Cardinal Sarah et le Silence – 3 – La définition du silence

Comment définir le silence dans son acceptation la plus simple, c’est-à-dire le silence de la vie quotidienne ?

 

14. […]

Pour saisir le caractère si précieux du silence dans la vie quotidienne, les épisodes de la visite de Jésus chez Marthe et Marie, relaté par Saint Luc (Lc 10, 38- 42) était éloquent : « Marthe, marque, tu t’inquiètes et tu t’invites pour bien des choses » (Lc, 38, 41). Jésus le reproche pas à Marthe son activité à la cuisine, il fallait bien qu’elle prépare le repas, mais son attitude intérieure dissipée , que traduit son agacement à l’égard de sa sœur. Depuis l’origine, certains commentateurs ont tendance à durcir le contraste entre les deux femmes, au point d’y voir respectivement la figure d’une vie active trop dispersée et celle de la vie contemplative vécue dans le silence, l’écoute et la prière intérieure. En réalité, Jésus semble indiquer les contours d’une pédagogie spirituelle : nous devons toujours veiller à être Marie avant de nous faire Marthe. Autrement, nous risquons un véritable embourbement dans un activisme et une agitation dont les conséquences déplaisantes affleurent assez clairement dans le récit évangélique : la panique, la peur de travailler en solitaire, une attitude intérieure et dissipée, un agacement de Marthe à l’égard de sa sœur, le sentiment que Dieu nous laisses seuls sans intervenir efficacement. En s’adressant à Marthe, Jésus dit : « Marie a choisi la meilleure part » (Lc , 10, 42). Il lui rappelle l’importance de « tenir son âme en paix et silence » (Ps 130, 2) pour être à l’écoute de son cœur.

 

[…]

Avec tendresse Le Christ l’invite à s’arrêter pour revenir vers son cœur, lieu du véritable accueil et demeure de la tendresse silencieuse de Dieu, dont l’activité à laquelle elle se livrait du monde de manière bruyante lavait éloigné. Toute action doit être précédée par une intense vie de prière, de contemplation, de recherche et d’écoute de la volonté de Dieu. Dans sa lettre apostolique Novo millennio inuente, Jean-Paul II écrit : « Il importe que ce que nous proposons, avec l’aide de Dieu, soit profondément enraciné dans la contemplation et dans la prière. Notre époque est une époque de mouvement continuel qui va souvent jusquà l’activisme , risquant facilement de faire pour faire. Il nous faut résister à cette tentation en cherchant à être avant de faire. » C’est le désir intime et immuable du moine. Mais il s’agit aussi de l’inspiration la plus profonde de toute personne qui cherche l’Eternel. Car l’homme ne peut rencontrer Dieu en vérité que dans le silence et la solitude, intérieure et extérieure.

 

15. Plus nous sommes revêtu de gloire et d’honneur, plus nous sommes élevés en dignité, plus nous sommes investis de responsabilités publiques, de prestige et de charges temporelles, comme laïcs, prêtres où évêques, plus nous avons besoin de progresser en humilité et de cultiver avec soin la dimension sacrée de notre vie intérieure en cherchant constamment à voir le visage de Dieu dans la prière, l’oraison, la contemplation et l’ascèse. Il peut arriver qu’un prêtre bon et pieux, une fois élevé à la dignité épiscopale, tombe rapidement dans la médiocrité et le souci de réussir dans les affaires du monde. Accablé par le poids des fonctions dont il est investi, agité par le souci de paraître, préoccu de son pouvoir, de son autorité et des besoins matériels de sa charge, il s’essouffle progressivement. Il manifeste dans son être et dans ses œuvre une volonté de promotion, un désir de prestige et une dégradation spirituelle où il est nuisible à lui-même et au troupeau dont l’EspritSaint la établi gardien pour paître l’église de Dieu, qu’Il s’est acquise par le sens de son propre fils. Nous courons tous le danger d’être accaparés par les affaires et les soucis mondains si nous négligeons la vie intérieure, la prière, l’oraison, le face à face quotidien avec Dieu, l’ascèse nécessaire à tout contemplatif et à toute personne qui veut voir l’Eternel et vivre avec Lui.

 

17. […] C‘est le désir de voir Dieu qui nous presse d’aimer la solitude et le silence car c’est le silence que Dieu habite. Il se drape dans le silence. À toutes les époques cette expérience d’une vie intérieure et d’un amour intimement vécu avec Dieu est restée incontournable pour trouver le vrai bonheur.

 

18. Chaque jour il est important de faire silence pour établir les contours de son action future. La vie contemplative n’est pas le seul état où l’homme doit faire l’effort de laisser son cœur dans le silence. […]

 

19. […]Il y a dans le silence une exigence pour chacun d’entre nous. L‘homme maîtrise le temps de l’action s’il sait entrer dans le silence. La vie de silence doit savoir précéder la vie active.

 

20. Le silence de la vie quotidienne est une condition indispensable pour vivre avec les autres. Sans la capacité du silence, l’homme n’est pas capable d’entendre son propre entourage, de l’aimer et de le comprendre. La charité n’est du silence. Elle procède d’un cœur silencieux capable d’écouter, d’entendre et daccueillir. Sans silence, il n’y a ni repos, ni sérénité, ni vie intérieure. Le silence est amitié et amour, harmonie intérieure et paix. Le silence et la paix battent d’un seul cœur. […] Combien Pascal avait raison d’écrire dans ses pensées : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. » […]

 

21. […] Sans bruit, l’homme est fiévreux, fébrile, perdu. Le bruit le sécurise, comme une drogue dont il est devenu dépendant. Avec son apparence de fête, le bruit est un tourbillon qui évite de se regarder en face. […]

 

22. Dans Je veux voir Dieu, le père Marie-Eugène écrivait : « Nous vivons dans la fièvre du mouvement et de l’activité. Le mal n’est pas seulement dans l’organisation de la vie moderne, dans la hâte qu’elle impose à nos gestes, la rapidité et la facilité qu’elles assurent à nos déplacements. Un mal plus profond se trouve dans la fièvre et la nervosité des tempéraments. On ne sait plus attendre ni être silencieux. Et cependant on semble chercher le silence et la solitude. On quitte le milieu familier pour chercher de nouveaux horizons, une autre atmosphère. Ce n’est le plus souvent que pour se divertir en de nouvelles impressions. Quels que soient les changements des temps, Dieu reste le même, Tu autem idem Ipse es et c’est toujours dans le silence qu’Il prononce son verbe et que l’âme doit le recevoir. La loi du silence s’impose à nous comme à sainte Thérèse. La fièvre et la nervosité du tempérament moderne la rendent plus impérieuse et nous obligent à un effort plus énergique pour la respecter et nous y soumettre. »

[…]

24. Les merveilles de la création sont silencieuses, et nous ne pouvons les admirer que dans le silence. L’art est aussi le fruit du silence. Comment contempler autrement que dans le silence un tableau ou une sculpture, la beauté d’une couleur et la justesse d’une forme ? La grande musique s’écoute en silence. L’émerveillement, l’admiration et le silence fonctionnent par correspondance. […]

 

Selon don Mocquereau, moine bénédictin de l’abbaye de Solesmes : « Nous avons de Platon une admirable définition de la musique : c’est l’art qui, réglant la voix, passe jusquà l’âme et lui inspire le goût de la vertu. D’après lui la plus belle mélodie est celle qui exprime avec le plus de perfection les bonnes qualités de l’âme. » […]

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