Cardinal Sarah et le silence – 1

Le cardinal Robert Sarah est un homme d’Eglise que j’apprécie beaucoup, un saint homme. On sent en l’écoutant ou en le lisant que c’est un homme d’une grande foi, habité par le désir d’instruire les fidèles et de les conforter dans leur croyance. Dieu est amour et son plus grand désir et de s’unir à chacun d’entre nous. C’est dans le silence de son cœur que l’homme peut trouver Dieu, à l’abri des bruits du monde.

 

Dieu aspire à ce que chacun vienne à Lui avec confiance pour entamer une relation Père/enfant qui Lui est si chère. Mais pour parvenir à cet entretien du cœur à cœur, l’enfant doit se mettre dans les meilleures conditions et le silence est un de ces moyens auquel il nous faut avoir recours.

 

Le cardinal Sarah a exprimé tout cela dans un livre, « La Force du Silence ». J’avais pensé au départ résumer le livre, mais celui-ci est tellement riche que finalement je reprendrai de très, très larges extraits. Cet ouvrage a été écrit sous la forme d’un dialogue entre Nicolas Diat et le cardinal Sarah qui répond aux questions que celui-ci lui pose.

 

Trêve de bavardage, laissons la parole à cet éminent homme de Dieu.

 

CD

 

 

Le silence contre

le bruit du monde

 

« Les grandes choses s’accomplissent dans le silence. Non pas dans le bruit et la mise en scène des événements extérieurs, mais dans la clarté du regard intérieur, dans le mouvement discret de la décision, dans des sacrifices et des victoires cachés, quand l’amour touche le cœur, que I’action sollicite l’esprit libre. Les puissances silencieuses sont les puissances vraiment fortes. Nous voulons appliquer notre attention à I’événement le plus caché, le plus silencieux, dont les sources secrètes sont perdues en Dieu, inaccessibles aux regards humains. »

Romano Guardini, Le Dieu vivant

 

Nicolas Diat : Dans Voix cartusienne, Le chartreux dom Augustin Guillerand écrit avec justesse que « la solitude et le silence sont hôtes d’âme. L’âme qui les possède les porte partout avec elle. Celle qui en manque ne les trouve nulle part. Pour rentrer dans le silence, il ne suffit pas d’arrêter le mouvement de ses lèvres et le mouvement de ses pensées. Ce n’est là que se taire. Se taire est une condition du silence, mais ce nest pas le silence. Le silence est une parole, le silence est une pensée. Cest une parole et une pensée ou se concentrent toutes paroles et toutes pensées ». Comment comprendre cette belle idée ?

 

Cardinal Robert Sarah :

 

1. Il y a une grande question : comment l’homme peut-il être réellement à l’image de Dieu ? Il doit entrer dans le silence.

 

En se drapant dans le silence, comme Dieu lui-même habite un grand silence, l’homme est près du ciel ou, plutôt, il laisse Dieu se manifester en lui.

 

Nous ne rencontrons Dieu que dans le silence éternel où il demeure. Avez-vous jamais entendu la voix de Dieu comme vous entendez la mienne ?

 

La voix de Dieu est silencieuse. En fait, lhomme doit tendre lui aussi à devenir silence. En parlant dAdam au paradis, saint Augustin écrivait : Il vivait dans la joie de Dieu, et par la force de ce bien il était lui-même bon. En vivant avec le Dieu silencieux, et en Lui, nous devenons nous-mêmes silencieux. Dans son livre Je veux voir Dieu, le père Marie-Eugène de IEnfant-Jésus écrit : « Pour le spirituel qui a goûté Dieu, silence et Dieu semblent s’identifier. Car Dieu parle dans le silence et seul le silence paraît pouvoir exprimer Dieu. Aussi, pour retrouver Dieu, I homme pourrait-il aller sinon dans les profondeurs plus silencieuses de lui-même, en ces régions si cachées que rien ne peut plus les troubler ? Lorsquil y est parvenu, avec un soin jaloux, il préserve ce silence qui donne Dieu. Il le défend contre toute agitation de ses propres puissances. »

 

2. Au cœur de l’homme, il y a un silence inné, car Dieu demeure au plus intime de chaque personne. Dieu est silence, et ce silence divin habite I’homme. En Dieu, nous sommes inséparablement liés au silence. L’Eglise peut affirmer que I’humanité est fille d’un Dieu silencieux ; car les hommes sont les fils du silence.

