ASDE 053 Marie Lataste

 

Dieu, la Sainte Trinité

31ème partie

Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique

LIVRE 8

La grâce et les vertus théologales

 

Chap. 7, La foi, l’espérance et la charité

 

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

 

« La grâce sanctifiante met dans l’âme les trois vertus de foi, d’espérance et de charité pour la diriger vers Dieu ; celles de justice, de force, de prudence et de tempérance pour la diriger dans ses rapports avec les créatures, et enfin les sept dons du Saint-Esprit pour la disposer à recevoir les mouvements qu’il donne à ceux qui veulent se sauver. »

 

Il ne me parla ce jour-là que de la foi, de l’espérance et de la charité.

 

 

La foi

 

« La foi, me dit-il, peut s’entendre de plusieurs manières, comme l’espérance, la charité et la grâce.

 

   

  Les définitions du mot « foi »

 

« La foi désigne le jugement intérieur de l’âme, qui marque le bien et le mal ; comme on vous dit d’un homme : Il a fait cela de bonne foi, ou de mauvaise foi.

 

« La foi désigne la fidélité à tenir un pacte ou une promesse.

 

« La foi désigne la confiance que l’on a en la parole de quelqu’un.

 

« La foi désigne cette inclination par laquelle quelqu’un donne son assentiment, sans crainte d’être trompé, à ce qu’il ne voit pas pourtant d’une manière précise.

 

« La foi désigne un des dons gratuits de Dieu par lequel on a une certitude suréminente des choses qu’on doit croire.

 

« La foi désigne le caractère distinctif entre les chrétiens et ceux qui ne le sont pas, c’est le baptême.

 

« La foi désigne la matière ou la réunion des vérités qu’il faut croire, ou les symboles.

 

« La foi désigne une habitude informe et sans vie, insuffisante au salut, la foi sans les œuvres.

 

  La vertu de foi

 

« Voilà les diverses manières d’entendre la foi ; mais la foi dont je veux vous parler et que vous ne devez pas confondre avec ces sortes de foi, c’est la foi théologique, la vertu surnaturelle de foi.

 

« Vous devez distinguer dans la vertu de foi quatre choses : sa nature, son acte, son objet, sa cause et son effet.

 

 

  La foi : sa nature

 

« La vertu de foi, ma fille, est une habitude surnaturelle que Dieu met dans l’âme et qui lui donne la conviction ferme et l’assentiment libre aux vérités qu’il a révélées, et que l’Église catholique propose à sa croyance.

 

 

« La foi est une vertu surnaturelle, par conséquent un don de Dieu. Elle donne la conviction ferme, c’est-à-dire qu’elle enlève toute crainte d’erreur dans ce que l’on croit. Cette conviction produit l’assentiment de la volonté, assentiment libre et non forcé, comme celui des démons, qui croient, eux aussi, mais avec nécessité. La foi se porte sur les vérités que Dieu a révélées et que l’Église catholique propose à sa croyance. Il a institué l’Église pour cela. Celui qui a la vertu de foi croit ces vérités sans peine ni difficulté ; il est porté à les croire vérités, parce que la vertu de foi est une habitude, une inclination, une propension que l’âme reçoit de Dieu par cette vertu, et qui la porte à croire ce qu’il révèle. Celui qui a la vertu de foi est convaincu de ces vérités, bien qu’il ne les comprenne pas. Ces vérités ne sont point une simple opinion, c’est une réalité divine ; et la conviction est d’autant plus ferme qu’elle repose sur Dieu, vérité éternelle qui ne peut tromper. Celui qui a la foi a en lui le commencement de la vie éternelle, c’est-à-dire qu’il possède par la croyance ce qu’il ne voit point, mais qu’il espère, qu’il désire et vers quoi il tend par ce mouvement de son intelligence et cet assentiment de sa volonté.

 

« La foi est la première des vertus et le fondement des autres vertus. Elle est avant l’espérance, parce que pour espérer il faut savoir ce qui fait l’objet de cette espérance. Elle est avant la charité, parce que la charité c’est l’amour, et pour aimer aussi, il faut connaître l’objet de cet amour. Or, la foi fait connaître Dieu et ce qui a rapport à Dieu. C’est donc sur elle que reposent l’espérance et la charité.

« La foi peut exister seule sans la charité et l’espérance. Mais l’espérance ne peut exister sans la foi. La charité aussi, du moins ici-bas, demande la foi pour exister. Je dis du moins ici-bas, parce que la foi et l’espérance ne sont que des vertus du temps : elles n’existeront point dans l’éternité parce qu’elles n’auront plus de raison d’être. Dans le ciel on voit Dieu face à face, par conséquent la foi est inutile ; dans le ciel on possède Dieu, par conséquent on ne l’espère plus.

 

« La foi est la première des vertus dans l’ordre de l’existence, mais non dans celui de la dignité. La charité est la plus considérable des vertus ; elle en est la vie.

 

« La foi doit être une, catholique et vraie. Elle est une en tant que vertu ; il n’y a point plusieurs vertus de foi, bien qu’elle soit donnée à plusieurs. Elle est une quant à son objet ; tous doivent croire la même chose, Dieu et les révélations de Dieu. Elle est une quant à sa fin, elle ne dirige que vers la possession de Dieu.

 

« Elle doit être catholique et universelle, c’est-à-dire qu’elle doit s’étendre à toutes les vérités sans exception, remplir tous les lieux de la terre et embrasser le bien universel du temps et de l’éternité, Dieu.

« Elle doit être vraie. Si la foi était erronée, elle ne serait plus foi : elle serait erreur, mensonge, fausseté ; la foi doit nécessairement porter sur la vérité, c’est-à-dire sur Dieu.

 

« La vertu de foi repose dans l’intelligence et dans la volonté. Dans l’intelligence comme dans le lieu spécial de sa demeure, d’où elle explore et regarde ; dans la volonté, comme force de ce regard et comme assentiment à l’existence de ce qui est vu.

 

  La foi : son acte

 

« Il y a, ma fille, deux sortes d’actes de foi : le premier est purement intérieur, le second est extérieur et se manifeste au dehors.

 

« L’acte de foi intérieur est de trois sortes. Il peut porter sur Dieu d’une manière générale, tel qu’il est en lui-même trinité et unité, sans chercher à pénétrer ce mystère ; c’est l’âme qui dit simplement : “Je crois.

 

« L’acte de foi peut porter sur Dieu, vérité infaillible et éternelle. Cet acte peut s’exprimer ainsi : “Je crois à la parole de Dieu et à sa révélation.

 

« Enfin, l’acte de foi peut être un acte de l’intelligence que la volonté détermine à tendre vers Dieu ; cet acte peut s’exprimer ainsi : “Je crois en Dieu, vérité et bonté suprême.

 

« L’acte de foi extérieur est triple aussi. L’acte de foi extérieur n’est rien autre chose que la manifestation extérieure de ce qui est dans l’âme qui croit, et cette manifestation a lieu de trois manières.

 

« Le premier acte de foi est la reconnaissance publique de tous les articles de foi. Cette reconnaissance n’est pas de nécessité de salut, mais elle peut le devenir selon les lieux ou le temps. Si vous étiez citée devant le tribunal d’un prince, d’un juge ou d’un magistrat et qu’on vous interrogeât sur votre foi, vous seriez obligée de la manifester à ce point que si vous veniez à mourir après l’avoir méconnue ou dissimulée, sans vous être rétractée, vous seriez certainement damnée.

 

« Cette confession de sa foi est, vous le comprenez, ma fille, un des actes les plus glorieux du chrétien. Confesser sa foi, en effet, c’est honorer et glorifier Dieu ; confesser sa foi, c’est être son défenseur ; confesser sa foi, c’est confondre les incrédules ; confesser sa foi, c’est édifier son prochain et lui donner le bon exemple.

 

« Le second acte extérieur de foi, c’est l’acte d’adoration de Dieu par le culte extérieur qu’on lui rend pour reconnaître ses divins attributs.

