ASDE 051 St José-Maria

 

Loyauté envers l’Eglise

 (1ère partie)

De saint Josemaria Escriva

Extraits du livre

Aimer l’Eglise

 

 

Les textes de la liturgie de ce dimanche forment une chaîne d’invocations au Seigneur. Nous lui disons qu’il est notre appui, notre rocher, notre forteresse (Cf. Ps 17, 19-20 ; 2-3. Introït de la Messe). L’oraison aussi reprend le thème de l’introït : Tu ne prives jamais de ta lumière ceux qui s’enracinent solidement dans ton amour (Oraison du deuxième dimanche après la Pentecôte).

 

Dans le graduel nous recourons de nouveau à lui : Dans les moments d’angoisse j’ai invoqué le Seigneur Délivre mon âme, ô Seigneur, des lèvres menteuses et des langues perfides. Seigneur, je cherche abri en toi (Ps 119, 1-2 et Ps 7, 2. Graduel de la Messe). Nous sommes émus de cette insistance de Dieu notre Père, déterminé à nous rappeler que nous devons toujours recourir à sa miséricorde, quoi qu’il arrive. Et maintenant aussi, bien que des voix confuses sillonnent l’Église. Ce sont des moments d’égarement, parce qu’un grand nombre d’âmes ne rencontrent pas de bons pasteurs, ces autres Christ qui les guident jusqu’à l’Amour du Seigneur ; elles rencontrent en revanche voleurs et bandits, qui viennent voler, tuer et détruire (Jn 10, 8 et 10).

 

N’ayons pas peur. L’Église, qui est le Corps du Christ, doit demeurer indéfectiblement le chemin et le bercail du Bon Pasteur, le fondement solide et le chemin ouvert à tous les hommes. Nous venons de lire dans l’Évangile : Va-t-en par les chemins et le long des clôtures, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison se remplisse (Lc 14, 23).

 

Mais qu’est-ce que l’Église ? Où est l’Église ? Beaucoup de chrétiens, étourdis et désorientés, ne reçoivent pas de réponse sûre à ces questions, et ils en viennent peut-être à penser que celles que le Magistère a formulées pendant des siècles — et que les bons catéchismes proposaient avec une précision et une simplicité fondamentales — sont maintenant dépassées et doivent être remplacées par de nouvelles réponses. Toute une série de faits et de difficultés semblent s’être donné rendez-vous pour altérer le visage limpide de l’Église. Certains prétendent que l’Église est là, dans ce souci de s’adapter à ce qu’ils appellent les temps modernes. D’autres s’écrient : l’Église n’est autre que la soif de solidarité des hommes ; nous devons la changer en fonction des circonstances actuelles.

Ils se trompent. L’Église d’aujourd’hui est la même que celle que le Christ a fondée, et ne peut être autre. Les apôtres et leurs successeurs sont les vicaires de Dieu pour le gouvernement de l’Église, fondée sur la foi et sur les sacrements de la foi. Et de même qu’il ne leur est pas permis d’établir une autre Église, ils ne peuvent pas non plus en transmettre une autre ni instituer d’autres sacrements ; mais c’est par les sacrements qui jaillirent du côté du Christ suspendu à la Croix que l’Église a été construite (Saint Thomas, S. Th. III, q. 64, a. 2 ad 3). L’Église doit se reconnaître aux quatre caractères, contenus dans la profession de foi d’un des premiers Conciles, que nous récitons dans le Credo de la Messe : Une seule Église, sainte, catholique et apostolique (Symbole de Nicée-Constantinople, Denzinger-Schön. 150 (86)). Voilà les propriétés essentielles de l’Église, qui découlent de sa nature, telle que le Christ l’a voulue. Et parce qu’elles sont essentielles, ces propriétés sont aussi des marques qui la distinguent de tout autre genre de réunion humaine, même si on y entend prononcer le nom du Christ.

 

Il y a un peu plus d’un siècle, le Pape Pie IX a résumé brièvement cet enseignement traditionnel : La véritable Église du Christ se constitue et se reconnaît, par autorité divine, aux quatre caractères auxquels il faut croire, comme nous l’affirmons dans le Credo ; et chacun de ces caractères est tellement uni aux autres qu’il ne peut en être séparé. Il s’ensuit que celle qui est et s’appelle vraiment catholique, doit en même temps briller par ses propriétés d’unité, de sainteté et de succession apostolique (Pie IX, Lettre du Saint-Office aux évêques d’Angleterre, 16.IX.1864, Denzinger-Schön. 2888 (1686)). C’est, j’insiste, l’enseignement traditionnel de l’Église, réaffirmé par le Concile Vatican II, bien que, poussés par un faux œcuménisme, certains l’oublient ces dernières années : Telle est l’Église du Christ, dont nous professons dans le symbole, l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité ; Église que notre Sauveur, après sa résurrection, confia à Pierre pour qu’il en fût le pasteur, le chargeant, lui et les autres apôtres, de la répandre et de la gouverner ; Église qu’il érigea pour toujours comme colonne et fondement de la vérité (Concile Vatican II, constitution dogmatique Lumen gentium, 8)

 

Qu’ils soient un comme nous (Jn 17, 11), crie le Christ à son Père. Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous (Jn 17, 21).

