La Sainteté
Un état de vie qui s’adresse à chacun de nous
Soyez donc parfaits,
comme votre Père céleste est parfait.
(Ma 5, 48)
1ère Partie
L’enseignement de Jésus prononcé sur la montagne occupe les chapitres 5 à 7 de l’Evangile de Matthieu. Il reprend en grande partie tout son enseignement en commençant par les béatitudes. A la fin du chapitre 7, St Matthieu conclut en disant: «Après que Jésus eut achevé ces discours, la foule fut frappée de sa doctrine, car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes.» Je vous invite à relire ces 3 chapitres qui enferment de très fortes paroles de Notre-Seigneur tant elles sont puissantes et vous comprendrez alors bien les dernières paroles de Matthieu et combien ceux qui suivaient le Christ ne pouvaient qu’être pris par son enseignement.
Comprenons d’abord bien que Dieu n’a jamais rien demandé d’impossible à l’homme. Il le connaît parfaitement, il sait que sa nature est faible tout en pouvant être forte, il ne sert donc à rien d’exiger de lui ce qu’il ne peut pas faire. Jésus commence son discours sur la montagne en nous délivrant les béatitudes. Au travers de celle-ci il nous encourage tout d’abord en précisant certaines des situations que l’homme peut connaître, en déclarant bienheureux chacun de ceux qui les vivent ou les subissent. Il rappelle ensuite être venu non pour abolir la loi mais pour l’accomplir. Il insiste alors sur l’importance de suivre et de respecter les commandements, rappelant que le premier commandement est celui de l’amour, non seulement de ses frères mais de ses ennemis, terminant par ce verset 48 de ce même chapitre: «Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait», parole très exigeante sur laquelle nous allons nous attarder plus particulièrement ce soir.
La perfection de Dieu s’exprime au travers de sa sainteté car il est dit de notre Dieu qu’Il est le Dieu trois fois Saints. Cela veut donc dire que pour l’approcher il faut être saint. Dans l’ancien testament, le peuple fidèle ne pouvait l’approcher, cela était réservé aux prêtres, et même au seul grand prêtre qui ne pouvait entrer dans le lieu saint qu’une fois par an. C’était lui le grand sacrificateur qui présentait les offrandes de l’ensemble du peuple. Il entrait seul, avec grande crainte, car il connaissait la sainteté de Dieu mais il connaissait tout autant l’état de la créature humaine et donc de lui-même aussi. Il venait ainsi auprès du Très Haut pour rapprocher de Dieu ce peuple qui venait avec le sang du sacrifice des animaux offerts en réparation de toutes les offenses commises. Ce sacrifice imparfait allait préfigurer le sacrifice véritable et total de Jésus-Christ qui en versant son sang durant sa Passion et par l’offrande de sa vie sur la Croix allait racheter toute l’humanité.
Pour s’approcher de Dieu, il faut donc être saint, c’est pourquoi Jésus-Christ nous demande d’être parfaits comme son Père, sans quoi nous ne pourrons Le voir. L’exigence de la sainteté s’adresse donc à tous sans exception et n’est donc pas réservée à l’un ou l’autre. Pour être sauvé, il faut donc être saint et cette évidence nous nous devons de la comprendre et de la faire nôtre.
Dieu qui est la Bonté même, l’Amour parfait, qui appelle chacune de ses créatures à vivre éternellement de cette Perfection ne peut que demander à ce que nous fassions tout pour parvenir au cours de notre vie sur terre à cet état de sainteté qui est la seule clé qui nous permettra d’entrer dans son Royaume pour en jouir éternellement et donc aussi de L’approcher. En faisant parcourir à ses apôtres les chemins de la Galilée, de la Palestine, de la Samarie, de la Judée, … le Christ n’a cessé de répéter cet enseignement à tout le peuple d’Israël, non seulement pour faire connaître sa doctrine à celui-ci mais tout autant pour véritablement l’inculquer à ses disciples, complétant cette formation au jour le jour. Ce sera la force de l’Esprit-Saint, le jour de la Pentecôte, qui leur fera comprendre de manière pleine et lumineuse toute sa portée et son importance.
Rien de ce qu’il leur aura été dit ne sera perdu, bien au contraire, car tous l’auront assimilé d’une manière telle que chacun saura donner un jour sa vie en témoignage de Lui, à l’exception il est vrai de St Jean mais qui a offert sa vie d’une autre façon. Prenons bien conscience que les apôtres ont vécu trois années entières avec le Christ, ce qui n’est pas rien. Les apôtres étaient tous à leur manière des hommes avec une forte personnalité, la plupart étaient des travailleurs manuels qui connaissaient la difficulté de gagner sa vie de tous les jours à la sueur de son front. Il y avait à côté de ceux-ci Judas formé par les pharisiens et proche du sanhédrin, St Matthieu, collecteur de l’impôt, et Simon le Zélote.
Je ne pense pas que Notre-Seigneur ait pris avec Lui des hommes sans personnalité et sans envergure, il les a tous choisis par ce qu’ils avaient entre autres des qualités de meneurs d’homme, certains plus que d’autres il est vrai et qu’Il savait ce qu’Il attendait d’eux et ce qui devait les attendre. Il s’est donc entouré des hommes qu’il fallait. De chacun de ces hommes, il a développé en eux tout ce qui devait les amener à la sainteté, sans en prononcer le mot bien entendu.
Il en est de même pour vous tous. Notre Père du Ciel attend de chacun de vous que vous soyez des saints. Ne me dites pas «Non, ce n’est pas pour moi, c’est bon pour d’autres, mais moi …» «Je n’y suis pas encore, et d’ailleurs je n’y arriverai jamais» …
Non, la sainteté, c’est le plan de Dieu pour chacun de vous, sans aucune exception. C’est ce qu’il attend quoi que vous en pensiez et tous les évènements de votre vie sont là pour vous y conduire même sans que vous vous en rendiez compte car la sainteté n’est pas un but en soi mais le seul moyen par lequel nous pouvons arriver à notre destinée quand nous aurons quitté cette terre. La justice de Dieu attend que nous soyons sans tâche ni ride pour prétendre au Royaume, mais nous avons toute notre vie pour y arriver.
Les hommes du monde, et quand je dis les hommes, c’est bien entendu tout autant les femmes, se lamentent bien souvent de voir des jeunes enlevés à la vie à la fleur de l’âge, trouvant que Dieu est bien injuste de les priver d’une existence plus longue. Bien que ce soient mes paroles, le curé d’Ars dirait à peu près ceci à ceux qui se récrieraient à ce que nous avons à être tous saint, à eux comme à chacun de nous d’ailleurs : « Que voilà des vues bien humaines qui ne tiennent pas comptes des véritables réalités de la vie et de l’existence. Ne l’oubliez pas, pourquoi l’homme est-il donc sur terre sinon pour se préparer à la vie future, qui est la vraie vie, ne commençant qu’au dernier soupir poussé par la créature humaine. L’homme est là pour louer, honorer, aimer et servir Dieu, et par là sauver son âme. C’est le fondement même de notre catéchisme que les pauvres enfants de la terre ne connaissent plus. Ah, mes pauvres enfants, quand donc arriverez-vous à le comprendre. Seigneur, ouvre donc leurs yeux pour qu’ils voient clair. »
Ce ne sont pas ces véritables paroles, mais je vous assure qu’il vous parlerait en ces termes s’il était là parmi nous ce soir. Comme j’aimerai qu’il puisse venir vous donner un enseignement un prochain jeudi tant il toucherait votre cœur par un enseignement simple mais si profond, lui qui a tant touché les âmes. J’en suis désolé, mais vous devrez vous contenter du mien ce soir, et je suis comme lui à devoir préparer avec soin, en prenant le temps qu’il faut, cet enseignement que je vous donne aujourd’hui, si imparfaitement.
Si la sainteté n’est pas un but en soi, mais un moyen, il n’en demeure pas moins vrai que plus d’un saint a voulu le devenir. Saint Maximilien Kolbe tout comme Sainte Thérèse en sont des exemples récents mais tellement profonds et attachants. Ils voulaient devenir de grands saints, ce qui était bien dans leur caractère, eux qui se donnaient à 200% dans et pour l’Amour de Dieu.
En fait, quand on a tout compris, les choses finissent par paraître tellement simples. En effet, si vous arrivez à prendre conscience de l’Amour fou que Dieu a pour sa créature et donc pour vous, pour chacun de vous, avec tout ce qu’il signifie, tout ce qu’il entraîne, mais vous finissez par vous engouffrez dans cette voie tellement belle de cet Amour qui devient comme un aimant irrésistible dont la force d’attraction devient plus forte au fil du temps. Si cette âme n’est pas toujours consciente des exigences de cet amour et des sacrifices à consentir pour en vivre pleinement, mais qu’elle finit par en prendre conscience, sa confiance en Dieu est telle qu’elle sait que les forces lui seront données pour y arriver.
La sainteté de ces deux figures les a conduit jusqu’à l’héroïsme. Maximilien a donné sa vie pour qu’un autre homme vive, un innocent conduit à la mort comme paiement d’un tribu parce qu’un prisonnier s’était échappé.
Rappelons en quelques mots les circonstances de la mort de Saint Maximilien-Marie Kolbe, tellement belle dans son accomplissement pour l’amour de Dieu.