« Le troisième acte extérieur de foi, c’est la confession de ses péchés par laquelle on reconnaît avoir offensé Dieu, et par laquelle aussi on lui demande pardon et oubli de ses offenses.

 

« La foi est nécessaire au salut, ma fille. Le salut, en effet, n’est que la conclusion de la perfection d’un être raisonnable. Or, la perfection de cet être ne consiste pas seulement dans la possession de tout ce qui en constitue la nature, mais encore dans la réception du mouvement qui est donné à cette nature par une nature supérieure. Vous rappelez-vous ce que je vous ai dit des deux mouvements de l’homme, le mouvement vers l’existence et le mouvement de retour vers Dieu ? Le mouvement vers l’existence, c’est le don de tout ce qui convient à la nature humaine ; le mouvement de retour vers Dieu, c’est le mouvement que la nature divine, supérieure à la nature humaine, donne à celle-ci pour la diriger dans le bien. Avec ce mouvement, on va droit au bien, droit à Dieu, droit à l’éternelle félicité. Or, la première condition pour la réception de ce mouvement, c’est la foi qui fait connaître Dieu, qui fait tendre vers lui en appréciant ce qui est en lui et ce qu’il veut mettre en vous. Celui qui n’a pas la foi ressemble à une maison dont les portes sont fermées, où Dieu voudrait entrer, mais où il n’entre pas parce que le maître ne l’ouvre pas. S’il y entrait, il y apporterait la lumière, mais parce qu’il n’y pénètre pas, cette maison demeure dans l’obscurité et les ténèbres. Sans la foi donc, il est impossible de plaire à Dieu, parce que c’est repousser Dieu. Sans la foi on ne peut être sauvé, parce qu’on n’est pas uni à Dieu. Sans la foi, on encourt la condamnation de Dieu, parce qu’on se laissera aller à toutes ses inclinations, parce qu’on commettra le péché, et que le péché demande condamnation.

 

  La foi : son objet

 

« Ma fille, que devez-vous croire ? La vérité ; la vérité éternelle, la vérité qui demeure toujours et demeurera dans les siècles des siècles. La vérité, c’est Dieu ; la vérité, c’est moi. Je suis l’expression personnelle de la vérité, et c’est avec droit que j’ai dit aux hommes et que je vous dis en ce moment : Je suis la vérité ! Je suis la vérité première qui contient toutes les autres vérités, la vérité qui les rassemble toutes, et toutes les vérités réunies en moi ne font qu’une vérité : la vérité de Dieu ou Dieu, vérité éternelle.

 

« Or, vous devez croire la vérité première. Vous devez croire aussi les autres vérités qui découlent de moi et par lesquelles vous êtes aidée à tendre vers moi. La manifestation de la vérité première à une âme attire cette âme vers la vérité. Pour l’attirer plus facilement, cette vérité se manifeste sous diverses formes, et, comme autant de liens, elles viennent l’enlacer doucement et la porter vers Dieu.

 

« Ainsi, tout ce qui a rapport à la divinité, en tant qu’elle est Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ce qui a rapport à mon humanité, à mon Église, aux sacrements que j’ai institués, sont autant de formes diverses de la vérité première qui se présentent à l’homme et lui disent : Crois et marche vers Dieu !

 

« Toutes ces vérités sont renfermées dans les symboles de l’Église et les décisions qu’elle porte sur la vérité première, décisions qui lui sont inspirées par Dieu lui-même.

 

« Ces vérités, l’homme ne les comprend pas dans leur nature intime, parce que la vérité c’est Dieu, mais il les croit et les doit croire parce qu’elles viennent de Dieu.

 

  La foi : sa cause

 

« La foi, ma fille, est donnée par Dieu. C’est lui qui est la cause première de la foi. Mais la foi a plusieurs causes secondaires qui la produisent : la révélation de ce qu’il faut croire, la vision des miracles qui ne sont autre chose qu’une persuasion motivée de foi, enfin l’assentiment de l’âme à ce qu’il faut croire.

