Jésus y parlait ouvertement et longuement de la Trinité. Pour lui, la Trinité n’appartenait pas à la prédication de Jésus, mais l’Église l’avait ajouté ensuite. Or, pourquoi et comment l’Église aurait-elle pu inventer une pareille chose ? L’Église n’a rien inventé de sa foi, mais elle l’a reçue directement telle qu’elle du Seigneur et de ses Apôtres. Les Évangiles d’ailleurs, contrairement à ce que l’imaginait ce prêtre, contiennent bien, à plusieurs reprises, la référence à la Trinité.
Quelqu’un d’autre me dit un jour son étonnement du fait que le grand père du jeune Marziam, que Jésus et ses apôtres avaient adopté, ait prié saint Jonas, un serviteur ayant enduré la méchanceté de son maitre Doras sans le haïr, et qui croyait en Jésus. Était-ce un anachronisme ? Les juifs priaient-ils les saints ? me demanda cette personne. Je ne sais pas si les Juifs priaient les saints, lui ai-je répondu, mais je crois, par contre, qu’il n’y a rien d’impossible à ce que Jésus ait appris à ses amis à le faire…
Un dernier exemple : je fus moi-même un moment interdit à la lecture d’une scène poignante tirée d’un des Cahiers, montrant des chrétiens voués aux fauves dans la prison Mamertine. A un moment, on voit de retour du cirque où il venait d’être éventré, quelqu’un que Maria présente comme étant un prêtre, portant ses boyaux qui s’échappaient de son ventre ― car les fauves avaient tant de chrétiens à dévorer qu’un certain nombre revenaient seulement blessés à la prison pour y attendre le spectacle suivant. Ce prêtre donc, se mit à évangéliser à leur demande, puis à baptiser avec son sang, les deux gardiens de la prison. Or, le baptême n’est pas valide si un autre liquide que l’eau est utilisé… Est-ce que ce prêtre ne connaissait pas les règles de la sainte Église pour croire devoir baptiser avec du sang ? Ou bien était-ce pas une preuve que Maria Valtorta inventait ses visions ? Mais pourquoi inventer une chose aussi étrange ? En fait, je compris que ce baptême avec le sang dégoulinant des entrailles du prêtre symbolisait celui qu’allait recevoir dans leur propre sang ces deux jeunes soldats tout frais convertis. D’une part, il n’y avait pas d’eau dans la prison, et d’autre part ces deux jeunes soldats avaient dû révéler au prêtre leur intention d’imiter ces chrétiens de tous âges et sexes qu’ils voyaient s’exhorter mutuellement à souffrir et mourir pour l’amour de Jésus, en rendant témoignage eux-aussi à la vérité de l’Évangile par le fait d’aller aussitôt culbuter les idoles qui trônaient dans le cirque et y être derechef exécutés par les autres gardes. Ils furent donc baptisés dans leur propre sang. Ce que la théologie reconnaît être un vrai baptême. Ainsi le baptême du prêtre revêtait-il un caractère symbolique et prophétique.
J’affirme pour ma part que la lecture de Maria Valtorta m’a donné le bonheur de mieux connaître et aimer Notre Seigneur, Sa sainte Mère, l’Église, l’Évangile. J’irais jusqu’à dire que si le Jésus de Maria Valtorta n’est pas le vrai Jésus, alors je ne connais pas Jésus… tant Celui que je connais est le même que Celui que présente Maria Valtorta! Et je ne suis pas le seul à pouvoir dire cela : il n’est que de voir le nombre impressionnant de convertis grâce à cette œuvre. L’œuvre de Maria Valtorta est vraiment un cadeau extraordinaire de grâce, de bonté, et de miséricorde pour notre temps. Elle nous redonne Jésus, qui nous avait été volé par tant de fausse théologie, de théologie aride et desséchante, qui n’avait d’autre but que de complaire à l’esprit du monde, non de nourrir la connaissance amoureuse de Dieu ! Les Écrits de Maria Valtorta nous plongent dans un dépaysement total : dans le temps, dans la vie, et dans la pensée mêmes de Jésus… pour nous Le faire connaître très intimement, parce que nous partageons ses journées, ses soucis, ses amis, ses ennemis… Nous avons la chance de devenir un de Ses intimes, en partageant Sa vie jusque parfois dans les détails ! Je crois que c’est cela, la grâce propre à l’œuvre de Maria Valtorta : faire du lecteur un ami de Jésus, un ami ! parce que nous vivons avec Jésus, tout au long de ces pages, dont chacune est une grâce supplémentaire, aussi merveilleuse qu’imméritée…
Ce qui rend la lecture de Maria Valtorta si particulière, et qui permet de tant l’apprécier, est le fait que Jésus étant Dieu, donc éternel, toujours et partout présent, tout Lui étant connu à chaque instant, au moment même où vous lisez telle scène de Sa vie, vous pouvez croiser Son regard, posé sur vous, qui êtes ici et maintenant en train de Le regarder… Et vous pouvez ainsi Le rencontrer … Quelle extraordinaire expérience ! Quand vous lisez, vous cheminez avec Jésus qui vous voit Le regarder, et qui peut alors S’adresser à vous… par-delà le temps et l’espace… Et même si vous ne percevez rien de tel de Sa part, le simple fait que vous soyez admis, par cette lecture, à vous tenir en Sa présence, est déjà une grâce infinie. Bref, lire cette vie de Jésus, si bien écrite, est une lecture exigeante, parce qu’elle vous transforme. Comment ne pas pleurer en effet de contempler un tel amour si ignoré, méprisé, haï, combattu ! « Il est venu chez les siens, et les siens ne L’ont pas reçu. (Jn 1.11) » dit saint Jean. Combien cela continue à être vrai !
Ce qui est très bénéfique dans cette lecture est de voir comment Jésus, Marie, et leurs amis, se sont laissés guider par la Volonté de Dieu dans le concret de leur existence. Ainsi apprend-on soi-même à vivre comme Dieu le veut, à l’école des saints. Je voudrais encore dire quelle merveilleuse découverte fut pur moi la découverte de la personnalité de la Vierge Marie. Quelle droiture ! Quelle piété ! Quelle bonté ! Quelle justice ! Quel amour que celui de l’Immaculée, la Femme forte ! Combien elle est aimable ! Admirable ! C’est sa peine qui, je crois, de toutes, m’a fait le plus souffrir. Elle enfante vraiment l’Église dans la douleur. Elle est vraiment Notre Dame de douleurs. Et cela me fait souvenir d’une parole terrible de Jésus, lorsqu’Il dit des hommes de notre génération : « Je ne peux plus rien faire pour eux… Je suis impuissant… Tout le bien que J’ai fait pour eux, ils l’ont perverti pour leur malheur. » … Prenant appui sur ce principe herméneutique que les réalités de l’Ancien Testament étaient les figures de celles de la Nouvelle Alliance, raison pour laquelle, par exemple, saint Pierre voit dans le Déluge une image du baptême (1 P 3.20-21), Jésus dit quelque part : « De même que dans l’Ancienne Alliance ce sont les prêtres qui ont demandé la mise à mort du Fils de Dieu, de même, dans l’Église, ce seront les prêtres qui tueront Dieu dans les âmes. » … Et Il ajoute : « Bienheureuse les âmes qui, dans les temps précédant Mon retour, trouveront encore un prêtre. » Ce qui consonne avec cette parole de l’Évangile lorsque Jésus Se demande s’Il trouvera encore la Foi sur la terre lors de Son retour (Lc 18.8). Je ne doute pas que dans cette perspective, l’œuvre de Maria Valtorta aide à garder la Foi.