Un prisonnier s’est évadé du camp et en représailles, le commandant du camp a rassemblé les autres pour en condamner plusieurs. Dix hommes sont choisis pour mourir d’une mort atroce et lente dans le bunker de la mort, sans boire ni manger, dans un espace extrêmement restreint, complètement nu, jusqu’à ce que la mort s’ensuive, dans de grandes souffrances. Le matricule 16770 du camp d’Auschwitz se présente devant le commandant du camp pour prendre la place d’un père de famille, c’est le père Kolbe. Le commandant, stupéfait, ne put parler. D’un geste, il autorise le Père Kolbe à prendre la place du condamné. Les dix vont rejoindre 20 autres prisonniers, victimes d’un précédent «procès», mais dans une autre cellule du bunker.
Le geste du Père Kolbe avait été réfléchi. Il avait toujours voulu offrir sa vie en mourant martyr, l’occasion lui était présentée et il allait pouvoir faire du bien car sa mort serait une mort d’amour dans la louange de Marie Immaculée, à l’étonnement des gardes de la gestapo eux-mêmes. Jusqu’au dernier instant il apportera le réconfort à ses camarades, un réconfort humain mais surtout spirituel en préparant ses compagnons à quitter cette terre en enfants de Dieu.
De la cellule où se trouvaient les malheureux, on entendait chaque jour des prières récitées à haute voix, le chapelet et des chants religieux, auxquels les prisonniers des autres cellules se joignaient. Les prières ferventes et les hymnes à la Vierge se diffusaient dans tout le souterrain. On avait l’impression d’être à l’église. Le P. Maximilien commençait, et tous les autres répondaient. Chaque jour, durant la visite des gardes, le P. Maximilien debout, ou à genoux au milieu, posait son regard serein sur les arrivants. Les gardes savaient qu’il s’était proposé lui-même, ils savaient aussi que tous ceux qui mouraient avec lui étaient innocents, c’est pourquoi ils avaient du respect pour le P. Kolbe et se disaient entre eux : “ Ce prêtre est tout à fait un homme d’honneur. Jusqu’à présent nous n’en avons pas eu un comme lui ”. »
A la fin de la troisième semaine, il en restait 4. Comme les autorités trouvaient que cela devenait long, on fit à chacun une piqûre intraveineuse de poison au bras gauche. Le P. Kolbe priait, et de lui-même il tendit son bras au bourreau. Le dernier des quatre, le P. Maximilien mourut le 14 août 1941, veille de la solennité de l’Assomption, cette entrée dans la gloire de celle qu’il appelait “ Petite Mère ”. Celle qui avait été tout pour lui, le poème de sa vie, la lumière de son intelligence et de son génie, le battement de son cœur, la flamme de son enthousiasme, son inspiratrice et son guide, la vie même de sa vie, l’attira au Ciel en ce jour de son entrée dans la gloire du Ciel.
ʺ Son pauvre corps lui-même, martyrisé, consumé, nu, parut ce jour-là comme transfiguré et lumineux. (…) Le prisonnier qui ira chercher son corps témoignera ce qui suit: « Quand j’ouvris la porte de fer, il avait cessé de vivre ; mais il me paraissait vivant. Le visage était radieux, d’une manière insolite, les yeux grands ouverts et fixés sur un point. Tout le visage était comme en extase. Ce spectacle, je ne l’oublierai jamais. ” Le Père Maximilien avait plusieurs fois exprimé le désir de mourir un jour de fête mariale. Comme si la Vierge Marie avait voulu exaucer son fidèle chevalier, c’est le jour de l’Assomption, vendredi 15 août 1941, qu’on fit les “ funérailles ” : son corps, après avoir été ôté de la cellule mortuaire, fut placé dans une caisse de bois, porté au four crématoire et brûlé, tandis que son âme chantait, au Paradis, l’Immaculée triomphante.
Je me suis étendu un peu sur le martyr du père Kolbe. Ne croyez pas que je me sois éloigné de mon sujet, j’ai simplement voulu montrer ce à quoi pouvait conduire le chemin de la sainteté emprunté par un homme de foi qui avait donné toute sa confiance dans son Dieu et qui s’était mis sous la protection de la Mère de Dieu, pour et dans tout ce qu’il entreprenait.
Dans un autre d’ordre d’idée, la fin de la vie et la mort de Sainte Thérèse de Lisieux fut tout aussi héroïque et n’était que l’accomplissement d’une vie toute donnée à celui qui est l’Amour. Et il y en a combien d’autres aussi belles les unes que les autres.
Tout au long de notre vie, qu’elle soit brève ou longue, mais nul ne sait ni le jour ni l’heure ou le Très Haut viendra le chercher, et justement pour cela, nous devons avoir à l’esprit que nous devons être saints. Nous comprendrons cela d’une manière plus ou moins forte selon les circonstances de notre vie, nous le vivrons plus ou moins bien avec des hauts et des bas parce que l’homme est faible. Et pour certains cela peut venir très tard. Pour Notre Père du Ciel, l’essentiel est que nous le comprenions un jour et que l’ayant compris, nous nous donnions de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces à devenir ce que Dieu attend de nous puisqu’il nous appelle à être tous saints.
Afin que nous ne perdions jamais confiance, et dans sa grande bonté, Jésus-Christ Sauveur n’a pas manqué de nous en donner des exemples, d’abord dans la parabole du vigneron, au travers de laquelle il nous montre que les derniers arrivés auront droit à la même part de salut. L’exemple le plus poignant, est celui que l’on appelle le bon larron, l’un des deux condamnés qui mourront au côté du Christ. Alors que l’autre injurie, blasphème et maudit le Christ, celui-ci est touché au plus profond de lui-même. En voyant la manière dont Jésus souffre sur la Croix, et combien il reste dans la douleur attentionné pour sa Mère, les saintes femmes et Jean, combien les paroles qu’Il prononce sont empreintes d’Amour, il ne craint pas de demander pardon au Sauveur de ses propres fautes, qu’il mérite alors que le Christ lui est l’Innocent. « Seigneur, me donneras-tu part à ton Royaume? » La réponse de Jésus est bouleversante. Il lui donne un billet de 1ère classe direct pour le Paradis. « Aujourd’hui même, je te le dis, tu seras avec moi en Paradis. » Vous rendez-vous compte de la puissance de cette réponse du Christ.
Nous voyons par-là combien Il est touché par le pécheur repentant et combien il donne tout son Amour à celui-ci, oubliant tout ce qu’il a pu commettre de répréhensible dans sa vie et celle de ce larron fut fort probablement une vie de canaille peu recommandable. C’est ce qu’il fait, pour chacun de nous, quand nous venons nous confesser auprès du prêtre qui n’est plus lui mais un autre Christ qui accorde le pardon au pécheur. Dites-vous bien que ce bon larron devait avoir été retourné en profondeur. La grâce devait avoir travaillé cet homme d’une manière que nous avons du mal à imaginer, que pour l’amener à cela et Jésus qui voit au fond de tous les cœurs savait combien au plus profond de son être, cet homme s’était véritablement converti. Ce n’était pas de la frime, pas du tout, mais l’expression pure de tout son être. Que l’âme humaine peut être belle quand elle se laisse ainsi travailler par la grâce, par la force de l’Esprit-Saint.
Nous avons donc nous aussi à emprunter ce chemin de conversion intérieure afin que tout notre être soit tourné vers notre Dieu. Si nous voulons que Dieu agisse en nous, nous devons nous faire tout petit, suivant en cela l’exemple de Sainte Thérèse de Lisieux qui elle nous a montré le chemin de la petite enfance pour aller à Dieu. Elle connaissait sa nature, n’ayant pas toujours été une enfant facile, et savait qu’elle n’était pas capable par elle-même de surmonter toutes ses faiblesses. Aussi c’est à l’image d’un enfant aimant son Père qu’elle a donné son «Oui» à Dieu, lui donnant tout pouvoir d’agir en elle, qui se sachant faible voulait suivre cette voie de la petitesse.
C’est ainsi que l’homme grandit auprès de son Père, en se faisant petit, c’est-à-dire en se considérant avant tout comme un enfant du Père à qui il faut faire confiance en toutes choses. C’est ce qu’elle a fait d’une manière plus intense et plus profonde au fur et à mesure que les années passaient. Elle disait: «L’abandon, c’est le fruit délicieux de l’amour. Plus vous allez apprendre à aimer votre Dieu, votre Père, plus vous avancerez dans cette voie de l’abandon, qui est une voie mystérieuse de l’Amour infini du Père pour ses enfants de la terre. Comme Il aime voir ses enfants venir se jeter dans ses bras dans un abandon confiant, en cette belle relation Père-fils/fille, un enfant qui attend tout de Lui, qui espère tout de Lui, qui a confiance en Lui, son Dieu et son Créateur.»
Oui, il faut vraiment se faire petit et mettre son orgueil de côté, car c’est reconnaître ses limites, ses faiblesses, se savoir bien peu de chose par rapport à la Grandeur de Dieu. L’homme est capable du meilleur comme du pire, mais nous devons savoir et surtout nous convaincre et retenir que l’amour de Dieu pour sa création, ses créatures, n’a pas de limite et qu’Il nous appelle tous à être des fils de Roi, donc des princes et qu’il nous parera si nous venons à Lui de ses plus beaux joyaux.
À suivre
Un avis sur « Soyez donc parfaits Partie 1 »