ASDE 013 : Marie Lataste Part.2

 

Dieu, la Sainte Trinité

2ème partie

Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique

 

Partie 2

 

Chap. 11, Le Seigneur est infiniment élevé, il regarde cependant les humbles avec complaisance et ne voit que de loin les orgueilleux.

Je me tenais un jour attachée d’esprit et de cœur à Jésus dans le sacrement adorable de l’autel ; j’étais heureuse si près de mon Dieu et j’attendais qu’il me fit entendre sa parole, toujours pleine de douceur pour mon âme.

Bientôt j’entendis la voix de Jésus, elle me dit :

 Prends un livre, ouvre-le et lis ce qui se présentera sous tes yeux.

Je pris mon livre et je lus ce verset du psaume :

Le Seigneur est infiniment élevé, il regarde cependant les humbles avec complaisance et ne voit que de loin les orgueilleux.

« Je veux vous expliquer aujourd’hui ces paroles. Écoutez-moi, ma fille :

« Le Seigneur est infiniment élevé ; car il est éternel, immuable, immense, tout-puissant, souverainement sage et juste ; il connaît tout, il sait tout, il commande à tout, il est maître de tout. Toute grandeur devant sa grandeur est bassesse ; toute puissance, faiblesse devant sa puissance ; tout savoir, ignorance devant son savoir. Il est la seule bonté véritable et réunit seul toutes les perfections. Il a tout créé par sa volonté, et il a conservé le souverain domaine de toutes choses pour lui seul.

« Au commencement, il créa le ciel et la terre ; puis il créa l’homme. Après avoir formé son corps de terre, il souffla sur lui et l’anima. Ce souffle de vie est l’âme de l’homme. Dieu dota l’âme de nobles facultés : la raison, l’entendement, la volonté et la mémoire. Par ces facultés, il rendit l’âme capable de le connaître et de connaître ses devoirs envers son Créateur et bienfaiteur. Il établit la volonté reine et maîtresse de toutes les autres facultés et de l’homme tout entier. Il donna à la volonté la raison pour guide et pour compagne. L’entendement fut donné à l’homme comme un flambeau, comme une lumière pour diriger ses pas et lui montrer la voie qu’il devait suivre. Enfin, pour sa gloire et aussi pour celle de l’homme, Dieu ne voulut point que l’homme lui fût soumis par force. Aussi, avec les facultés qui lui faisaient connaître ses devoirs envers son auteur, Dieu lui donna-t-il la liberté de les lui rendre ou de les lui refuser, voulant que l’accomplissement de ses devoirs devint pour l’homme un sujet de mérites, tandis qu’il n’aurait dû être qu’une obligation de stricte justice. Quelle ne fut pas l’ingratitude et l’audace de l’homme lorsque, par son péché, il se révolta contre Dieu et tourna contre lui, en l’offen­sant, les dons et les bienfaits qu’il en avait reçus ! La justice divine criait vengeance, mais Dieu ne pouvait se résoudre à détruire le plus noble ouvrage de ses mains et à perdre cette âme sortie de lui et faite à son image. Dans ce combat de la justice et de la miséricorde, celle-ci l’emporta. Dieu, dont la bonté est infinie, envoya son Fils pour sauver l’homme, et le Fils, par sa mort et ses mérites vint satisfaire à la jus­tice éternelle et donner la réparation que l’homme ne pouvait donner.

« Dieu regarde cependant les humbles avec complaisance. »

À l’occasion de ces paroles, le Sauveur Jésus me traça le portrait de l’homme humble et m’indiqua les sentiments qui le caractérisent.

 Voyez, me dit-il, voyez cet homme d’une humilité parfaite, combien il est agréable à Dieu ! Considérez ses sentiments envers son Créateur, envers son prochain, envers lui-même. Premièrement, envers son Créateur. Il reconnaît ses infinies perfections, il le proclame auteur et souverain maître de toutes choses, son Dieu, son conservateur et bienfaiteur perpétuel. Il s’abaisse profondément devant lui, il lui offre et lui consacre l’être qu’il tient de lui seul, et lui rend hommage en lui témoignant sa reconnaissance pour toutes les grâces, tous les dons, tous les biens, tous les talents, toutes les quali­tés, toutes les perfections du corps et de l’âme qu’il a reçus. Bien loin de se rien approprier, il rend à Dieu grâces de tout, comme ayant reçu tout de lui, remercie sa bonté et sa miséricorde, et désire que tous les hommes avec lui offrent à Dieu toute sorte d’actions de grâces.

« Deuxièmement, envers lui-même. Il reconnaît ce qu’il est par lui-même, néant et péché. Il reconnaît qu’il a tout reçu de Dieu, qu’il est indigne de paraître devant lui à cause de sa misère, de son peu de fidé­lité à correspondre aux grâces d’en haut, de sa négligence à accomplir la volonté de son Père qui règne au ciel, et surtout de ses défauts et de ses péchés. Voyant néanmoins que Dieu ne cesse pas de l’aimer et de le combler de ses bienfaits, et ne sachant comment lui témoigner assez sa reconnaissance, il s’abandonne tout entier à lui avec tout ce qu’il est, avec tout ce qu’il a. Se reconnaissant indigne et incapable de tout bien, digne au contraire et capable de tout mal, il met sa confiance en Dieu, et attend de sa bonté tous les secours qui lui sont nécessaires pour vaincre ses ennemis, éviter le péché et pratiquer le bien. Quand il se verrait comblé de tous les dons du ciel, il ne perdrait jamais de vue qu’il ne peut rien par lui-même et que, sans le secours perpétuel de Dieu, il tomberait à chaque instant dans le péché. C’est pour cela qu’il se tient toujours étroitement uni à Dieu, implorant sans cesse sa grâce et son secours.

« Troisièmement, envers le prochain. L’homme humble se regarde comme le dernier des hommes et les place tous au-dessus de lui. Il voit Dieu en chacun de ses semblables et lui rend en leur personne l’honneur qui lui est dû. Il ne s’arrête pas à ce qu’il y a de matériel en eux, mais reconnaissant l’image de Dieu dans son prochain, il est pour lui plein d’égards et lui rend tous les honneurs et services qui sont en son pouvoir. Pour lui, se reconnaissant indigne de toute prévenance et de tout honneur, il croit mériter au contraire, avec l’oubli de tous, toute sorte d’affronts, d’outrage, de souffrances et d’afflictions, l’abandon de toute créature, la mort même, à cause de son néant et de ses péchés ; il croit mériter, en un mot, que la création entière s’élève contre lui, parce qu’il s’est élevé contre le Créateur. Aussi, éprouvé par Dieu ou par les hommes, sachant qu’il mérite plus encore, demeure-t-il soumis, conserve-t-il la joie dans son âme et remet-il entre les mains de Dieu, tout ce qui le concerne. Combien cet homme est agréable à Dieu, combien il lui rend gloire, combien il lui plaît, en remplissant ses devoirs avec des sentiments si convenables et si saints !

« Dieu ne voit que de loin les orgueilleux. Il y a deux sortes d’orgueilleux : l’orgueilleux impie qui s’élève contre Dieu, se révolte contre lui, lui refuse l’honneur et l’hommage qui lui sont dus, et ne reconnaît d’autre Dieu que son plaisir, d’autre loi que sa satisfaction. Cet orgueilleux, Dieu ne le voit que de loin, mais pour la ruine de l’orgueilleux, car cette vue sera sa condamnation. L’autre orgueilleux, c’est celui qui, sous le voile de la vertu, cache un cœur gâté par l’orgueil.

« Un homme est dans la bonne voie, il veille sur soi, il s’observe sur tout et déteste le péché. Voici comment de juste il peut devenir coupable, et de fils de Dieu, fils de Satan. L’ennemi de son salut ne lui proposera pas, dès le commencement, des fautes graves, il ne lui inspirera pas de mauvaises pensées, il sait qu’agir ainsi serait s’exposer à une défaite. Non, le Démon laisse cet homme en repos pendant quelque temps, il le soutient même dans sa dévotion, bien loin de l’en détourner ; il lui inspire dans l’oraison des pensées sublimes, qui sont pour lui pleines de consolations, et auxquelles il s’attache aux dépens de la gloire de Dieu, qu’il devrait uniquement chercher. Alors le Démon suggère à cet homme une vaine complaisance pour lui-même, le persuade qu’il est quelque chose et même plus que les autres, et cet homme, au lieu de repousser ces pensées pour tourner ses regards vers Dieu et lui rapporter tout ce qu’il a, écoute la voix du séducteur, reçoit avec calme ses malignes inspirations, et, par une criminelle injustice, ravit à Dieu, en se l’appropriant, un bien qu’il tenait de sa miséricorde. Ainsi, cet homme pratique la vertu non en vue de Dieu, mais pour sa propre satisfaction, croyant être aussi bon qu’il se le persuade à cause de la paix et des consolations qu’il éprouve. Le Démon profite de cela pour endormir sa vigilance, il l’amuse par de vaines imaginations, le persuade qu’il jouit de Dieu et lui fait négliger la garde de son cœur. Dès lors, il rallume les passions dans le cœur de ce malheureux, qui, aveuglé par son amour-propre, ne s’en aperçoit pas. Voyez pourtant comme l’abîme s’entrouvre sous ses pas. S’il reçoit la moindre injure, lui qui se croit un saint, il la supporte à grand-peine et ne peut guère l’oublier ni la pardonner. Il ne peut souffrir ni un reproche ni une représentation quelconque, parce qu’il se croit plus sage et plus éclairé que nul autre ; tout l’offense, un mot, une parole, un rien. Il finit par n’avoir plus qu’un désir, celui d’être loué et honoré par tout le monde. »

 

La tentation de Jésus au désert
La tentation de Jésus au désert

 

Chap. 12, L’homme tout occupé des choses de la terre et l’homme vertueux

 

Pour que je comprisse mieux ces paroles, Jésus sut passer sous mes regards les divers mouvements du cœur humain et tout ce que le cœur éprouve par ces mouvements. Et je vis l’aveuglement, la folie, l’injustice de l’homme, l’injure qu’il fait à Dieu en le perdant de vue pour s’attacher aux choses de la terre, satisfaire ses passions et leur tout sacrifier.

 Voyez, me dit ensuite le Sauveur Jésus, voyez cet homme tout occupé des choses de la terre, il oublie que Dieu est le Créateur de tout et que rien ne doit lui être préféré ; il oublie qu’il a reçu tous ses biens de Dieu, il les regarde comme une chose qu’on ne peut lui ravir, qu’il ne peut perdre, et il fait tous ses efforts pour les accroître. Aussi son cœur s’endurcit sur la misère des pauvres, il les voit de mauvais œil, il préférerait qu’il n’y en eût point, et s’il vient à leur aide, ce n’est qu’avec regret. Dieu, voulant ramener à lui cet homme en le détachant des biens de la terre, lui envoie des afflictions et des épreuves. Mais, ne comprenant pas l’action de Dieu, cet homme se trouble, s’agite, se révolte contre Celui de qui il a tout reçu, tourne sa haine contre son prochain, et cherche dans son esprit, parmi ses semblables, celui qui a pu causer son malheur. S’il est devenu pauvre en réalité, il ne cesse pas d’être riche d’esprit et de cœur, en s’attachant encore au peu qui lui reste, ou s’il le dépense, ce ne sera que pour satisfaire ses passions.

« Voyez, au contraire, l’homme vertueux, possède-t-il des richesses ? Il reconnaît que Dieu en est le maître, tandis que lui n’en est que l’économe, le conservateur, le gardien au nom de Dieu. Il entre vis-à-vis des pauvres dans les desseins de la Providence, en leur donnant une part de ce qu’il possède. Si quelqu’un veut lui ravir une partie de son bien ou lui susciter un procès, il remet tout entre les mains de Dieu, il prend selon sa divine volonté toutes les mesures nécessaires à la conservation de ce qui lui appartient, sans rien négliger ; mais il ne perd jamais Dieu de vue et demeure en paix avec celui à qui il a affaire. Réussit-il ? Il rend grâce à Dieu ; s’il échoue, il l’attribue à ses défauts, qui ont détourné la bénédiction de Dieu, et ne conserve pour personne ni animosité ni ressentiment. Est-il pauvre ? Il ne regarde pas d’un œil jaloux le riche ; il est content de sa pauvreté et se soumet à la volonté de Dieu dont il fait toute sa richesse. Est-il souffrant, malade, infirme ? Il offre à Dieu ses infirmités, sa maladie, sa souffrance ; il lui fait même le sacrifice de sa vie. Est-il bien portant ? Il en remercie Dieu et emploie sa force et sa vigueur à le mieux servir, à le mieux honorer.

« Ainsi l’homme vertueux rapporte tout à Dieu, richesses ou pauvreté, bien-être ou épreuves, maladie ou santé, et se repose uniquement en celui qu’il nomme son père et son Dieu. »

 

Chap. 13, Un Dieu de paix qui aime les pacifiques

 

 Le Dieu du ciel et de la terre, m’a dit un jour le Sauveur Jésus, est un Dieu de paix. Il y a en Dieu trois personnes, mais ces trois personnes sont si étroitement unies entre elles qu’elles ne forment qu’un seul Dieu, et qu’il existe entre elles une paix souveraine et éternelle. Le trouble ou la discorde ne se peut concevoir entre les trois personnes, car elles sont l’ordre et la tranquillité de l’ordre par essence et par nature.

« Aussi ce que Dieu aime le plus sur la terre, ce sont les âmes pacifiques ; ce qu’il déteste le plus, ce sont les âmes qui se plaisent dans la discorde et sèment la zizanie parmi leurs frères. »

Les âmes pacifiques et celles qui ne le sont point

 

« Une âme pacifique est celle qui a la paix avec Dieu, la paix avec le prochain, la paix avec elle-même. Elle a la paix avec Dieu, parce qu’elle est soumise en tout à sa volonté sainte, et que cette soumission entretient l’harmonie entre le Créateur et sa créature. Elle a la paix avec Dieu, parce qu’elle suit et exécute ponctuellement tout ce que Dieu lui commande, et que cette obéissance l’unit à lui de plus en plus. Elle a la paix avec Dieu, parce qu’elle l’aime de tout son cœur, de toutes ses forces, et que rien comme l’amour ne peut mettre la paix entre elle et Dieu.

« Elle a la paix avec son prochain, parce qu’elle ne fait jamais rien qui lui puisse déplaire, parce qu’elle oublie le mal qu’elle en peut recevoir et ne lui fait que du bien, parce qu’elle excuse les défauts de tous et qu’elle cherche à corriger de plus en plus les siens.

« Elle a la paix avec elle-même, parce qu’elle est toute à Dieu et que Dieu lui rend au centuple ce qu’elle lui donne. La récompense des âmes dans le ciel sera la paix éternelle ; sur la terre, quoiqu’elle ne soit pas une paix parfaite et entière, la situation d’une âme pacifique est comme l’avant-goût de ce qui l’attend au ciel.

« Voilà les âmes que Dieu chérit et affectionne ; celles qui sont et demeurent dans l’ordre qu’il a établi et constitué : dans l’ordre vis-à-vis de lui-même par l’accomplissement de sa volonté, dans l’ordre vis-à-vis du prochain en vivant avec lui dans la charité, dans l’ordre vis-à-vis d’elles-mêmes en faisant le bien, en évitant le mal ; et Dieu n’aime d’un amour de prédilection que ces âmes, parce qu’elles sont vérita­blement pacifiques.

« L’âme des impies n’est point une âme pacifique ; c’est en vain qu’ils étouffent le remords en eux-mêmes ; ils sentent que Dieu est là, ils le voient prêt à les frapper, la conscience les torture affreusement. Ils n’ont point la paix avec Dieu, ils ne l’ont point avec eux-mêmes, ils ne l’ont point avec le prochain, parce que l’impiété n’est pas seulement une lutte contre Dieu, elle est aussi une lutte contre le prochain et contre soi.

« L’âme tiède qui, par le nombre de ses infidélités, en est venue au point de n’éprouver guère de remords, et de résister sans peine au souffle de la grâce et du Saint-Esprit, n’est point une âme pacifique. Elle sent que Dieu a droit de plus exiger d’elle ; elle comprend que se familiariser dans l’offense contre Dieu n’est point agir selon l’ordre. Sa conduite envers Dieu dirigera sa conduite envers son prochain, et, en opposition avec Dieu, elle sera aussi en opposition avec le prochain.

« L’âme qui n’agit que par des vues humaines, et qui, pour cela, ne craint point de pactiser avec le monde, avec ses maximes, avec ses doctrines, n’est point une âme pacifique. Le monde ne repose point sur l’ordre, il est l’opposé de l’ordre, et par conséquent de la paix.

« Entre ces trois sortes d’âmes, il y a une grande différence ; mais pourtant un rien les sépare, et l’âme qui vit dans la tiédeur peut tomber et mourir dans l’impiété ; plus facilement encore l’âme qui vit selon les maximes du monde : car le monde est l’empire de Satan ; et vivre selon le monde, c’est vivre selon Satan, et la vie de Satan est la vie de l’iniquité.

« Aussi, de même que les âmes pacifiques sont aimées de Dieu, de même les âmes qui ne le sont point sont aimées de Satan. Dieu est l’ordre souverain, il aime ce qui est dans l’ordre ou les âmes pacifi­ques ; Satan est le désordre, il aime ce qui est dans le désordre, les âmes non pacifiques.