« La révélation est cause de la foi. Comment avoir la foi, en effet, si Dieu ne révèle pas ce qu’il faut croire, ou si ceux à qui Dieu l’a révélé ne vous font point participer à la révélation qui leur a été faite ? La foi véritable est une foi vivante, et pour qu’elle vive, il lui faut une nourriture, un objet qu’elle saisisse. La révélation est cause secondaire de la foi, mais cause venant de Dieu, révélateur de la vérité.

 

« La vue des miracles est cause de la foi, non seulement en ce sens que les miracles sont opérés par Dieu, mais en ce sens que Dieu doit exciter la foi par la vue des miracles. C’est aussi une cause secondaire et insuffisante. Et n’en avez-vous pas la preuve dans ce qui s’est passé durant ma vie ? Combien de personnes ont vu mes miracles et combien peu pourtant ont eu la foi en eux-mêmes ? C’est pourquoi les miracles sont aussi bien un motif qu’une cause de la foi.

 

« L’assentiment de l’âme à la vérité est une cause de la foi, non en ce sens que l’âme puisse par elle-même recevoir et admettre la vérité éternelle qui lui est proposée, ce qui est faux, parce que cet acte dépasse les forces de la nature humaine, mais en ce sens que Dieu donne à l’âme l’inclination, la force pour arriver à la foi.

 

  La foi : son effet

 

« Les avantages de la foi sont immenses pour une âme. La foi, c’est une arme contre le monde : elle triomphe de lui et le foule aux pieds. Car, par la foi, on repousse la concupiscence de la chair, parce qu’on sait que tout passera en ce monde et qu’il ne restera qu’une seule chose : le bien et le mal qu’on aura fait. On repousse la concupiscence des yeux, parce qu’on sait qu’il n’y a qu’une seule richesse que les voleurs ne puissent point enlever ni la rouille faire disparaître, Dieu ! On repousse l’orgueil de la vie, parce que la vue d’un Dieu humilié, crucifié et mort pour les hommes fait connaître le néant, la misère et le péché de l’homme qui ne lui permet pas de s’enorgueillir.

 

« La foi est un bouclier contre Satan et contre ses traits. Vainement cherchera-t-il à frapper celui qui a la foi, à l’entraîner dans la révolte, à le faire tomber dans le péché. Celui qui a la foi sait que Satan veut sa perte et sa damnation, il sait que Dieu veut son salut et son bonheur, il écoutera Dieu et repoussera Satan.

 

« La foi est par conséquent un éloignement du péché. Celui qui résiste au monde et à Satan n’a plus qu’un autre ennemi : lui-même et ses passions ; mais il a en lui la même force pour se combattre que pour repousser ses deux premiers ennemis ; il lutte, et triomphe de lui-même et de ses passions, qui deviennent pour lui l’occasion de mérites considérables.

 

« La foi produit la sanctification du cœur. Elle fait fuir le péché, par conséquent elle conserve la grâce, qui est état de sainteté ; elle fait avouer le péché quand on a eu la faiblesse de le commettre ; elle fait expier par la pénitence. Aussi est-elle une source de sanctification pour l’âme.

 

« La foi produit la crainte, non point seulement la crainte servile, c’est-à-dire la crainte de l’enfer, la crainte de la punition, mais la crainte de la séparation de Dieu, la crainte de ne point l’aimer, de ne point le servir fidèlement, de ne point lui être uni sur la terre et dans le ciel.

 

« La foi opère des prodiges : celui qui a la foi transporte des montagnes.

 

« La foi fait exaucer les prières qu’on adresse à Dieu.

 

« La foi, sur la terre, relève la dignité de l’homme et le déifie en le faisant participer à la vie divine, dont elle est le commencement et l’origine en l’homme.

 

« Enfin, la foi assure la vie éternelle, parce que celui qui a la foi vit dans la justice, opère des œuvres bonnes et saintes qui seront l’objet de sa récompense dans l’éternité.

 

« Ce que je viens de vous dire sur la foi doit vous la faire estimer beaucoup, vous la faire désirer de plus en plus et vous inciter à l’augmenter autant qu’il vous sera possible, en ne faisant rien de contraire à ce don qu’il a plu au Seigneur de déposer en vous. »

 

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :