Dieu, la Sainte Trinité
4ème partie/3
Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique
LIVRE 2
Le Verbe de Dieu fait homme
Chap. 2, « Je suis la source de la vie, c’est moi qui donne la vie aux hommes. »
Après m’avoir ainsi parlé, le Sauveur Jésus me dit encore :
— Ma fille, je suis la source de la vie, c’est moi qui donne la vie aux hommes.
« Je suis la source de la vie. Il y a deux sortes de vie : la vie éternelle et la vie temporelle. La vie éternelle est la vie qui seule appartient à Dieu ; la vie temporelle est celle que Dieu a donnée à l’homme pour le rendre, autant qu’il en est capable, participant de la vie éternelle.
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« La vie éternelle, c’est Dieu : or, je suis la source de la vie éternelle, bien que Dieu le Père soit le principe de ma vie de l’éternité, parce que je suis Dieu comme lui, et que tout ce qui lui appartient m’appartient. Il est source de vie, je suis aussi source de vie. Il dépose en moi la vie, moi en lui, et cela de toute éternité, dans l’union amoureuse et éternelle du Saint-Esprit, qui unit le Père au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit au Père et au Fils, les trois personnes entre elles.
« La vie temporelle est la vie donnée à la créature que Dieu veut rendre participante de sa vie éternelle. Parmi les créatures, il en est une qui, plus particulièrement, participe à la vie éternelle, et qui est tellement unie à la divinité et à la vie divine, qu’elle a la divinité en elle et la vie divine, et qu’elle est réellement Dieu. Cette créature, c’est la personne du Fils de Dieu fait homme ; c’est moi qui suis à la fois Créateur et créature, Dieu et homme tout ensemble. J’ai donné la vie divine à la nature humaine que j’ai unie à ma nature divine, afin que par mon corps et mon âme humaine, m’appropriant et vivifiant l’humanité, je commençasse à déposer en elle la vie éternelle, après lui avoir donné la vie naturelle et temporelle depuis quatre mille ans.
« C’est moi qui ai créé l’homme, c’est moi qui ai soufflé sur lui le mouvement et la vie, c’est moi qui donne chaque jour la vie aux hommes ; c’est de moi, comme d’une source toujours abondante, que la vie s’épanche sur l’humanité et sur le monde. Je la répands sur tous ceux qui me la demandent ; je donne à tous la vie naturelle, la vie intellectuelle, la vie surnaturelle ; je vois ceux qui ont perdu cette dernière vie et je prolonge en eux les deux autres, pour qu’ils puissent recouvrer celle qu’ils ont perdue et qui est la seule véritable, la seule essentielle et nécessaire.
« Et que font les hommes ? Ils oublient que je suis la source de la vie, que c’est de moi qu’ils l’ont reçue ; ils fuient la vie véritable et marchent dans la mort, comme des cadavres qu’une force inconnue ferait mouvoir et marcher sur la terre.
« Heureux ceux qui auront bien compris que je suis la source de leur vie. Heureux ceux qui m’auront rendu témoignage et se glorifieront de ce qu’ils m’ont eu pour principe de leur vie. Je les connais tous par leur nom comme ceux qui me fuient, qui me méprisent et blasphèment contre moi. Je leur ferai entendre ma voix ; tous l’entendront pour la récompense ou le châtiment, pour la vie ou la mort, pour le ciel ou l’enfer, pour régner avec moi ou régner avec Satan. Je ravirai aux uns la vie pour leur donner la vie ; la lumière, pour leur donner la lumière ; le temps, pour leur donner l’éternité. Je laisserai les autres dans les ténèbres, dans la mort loin de moi ; je fermerai pour eux l’entrée de mon paradis et dirai à l’enfer de les engloutir. Tous seront dans l’étonnement : les justes, en recevant une vie, une lumière, une félicité éternelles ; les pécheurs, en tombant dans la mort, les ténèbres et les supplices éternels.
« Le ciel retentira des chants de triomphe et d’allégresse des élus, et l’enfer grondera comme un tonnerre impétueux, répétant les pleurs, les cris, les grincements de dents des damnés.
« Je suis la source de la vie. C’est donc moi qui la donne aux hommes. Je vous l’ai dit, ma fille, il y a deux sortes de vie : la vie de Dieu et la vie de l’homme. La vie de l’homme est double aussi : la vie naturelle et la vie surnaturelle. Je donne la vie naturelle par la création.
