Dieu, la Sainte Trinité
31ème partie
Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique
LIVRE 8
La grâce et les vertus théologales
Chap. 5, Conduite à tenir dans les révélations, visions, extases, et ravissements
J’étais fort inquiète sur tout ce qui se passait en moi depuis quelque temps. Le doute que me témoignait mon directeur sur la vérité de ce que je voyais et entendais augmentait en moi la crainte d’être victime de quelque illusion. J’ai dit ailleurs comment le Sauveur Jésus lui-même m’a détrompée et m’a rassurée.
Voici ce qu’il m’a dit sur la conduite à tenir dans les faveurs extraordinaires que Dieu accorde, comme sont des révélations, des visions, des extases, des ravissements.
— Ma fille, une personne qui éprouve de ces sortes d’attraits qui la mettent hors d’elle-même, et qui réjouissent son cœur et son âme, doit-elle s’abandonner à ces attraits et les suivre ? Mais qu’arrive-t-il à cette pauvre âme si c’est le démon qui se change en ange de lumière pour la séduire ? Doit-elle résister opiniâtrement ? Mais si cet attrait est une grâce de Dieu, elle n’y correspond point. Que doit-elle faire en pareille conjoncture ?
« La première chose à faire, ma fille, c’est de déclarer à son direc-teur tout ce que l’on éprouve et tout ce qui se passe dans l’âme ; puis il faut suivre en tout le conseil de son directeur.
« Le directeur, s’il est sage, s’il est prudent, s’il est instruit, exami-nera tout ce que cette âme lui aura rapporté ; il verra si ces choses sont conformes à l’esprit de piété et à celui de l’Église. Il examinera les dispositions de la personne qu’il dirige, et, s’il juge que ce qui se passe en elle la porte à la vanité et à l’indépendance ou opère en elle quelque résultat fâcheux, il l’engagera à résister à ces attraits et à les repousser.
« S’il voit, au contraire, que tout ce qu’elle dit est conforme à l’esprit de piété et de l’Église, et qu’au lieu de perdre sa piété, cette personne devient de plus en plus pieuse, simple, humble, soumise et fidèle à remplir ses devoirs, il l’engagera à se soumettre humblement à la volonté de Dieu et à s’abandonner à lui comme un enfant aux bras de sa mère.
« Quand le directeur a conseillé à une personne de recevoir ainsi cet attrait et d’y correspondre, comment doit agir cette personne pour correspondre à cet attrait ?
« Au moment où elle sent son âme attirée vers un état autre que son état habituel ou normal, elle doit commencer par se dépouiller complètement de sa volonté, pour embrasser entièrement celle de son directeur, et puis conjurer Dieu de ne point permettre qu’elle soit trompée. Elle doit reconnaître enfin qu’elle n’est digne d’aucune de ces faveurs signalées et prier le Seigneur de lui faire miséricorde.
« Si cette âme agit ainsi, il est certain, ma fille, que Dieu ne permettra pas qu’elle soit victime d’aucune illusion, parce qu’elle a mis en lui toute sa confiance. Mais si cette faveur est une faveur que Dieu lui accorde, cette faveur, loin de lui être retirée, lui sera donnée avec plus d’abondance et de perfection, parce qu’elle la méritera plus encore par sa manière d’agir si soumise et si humble.
« Cette personne pourra non seulement s’abandonner ainsi à ces ravissements qu’elle éprouvera, mais encore écouter et retenir les enseignements qui lui seront donnés, pourvu que ces enseignements soient conformes en tout aux enseignements de la sainte Église de Dieu. Comme elle ne peut pas en juger par elle-même, elle doit communiquer aussi à son directeur ce qui lui a été dit, comme cela lui a été dit, autant qu’elle pourra se le rappeler. Son directeur jugera ces enseignements avec prudence, discrétion, et consultera même, s’il le faut, des hommes, ministres de Dieu comme lui, mais plus instruits que lui. Après cela le directeur se prononcera. Si celle qu’il dirige reçoit ses décisions avec humilité et soumission, ce sera une preuve que l’esprit de Dieu est avec cette personne. Si, au contraire, elle les reçoit avec peine, si elle brise le joug de la dépendance pour suivre sa volonté, ce sera un signe non équivoque que l’esprit de Dieu n’est pas en elle.
« Ma fille, dans ces circonstances, il faut deux choses à ces âmes, une grande humilité et une grande soumission à leur directeur. De plus, pour que cette soumission soit non seulement bonne en elle-même, mais produise de bons résultats, il faut que le directeur de ces âmes soit instruit, sage et prudent ; sans cela, ce sera un aveugle qui en mènera un autre, et ils tomberont tous deux dans le précipice. »
Chap. 6, Le dons
Le Sauveur Jésus m’a dit une autre fois :
— Ma fille, je vous ai parlé des grâces que Dieu accorde aux hommes pour eux-mêmes et pour leur avancement spirituel. Il est d’autres grâces que Dieu accorde à certaines âmes et qui sont plus pour l’utilité des autres que pour leur propre utilité : comme celles des apôtres qui faisaient des miracles, ressuscitaient les morts, redressaient les boiteux, confondaient les imposteurs, se faisaient comprendre de plusieurs nations dont le langage était différent, annonçaient longtemps à l’avance les événements futurs.
« Ces dons de miracles, de langues, de prophéties et autres semblables furent donnés aux apôtres, et sont encore donnés à quelques âmes d’élite pour le bien de leurs frères. C’est par les miracles qu’ils convainquent les incrédules ; c’est par le langage qu’ils les instruisent ; c’est par l’annonce des événements futurs qu’ils maintiennent dans les cœurs des fidèles des sentiments d’espérance ou qu’ils excitent en eux des sentiments de crainte.
« Il ne faut point désirer ces dons, ma fille, et Dieu ne les accorde qu’aux âmes qu’il a choisies pour cela. Mais quand Dieu donne ces grâces extraordinaires et purement gratuites, il faut en faire un usage conforme à sa volonté, afin d’opérer pour autrui et en autrui le bien que Dieu désire voir opérer.
« Ces enseignements sur la grâce et ses effets vous suffiront, ma fille, et vous permettront de vous montrer plus fidèle à toutes les grâces de Dieu, aux grâces de chaque jour, de chaque heure, de chaque moment, qui tombent sur votre âme comme une rosée bienfaisante pour faire germer en vous toutes sortes de vertus.»
Je remerciai le Sauveur Jésus, je me jetai à ses genoux et lui demandai sa bénédiction.
Le Sauveur leva les yeux au ciel et dit :
— Mon Père, bénissez votre servante Marie, comme je la bénis, et que ma parole produise en son âme des fruits de vie.