 

Cette exhortation à l’unité jaillit constamment des lèvres de Jésus-Christ, parce que tout royaume divisé contre lui—même court à la ruine ; et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne saurait se maintenir (Mt 12, 25). Prédication qui devient un désir véhément : J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, je dois les mener ; elles écouteront ma voix, et il y aura un seul troupeau et un seul pasteur (Jn 10, 16).

 

Quels accents merveilleux Notre Seigneur a employés pour parler de cette doctrine ! Il multiplie les mots et les images pour que nous le comprenions, pour que cette passion de l’unité reste gravée en notre âme. Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui en moi ne porte pas de fruit, il le coupe et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde, pour qu’il en porte davantage Demeurez en moi, comme moi en vous. Comme le sarment ne peut porter de fruit par lui-même, sans demeurer sur le cep, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep ; vous êtes les sarments. Qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruits ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15, 1-5).

 

Ne voyez-vous pas comment ceux qui se séparent de l’Église, même s’il leur arrive d’être couverts de feuillages, ne tardent pas à se dessécher, tandis que leurs fruits deviennent pourriture ? Aimez l’Église, Sainte, Apostolique, Romaine, Une ! Parce que, comme l’écrit saint Cyprien : Celui qui amasse ailleurs, en dehors de l’Église, dissipe l’Église du Christ (Saint Cyprien, De catholicæ Ecclesiæ unitate, 6 ; PL 4, 503). Et saint Jean Chrysostome d’insister : Ne te sépare pas de l’Église. Rien n’est plus fort que l’Église. L’Église est ton espérance ; l’Église est ton salut ; l’Église est ton refuge. Elle est plus haute que le ciel et plus vaste que la terre. Elle ne vieillit pas, sa vigueur est éternelle (Saint Jean Chrysostome, Homilia de capto Eutropio, 6).

 

Défendre l’unité de l’Église implique que nous vivions très unis à Jésus-Christ, notre vigne. Comment ? En augmentant notre fidélité au Magistère immuable de l’Église : En effet, le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre afin que, par sa révélation, ils présentent une doctrine nouvelle, mais qu’avec son assistance, ils conservent saintement et enseignent fidèlement la révélation, ou dépôt de la foi, transmise par les apôtres (Concile Vatican I, constitution dogmatique sur l’Église, Denzinger-Schön. 3070 (1836)). C’est ainsi que nous maintiendrons l’unité : en vénérant notre Mère sans tache, en aimant le Souverain Pontife.

 

D’aucuns déclarent que nous sommes peu nombreux à demeurer dans l’Église. Je leur répondrai que si nous conservions tous avec loyauté la doctrine du Christ, notre nombre ne tarderait pas à augmenter considérablement, parce que Dieu veut que sa maison se remplisse. Dans l’Église nous découvrons le Christ, qui est l’Amour de nos amours. Et nous devons désirer pour tous les hommes cette vocation, cette joie intime qui enivre l’âme, la douceur sans mélange du Cœur miséricordieux de Jésus.

 

Il faut être œcuménique, entend-on répéter. J’en conviens. Mais je crains que certaines activités qui se disent œcuméniques ne dissimulent une supercherie, dans la mesure où ces activités ne mènent pas à l’amour du Christ, à la vraie vigne. C’est pourquoi elles ne portent pas de fruit. Je demande chaque jour au Seigneur d’agrandir mon cœur pour qu’il continue de rendre surnaturel l’amour qu’il a mis dans mon âme pour tous les hommes, sans distinction de race, de peuple, de conditions culturelles ou de fortune. J’aime sincèrement tout le monde, catholiques et non-catholiques, ceux qui croient en quelque chose et ceux qui ne croient pas et qui me causent de la tristesse. Mais le Christ a fondé une seule Église ; Il n’a qu’une seule Épouse.