« Je veux que vous compreniez comment je donne la vie surnaturelle. Elle est bien différente de l’autre. Celle-là est la forme de celle-ci, elle en est la force, le mouvement qui la porte à Dieu, l’élan qui la détache de la terre pour l’élever à Dieu. La vie surnaturelle, ce n’est point la vie de l’homme en l’homme, c’est la vie de Dieu en l’homme, c’est Dieu opérant en l’homme. C’est moi qui ai déposé cette vie dans l’humanité. Je l’ai déposée dans l’humanité par le corps que j’ai pris dans le sein de ma mère. Ce corps la possédait comme un immense réservoir fermé de tous côtés, et d’où elle devait se répandre dans le monde. Je choisis un lieu élevé ; j’y fis dresser un trône, je montai sur ce trône. Je vis le monde entier et toutes les générations à mes pieds, autour du trône que j’occupais. Ce lieu élevé, c’était le Calvaire ; ce trône, ma croix où j’étais attaché, où je versai mon sang, où je donnai ma vie pour la répandre comme une semence pleine de la fécondité de Dieu sur tout le genre humain. C’est le premier mode par lequel j’ai donné la vie surnaturelle aux hommes. Je la leur donne en particulier et à chacun par le baptême. L’eau baptismale, figure de mon sang, régénère celui sur lequel elle coule, et dépose en lui, non plus une vie qui sera pour le temps, mais pour l’éternité ; non plus une vie qui est la vie de l’homme, mais la vie de Dieu en l’homme. Cette vie ne passera point, mais elle tuera ou vivifiera éternellement. Et combien qui, avec cette vie, ont la mort ! Que pouvais-je donc faire de plus pour les hommes ? Et pourtant je ne me suis point arrêté là. J’ai voulu donner à l’homme un moyen de sortir de la mort surnaturelle par l’institution du tribunal de la pénitence, où tous les Lazare peuvent retrouver ce qu’ils ont perdu, et réjouir par leur résurrection leurs amis du temps et de l’éternité.
« Je ne me suis point contenté de donner la vie surnaturelle aux hommes. J’ai voulu aussi leur fournir les éléments nécessaires pour la conserver en leur donnant deux sortes de nourriture. La première est le pain de ma parole, que mes ministres ont ordre de rompre et de leur distribuer pour les soutenir dans le cours de leur pèlerinage. La seconde est le pain eucharistique de mon corps et le breuvage de mon sang consacré. Tous peuvent recevoir ces deux nourritures ; tous peuvent s’en rassasier, et pas un ne peut se plaindre que sa part lui est faite trop petite et insuffisante.
« Je donne la vie aux hommes, ma fille, et je la leur ai donnée une première fois, alors qu’ils me donnaient la mort ; et, pendant que je continue de les vivifier, ils continuent, eux aussi, à me faire mourir. Bien loin d’avoir des sentiments de reconnaissance et d’amour pour moi, ils se plaisent à m’outrager chaque jour. Non contents d’avoir répandu une fois mon sang, ils aiment à renouveler toutes mes douleurs par le nombre et la multitude de leurs crimes. Est-il possible d’exprimer tant d’ingratitude et d’oubli ? Ah ! je puis me glorifier de ce que j’ai fait pour les hommes. Je puis appeler le monde à témoin de ma miséricorde pour eux. Je leur ai donné la vie ; je leur ai donné et sacrifié la mienne ; je les ai lavés dans mon sang ; je leur ai donné mon corps en nourriture ; je les ai couverts de ma grâce ; je les ai réunis comme une poule réunit ses petits pour les abriter contre Satan, contre le monde et contre eux-mêmes ; comme un bon pasteur, j’ai choisi pour eux les plus gras pâturages. Je me suis fait le pasteur de la divine bergerie de l’humanité, rachetée par ma mort. J’ai caché tous les hommes dans mes plaies comme dans des forteresses inexpugnables, et les hommes, en multitude sans nombre, fuient loin de mon cœur, loin de mes pâturages ; ils quittent ma bergerie, renoncent à ma vie, et ne craignent point d’oublier mes lois, de rejeter mes commandements, et de braver mes menaces. Qu’ils marchent en avant ! Et moi aussi je m’élèverai contre ces transgresseurs impénitents de mes lois, et moi aussi je m’élèverai contre ces déserteurs de ma famille, et moi aussi je m’élèverai contre ces rebelles qui ont brisé mon joug.
« Combien de jeunes hommes, qui se promettaient encore des jours longs et heureux, arrêtés par ma justice !
« Combien de riches, qui se promettaient encore une jouissance prospère de leurs richesses, arrêtés par ma justice !
« Combien de puissants, qui se promettaient encore la jouissance tranquille de leur force et de leur pouvoir, arrêtés par ma justice !
« Combien de criminels de toute sorte, qui méditaient encore de nouveaux forfaits, arrêtés par ma justice !
« Quelle justice ressemble à ma justice ? Quel bras vengeur ressemble à mon bras ?
« Ah ! ma fille, puissent les hommes rechercher plutôt les effets de ma miséricorde que ceux de ma justice ; qu’il leur plaise de renoncer à leurs égarements, d’écouter ma voix, de considérer tout ce que j’ai fait pour eux, et de devenir ainsi dociles et pleins de soumission.
« Qu’ils reçoivent la vie pour la vie et non pour la mort. Qu’ils reçoivent ma mort comme principe de leur vie ; qu’ils s’attachent à cette vie pour ne pas tomber dans la mort. Je suis la vie, je suis la source de la vie, je suis le donateur et le distributeur de la vie, et la vie que je donne est une vie qu’on peut conserver toujours, qu’on doit garder toujours pour l’unir dans l’éternité à la vie de Dieu.
« Gardez souvenir de ces paroles, ma fille, et craignez que pendant votre vie vous ne tombiez dans les bras de la mort éternelle. »