ASDE 060 – Lettres 45 et 46 de Marie Lataste

Sœur Marie Lataste

Lettre 45

 

Description du tabernacle admirable où

Marie Lataste reçoit les plus grandes faveurs de Dieu.

 

Monsieur le Curé,

 

C’est avec une entière soumission que je viens vous soumettre ce que j’éprouve depuis quelque temps dans ma nouvelle manière de vivre.

Il me semble que mon âme est dans une nouvelle vie, dans le centre de la lumière et des connaissances intérieures et spirituelles. Ce centre merveilleux m’apparaît comme un appartement qui n’est ni grand ni petit ; il est fermé, mais non pas par aucun mur, parce qu’il est tout spirituel. Ce nouvel appartement où se retire mon âme, le Sauveur Jésus m’a appris à le nommer le tabernacle admirable. J’y aperçois une grande croix de douze à quinze pieds de hauteur, dont le Christ est de grandeur naturelle. Elle repose sur un beau piédestal, qui me paraît être de marbre ainsi que la croix, mais qui ne l’est pas, parce que tout y est spirituel. Il y a dans ce tabernacle admirable comme une atmosphère vivante de lumières, de connaissances et de sentiments divers qui portent vers Dieu. Il est impossible d’y entrer sans en être tout pénétré. Or, j’ai vu clairement que ces lumières, ces connaissances et ces sentiments viennent de la croix du tabernacle admirable comme d’une source intarissable.

Je ne puis pas pénétrer quand je le veux, ni demeurer autant que je le veux dans le tabernacle admirable. Il m’est néanmoins quelquefois permis d’y entrer, d’y goûter et d’y recevoir les instructions qui s’y donnent, quoique sans paroles. C’est une des faveurs les plus signalées que puisse m’accorder le Sauveur Jésus. Il me l’accorde pour me donner plus de force et de vigueur afin d’opérer le bien, car je sens cette force et cette vigueur me pénétrer et m’envelopper intérieurement et extérieurement, sans que rien soit capable ensuite de m’en dessaisir.

Vous comprendrez difficilement ce que j’entends par des instructions sans paroles ; je veux dire, Monsieur, que dans le tabernacle admirable, mon âme voit les choses si clairement que, soit sur Dieu, sur Jésus-Christ, sur Marie, sur soi-même, sur la religion, elle s’instruit comme si elle entendait parler. Souvent elle voit et ne comprend pas ; mais elle goûte avec suavité les étonnants mystères qui sont devant elle.

D’autres fois, un pouvoir invisible m’empêche d’entrer dans le tabernacle admirable, ou bien me force d’en sortir dès que j’y suis entrée.

Ô Monsieur, que de bonté en ce Sauveur Jésus ! Qui me donnera de me confondre en actions de grâces devant lui, de lui donner à jamais et mon esprit et mon cœur, et mon âme et tout ce que j’ai !

 

Je vous prie de vouloir agréer, Monsieur le Curé, l’hommage de mon plus profond respect et de ma soumission entière à votre jugement, auquel je soumets toutes choses.

Votre très humble servante,

Marie.

Mimbaste, 1er août 1843.

 

Lettre 46

 

Jésus en croix nous montre l’énormité du péché.

Monsieur le Curé,

 

Je viens vous soumettre, avec le même abandon et la même confiance, ce que vous m’avez demandé de mes méditations sur la passion du Sauveur Jésus.

Je ne sais trop comment je pourrai m’exprimer et dire des choses que j’ai entendues sans qu’on proférât une parole, et qui étaient bien plus l’effet d’un éclat de lumière que de voix clairement et distinctement articulées.

Pour ces méditations, je ne me suis point servie de livres ; je ne les ai non plus jamais préparées. J’avais déjà plusieurs fois médité sur la passion de la manière que je vous ai dite ailleurs ; la passion est le sujet le plus ordinaire de mes méditations. C’est une source inépuisable vers laquelle me porte un attrait irrésistible et dans laquelle mon âme prend force, courage et vertu pour faire le bien et éviter le mal.

Or, un jour, je me mis à genoux pour faire ma méditation selon l’attrait qui me serait donné. Quand je ne prépare point ma méditation, ce n’est point que je veuille tenter Dieu ainsi ; mais c’est que je suis obligée de suivre l’attrait qui me porte ailleurs, et qui m’oblige même à laisser la méditation que j’aurais préparée pour en suivre une autre. Quelquefois Dieu m’envoie des occupations qui m’empêchent la veille de me préparer à ma méditation du lendemain. C’est là pour moi l’indice que le Sauveur se charge de ma méditation ou bien que je devrais me tenir humblement à ses pieds, quelquefois sans aucun sentiment d’amour, jusqu’à ce qu’il lui plaise d’avoir pitié de moi.

Après m’être agenouillée aux pieds du Sauveur, je sentis aussitôt en mon âme un attrait qui la portait presque avec violence à considérer Jésus attaché à la croix.