 

L’union des chrétiens ? Oui. Plus encore : l’union de tous ceux qui croient en Dieu. Mais il n’existe qu’une seule Église véritable. Elle n’est pas à reconstruire avec des fragments dispersés à travers le monde. Et elle n’a besoin de passer par aucune espèce de purification pour se trouver enfin propre. L’Épouse du Christ ne peut être adultère, parce qu’elle est incorruptible et pure. Elle ne connaît qu’une seule maison et observe l’inviolabilité d’un seul lit nuptial avec une chaste pudeur. C’est elle qui nous conserve pour Dieu ; c’est elle qui destine au Royaume les enfants qu’elle a engendrés. Quiconque se sépare de l’Église, s’unit à une adultère et s’éloigne des promesses de l’Église ; et qui abandonne l’Église du Christ n’obtiendra pas les récompenses du Christ (Saint Cyprien, op. cit).

 

Nous comprendrons mieux maintenant comment l’unité de l’Église mène à la sainteté, et comment un des aspects essentiels de sa sainteté est cette unité, centrée sur le mystère du Dieu Un et Trine : un seul Corps et un seul Esprit, comme il y a une seule espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, gouverne toute chose et habite en nous tous (Ep 4, 4-6).

Sainteté ne signifie absolument rien d’autre qu’union à Dieu ; à une plus grande intimité avec le Seigneur correspond une plus grande sainteté. L’Église a été voulue et fondée par le Christ, qui accomplit ainsi la volonté du Père ; l’Épouse du Fils est assistée par le Saint—Esprit. L’Église est l’œuvre de la Très Sainte Trinité ; elle est sainte et Mère : notre sainte Mère l’Église. Nous pouvons admirer en l’Église une perfection que nous pourrions appeler originelle, et une autre finale, eschatologique. Saint Paul se réfère à toutes deux dans son Épître aux Éphésiens : le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le baptême de l’eau, voulant se présenter à lui—même une Église glorieuse, sans tache ni ride ni rien de semblable, mais sainte et immaculée (Ep 5, 25—27).

 

La sainteté originelle et constitutive de l’Église peut demeurer voilée — mais jamais être détruite, parce qu’elle est indéfectible : Les portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle (Mt 16, 18) ; elle peut demeurer cachée aux yeux humains, disais-je, à certains moments d’une obscurité que l’on pourrait appeler collective. Mais saint Pierre applique aux chrétiens le titre de gens sancta (1 P 2, 9), de peuple saint. Et en tant que membres d’un peuple saint, tous les fidèles ont reçu cette vocation à la sainteté et doivent s’efforcer de répondre à la grâce et d’être personnellement saints. Il y a eu, tout au long de l’histoire, et de nos jours aussi, nombre de catholiques qui se sont réellement sanctifiés : jeunes et vieux, célibataires et mariés, prêtres et laïcs, hommes et femmes.

 

Mais il se trouve que la sainteté personnelle de tous ces fidèles d’hier et d’aujourd’hui n’a rien de spectaculaire. Bien souvent nous ne reconnaissons pas la personne simple, courante et sainte qui travaille et vit au milieu de nous. Le péché et le manque de fidélité se détachent davantage au regard terrestre : ils sont plus voyants.

 

Gens sancta, peuple saint, composé de créatures qui ont leurs misères : cette contradiction apparente souligne un des aspects du mystère de l’Église. L’Église, qui est divine, est aussi humaine, parce qu’elle est formée par des hommes, et que les hommes ont des défauts : omnes homines terra et cinis (Si 17, 31), nous sommes tous poussière et cendre.

 

Notre Seigneur Jésus—Christ, qui a fondé l’Église sainte, attend des membres de ce peuple qu’ils luttent sans relâche pour atteindre la sainteté. Tous ne répondent pas avec loyauté à son appel. Et l’on découvre à la fois dans l’Église, Épouse du Christ, la merveille du chemin du salut et les misères de ceux qui le parcourent. Le Divin Rédempteur a disposé que la communauté qu’il a fondée fût une société parfaite en son genre et dotée de tous les éléments juridiques et sociaux nécessaires pour perpétuer en ce monde l’œuvre de la Rédemption Si l’on découvre dans l’Église quelque chose qui prouve la faiblesse de notre condition humaine, ce n’est pas à sa constitution juridique qu’il faut l’attribuer, mais plutôt à la déplorable inclination des individus au mal ; inclination que permet son Divin Fondateur, même chez les membres les plus importants du Corps Mystique, pour que la vertu des brebis et des pasteurs soit mise à l’épreuve et pour que les mérites de la foi chrétienne augmentent en tous (Pie XII, encyclique Mystici Corporis, 29.VI.1943).

 

Telle est la réalité de l’Église, ici et maintenant. C’est pourquoi la sainteté de l’Épouse du Christ est compatible avec l’existence en son sein de personnes qui ont des défauts. Le Christ n’a pas exclu les pécheurs de la société qu’il a fondée. Par conséquent, si certains de ses membres sont affligés de maladies spirituelles, notre amour pour l’Église ne doit pas diminuer pour autant ; au contraire, notre compassion pour ses membres doit augmenter (Ibid.).

 

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