« Être pacifique, c’est ressembler à Dieu, c’est imiter Dieu, c’est suivre les inclinations qui, des trois Personnes divines, passent dans les facultés de l’âme et produisent l’union, la concorde, par l’ordre. N’être point pacifique, c’est ressembler à Satan, c’est imiter Satan, c’est suivre les inclinations qui, de Satan, passent dans les facultés de l’âme et produisent la désunion, le trouble, par le désordre.

« Malheur à ceux qui n’aiment point la paix avec Dieu, la paix avec le prochain, la paix avec eux-mêmes, la paix dans les familles, la paix dans les cités, la paix dans les empires ; ils marchent au souffle de Satan, ils sont fils de Satan.

  « Bonheur et félicité à jamais à ceux qui veulent la paix avec Dieu, la paix avec le prochain, la paix avec eux-mêmes, la paix dans les familles, la paix dans les cités, la paix dans les empires ; ils marchent au souffle de Dieu, ils sont fils de Dieu. »

 

Chap. 14, Dieu veut le salut de tous les hommes d’une volonté conditionnelle

Je pensais un jour à la rédemption de l’homme, et à la miséricorde de Dieu qui nous avait donné son divin Fils pour nous sauver. Je remerciais Dieu dans le fond de mon âme, et remerciais aussi le Sauveur Jésus qui s’immolait en ce moment sous mes yeux entre les mains de son ministre.

 Ma fille, me dit alors le Sauveur, Dieu veut le salut de tous les hommes et il le veut sincèrement. Que n’a-t-il pas fait pour cela ? Que ne fait-il pas encore ? Il le veut, mais d’une volonté conditionnelle, pourvu que l’homme fasse ses efforts pour profiter des moyens de salut qu’il lui donne, pourvu qu’il corresponde à ses grâces, qui ne lui manqueront jamais. Si l’homme se perd, ce n’est point faute de connaissance, car Dieu a gravé dans le cœur de chacun des hommes une loi, la loi naturelle, et la connaissance de cette loi avec sa pratique suffit à tout homme pour être sauvé, s’il n’a pas la connaissance de la loi de grâce que j’ai établie sur la terre. Ce n’est point faute de secours, Dieu appelle à lui tous les hommes par l’offrande et le don de sa grâce. Quand une personne est tentée, Dieu lui offre une grâce proportionnée à sa tentation ; à elle de recevoir cette grâce et d’y correspondre. De cette correspondance dépend l’opération du bien et par suite le salut ; et la grâce est plus ou moins grande, plus ou moins pressante, selon le jugement de justice ou de miséricorde que Dieu porte ; et nul ne doit ni ne peut trouver mauvais la distribution que Dieu fait de ses grâces. Car il ne doit sa grâce à personne ; il est maître de ses dons, il en dispose comme il lui plaît, nul n’y a droit par son propre mérite. Trouveriez-vous injuste un roi qui aurait choisi l’enfant d’une famille pauvre et nombreuse pour faire sa fortune, quand même il n’en ferait pas autant pour ses frères, et quand cet enfant, seul et à l’exclusion de tout autre, devrait jouir de la fortune que le roi lui a faite ? De même, Dieu a des vues de prédilection sur quelques âmes, et veut leur faire éprouver la grandeur de ses miséricordes par des grâces plus abondantes qu’il donnera à l’heure qui lui plaira. Mais qui se flattera de pareille prédilection ? Qui, dans l’incertitude où sont tous les hommes, n’opérera pas son salut avec crainte et tremblement, s’il n’est insensé ? Qui, dans cette incertitude, fut-il le plus juste des hommes, ne se sentira humilié et couvert de confusion ? Qui, surtout, osera condamner un pécheur, fut-il le plus grand pécheur du monde ? Vous êtes juste à cette heure, et votre frère mériterait la réprobation ; qui vous a dit que, demain, vous ne serez pas réprouvé, parce que Dieu ne vous donnera plus que les grâces suffisantes et que vous ne correspondrez pas à cette grâce ; et votre frère sauvé, parce que Dieu lui accordera des grâces abondantes qui le retireront de l’abîme, pour le placer au nombre des saints ? Celui qui est bien pénétré de ces vérités ne néglige rien de ce qui peut être agréable à Dieu et fuit avec soin tout ce qui peut l’offenser ou lui déplaire. »

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