 

3. Dieu nous porte, et nous vivons avec lui à tout instant en gardant le silence. Rien ne fera mieux découvrir Dieu que son silence inscrit au centre de notre être. Si nous ne cultivons pas ce silence, comment trouver Dieu ? L’homme aime voyager, créer, de grandes découvertes, Mais il reste au-dehors de lui-même, loin de Dieu, qui est silencieusement dans son âme. Je veux rappeler combien il est important de cultiver le silence pour être véritablement avec Dieu. Saint Paul, en sappuyant sur le livre du Deutéronome, explique que ce nest pas en traversant les mers que nous rencontrerons Dieu, car Il est dans cœur : « Ne dis pas dans ton cœur : Qui montera Ciel ? Entends : pour en faire descendre le Christ ; ou bien : Qui descendra dans l‘abîme ? Entends : pour faire remonter le Christ de chez les morts, Que dit-elle donc ? La parole est tout près de toi, sur tes lèvres et dans con cœur, entends : la parole de la foi que nous proclamons. En effet, si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur, et si ton cœur croit que Dieu l’a resuscité des morts, tu seras sauvé » (Rm 10, 6-9 ; Dr 30, 12-14.16).

 

4. Par la Sainte Écriture, écoutée et ruminée en silence, les grâces divines se déversent sur l’homme. C’est dans la foi, non en parcourant les pays lointains ou en traversant les mers et les continents, que nous pouvons trouver et contempler Dieu. En vérité, c’est en scrutant pendant de longues heures les Saintes Ecritures, après avoir résisté à toutes les attaques du Prince de ce monde, que nous atteindrons Dieu.

 

Dom Augustin Guillerand ne fait pas fausse route : ce que les hommes possèdent en eux-mêmes, ils ne le trouvent nulle part ailleurs. Si le silence n’habite pas homme, et si la solitude n’est pas un état où il se laisse façonner, la créature est privée de Dieu. Il n’y a de lieu au monde où Dieu ne se trouve plus présent que dans le cœur humain. Ce cœur est vraiment la demeure de Dieu, le temple du silence.

 

 

5. Aucun prophète na jamais rencontré Dieu sans se retirer dans la solitude et le silence. Moïse, Élie et Jean le Baptiste ont rencontré Dieu dans le grand silence du désert. Aujourdhui, les moines cherchent aussi Dieu dans la solitude et le silence. Je ne parle pas uniquement dune solitude ou dun mouvement géographique, mais dun état intérieur. Il ne suffit pas plus de se taire. Il faut devenir silence.

 

Car, avant même le désert, la solitude et le silence, Dieu se trouve déjà en l’homme. Le véritable désert est au-dedans de nous, dans notre âme.

 

Forts de cette connaissance, nous pouvons comprendre que le silence est indispensable pour trouver Dieu. Le Père attend ses fils dans leurs propres cœurs.

 

6. Il est nécessaire de sortir du tumulte intérieur pour trouver Dieu. Malgré les agitations, les commerces, les plaisirs faciles, Dieu reste silencieusement présent. Il est en nous comme une pensée, une parole et une présence dont les sources secrètes sont enfouies en Dieu même, inaccessibles aux regards humains.

 

La solitude est le meilleur état pour écouter le silence de Dieu. Pour celui qui veut trouver le silence, la solitude est la montagne qu’il faut gravir. Si un homme s’isole, en partant dans un monastère, il vient d’abord chercher le silence. Et pourtant, le but de sa recherche est en lui. La présence silencieuse de Dieu habite déjà son cœur. Le silence que nous poursuivons confusément se trouve en notre propre cœur et nous dévoile Dieu.

 

Hélas, les puissances mondaines qui cherchent à façonner l’homme moderne écartent méthodiquement le silence.

 

Je ne crains pas d’affirmer que les faux prêtres de la modernité, qui déclarent une forme de guerre au silence, om perdu la bataille. Car nous pouvons rester silencieux au milieu des plus grands fatras, des agitations abjectes, au milieu des vacarmes et des hurlements de ces machines infernales qui invitent au fonctionnalisme et à l’activisme en nous arrachant de toute dimension transcendante et de toute vie intérieure.

 

 

 

 

 

 

Un avis sur « Cardinal Sarah et le silence – 1 »

Laisser un commentaire

%d