Ah ! Monsieur, je ne sais comment je devins alors. Pendant que mon corps me semblait d’un poids et d’une lourdeur accablants, mon âme semblait avoir une nouvelle vie. Elle se trouva dans le centre de la lumière et des connaissances du tabernacle admirable. Mon Dieu, que de lumières et que de connaissances ! Je les vis toutes immédiatement dans leur ensemble, mais je ne pus les supporter ensuite dans leur détail ; elles débordèrent mon âme, qui dut nécessairement se retirer et attendre jusqu’au lendemain ; ce qui me fait supposer que le Sauveur avait d’abord voulu me montrer comme un plan général des méditations qu’il voulait que je fisse ensuite séparément et chaque jour. C’est du moins ce qui est arrivé.

Voici le plan général tel que je l’aperçus : 

1° Jésus en croix nous fait comprendre la grandeur et l’énormité du péché ;

2° Jésus en croix est pour nous le modèle de toutes les vertus ; 

3° Jésus en croix fait connaître la justice et la miséricorde de son Père.

Le premier jour, je pus méditer sur la première partie, qui est : Jésus en croix nous fait comprendre la grandeur et l’énormité du péché.

Dans une première vue, je considérai le péché en lui-même et dans sa nature intime ; dans une seconde considération, je vis l’injure et l’outrage qu’il fait à Dieu ; enfin je compris quel est la cause de tous nos maux, tant spirituels que temporels. Quelles connaissances profondes ! quelles lumières éclatantes environnèrent mon âme en cet heureux moment ! Ce n’était point une parole parlée que j’entendais, mais je comprenais mieux qu’en entendant l’homme le plus savant et le prédicateur le plus distingué. C’était une parole sans voix et une voix sans parole, et je n’ai point de parole pour exprimer cette voix, ni de voix pour rendre cette parole. J’ai vu, j’ai entendu, j’ai compris ; j’essayerais en vain de le rappeler, je ne le pourrais pas. C’était plus fort, plus tendre, plus sensible, plus doux, plus pénible, plus douloureux, plus intelligible, plus saisissant pour moi que toute chose au monde. C’est aujourd’hui si profondément gravé dans mon cœur, que je ne puis même l’extérioriser par écrit ou par parole. Ô Jésus en croix, salut de mon âme ! Ô croix de Jésus, salut du monde ! Ô Jésus en croix, Dieu mort pour mes péchés ! Ô croix de Jésus, délivrance de mes iniquités ! Ô Jésus en croix, réparateur de l’injure faite à Dieu ! Ô croix de Jésus, témoin éclatant et glorieux du pardon de Dieu le Père ! Ô Jésus en croix, libérateur du genre humain ! Ô croix de Jésus, bouclier contre Satan, le monde et les passions ! Ô Jésus en croix, félicité dans nos souffrances et nos peines ! Ô croix de Jésus, arc-en-ciel de la miséricorde de Dieu ! Ô Jésus en croix, ce sont mes péchés qui vous ont fait mourir ! Ô croix de Jésus, ce sont mes péchés qui vous ont rougie du sang de mon Sauveur ! Ô Jésus en croix, que je sois à jamais près de vous, avec vous, en vous ! Ô croix de Jésus, que je vous embrasse à jamais et meure en vous pressant sur mon cœur.

Je ne pouvais plus rester dans le tabernacle admirable dont la lumière éclatante me repoussait au loin. Avant de sortir, j’entendis, forte comme un tonnerre, une voix prononçant ces paroles, qu’elle m’adressait et que j’ai conservées :

« Ma fille, dites chaque jour cette prière :

Mon Dieu, souvenez-vous de ce moment où vous avez fait couler pour la première fois votre grâce dans mon cœur, en me lavant du péché originel pour me recevoir au nombre de vos enfants. Ô Dieu, qui êtes mon Père, accordez-moi, par votre infinie miséricorde, par les mérites et le sang de Jésus-Christ, par les peines et les douleurs de la sainte Vierge, les grâces que vous désirez que je reçoive en ce jour pour votre plus grande gloire et mon salut.

Voilà, Monsieur le Curé, ce que j’éprouvai en ce jour. Je continuerai à écrire le reste dans mes moments de loisir.

 

Je vous prie d’agréer l’hommage de ma vénération et de mon plus profond respect avec lequel je suis,

Monsieur le Curé,

Votre très humble servante,

Marie.

Mimbaste, 7 août 1843.

 

 

3 commentaires sur « ASDE 060 – Lettres 45 et 46 de Marie Lataste »

  1. Puisse Marie Lataste, comblée de faveurs et de grâces par Notre Seigneur, éclairer beaucoup d’âmes, les amener à réparer et à consoler ! Restons ensemble avec Elle près de Notre Sauveur !

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Au Souffle de l'Esprit

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading