ASDE 02 – L’Eucharistie et St Jean Chrysostome

Un témoin fervent et éclairé de l’Eucharistie

St Jean-Chrysostome (344-407)

 

Par le chanoine Jean-Pierre Mondet

 

Jean-Pierre Mondet

Saint Jean Chrysostome dont l’amour du Christ et le dynamisme apostolique sont, à de nombreux égards, comparables à ceux de Saint-Paul, retiendra encore notre attention dans les publications à venir, car il est incontestablement un des témoins majeurs de la grande Tradition de l’Eglise, tant occidentale qu’orientale.

 

Ce syrien, ce prédicateur qui attirait les foules comme prêtre à Antioche a été promu Patriarche de Constantinople « pour le meilleur et pour le pire ». Décédé en 407 sur la route d’un exil douloureux dans le Caucase, ce Docteur de l’Eglise auquel la postérité a décerné le titre de « Démosthène chrétien » en raison de son talent oratoire exceptionnel, a été proclamé « Patron des prédicateurs et des rhétoriciens » par le Pape Saint Pie X.

 

Ce grand oriental a été aussi considéré par l’Eglise Romaine comme le « Doctor eucharistiae », le « Docteur eucharistique » par excellence. Par ailleurs, son « Traité sur le sacerdoce » constitue avec un sermon célèbre de Saint Grégoire de Nazianze et la « Règle Pastorale » de Saint Grégoire le Grand, la « trilogie sacerdotale » de l’Antiquité chrétienne.

 

Ce n’est évidemment pas par hasard que ce héraut théologique et mystique de l’eucharistie soit aussi celui du Sacerdoce ministériel, en raison du lien étroit et vital existant entre l’eucharistie et le prêtre.

 

Qu’il me suffise aujourd’hui d’aborder deux aspects qui suscitent l’admiration et l’émotion sacrée du Prédicateur

 

 

Le ministère du prêtre lors de l’épiclèse

 

Nous savons à quel point nos frères orientaux aiment privilégier l’action de l’Esprit-Saint tant dans la consécration du pain et du vin que dans la sanctification des fidèles participant à l’eucharistie.

 

Il n’y a donc rien de surprenant à ce que le Traité sur le Sacerdoce soit particulièrement insistant, lyrique et abondant lorsqu’il aborde le prêtre faisant descendre l’Esprit-Saint lors de l’épiclèse :

 

« Faut-il, par la comparaison avec un autre prodige te démontrer l’excellence de nos saints mystères ? Représente-toi le prophète Elie, entouré d’une foule innombrable, au moment où il a étendu la victime sur les pierres de l’autel. Tous les assistants immobiles sont dans le plus grand silence. Le prophète seul parle, pour prier. Soudain le feu descend du ciel, et embrase la victime toute entière. Tourne maintenant les yeux vers nos autels, tu verras un prodige autrement saisissant. Là aussi, le prêtre est debout, appelant sur la terre non un feu qui s’éteint, mais l’Esprit-Saint lui-même. S’il reste longtemps en prière, ce n’est pas pour demander qu’une flamme vienne du ciel dévorer la victime, mais qu’elle embrase toutes les âmes présentes, et les rende plus pures et plus étincelantes que l’argent éclairé par le soleil. Qui donc, à moins d’être insensé, un pauvre d’esprit, pourrait mépriser d’aussi redoutables mystères ? Et l’ardeur de ce feu spirituel, tu ne l’ignores pas, jamais une âme humaine ne pourra le soutenir, et elle en serait toute anéantie si la grâce divine ne la secourrait. »

(Traité sur le sacerdoce, 3,4)

 

L’expression « redoutable mystère » n’étonnera pas ceux qui ont déjà assisté à une liturgie orientale où la « stupeur sacrée » et la fascination devant le prodige de l’Amour divin vivent conjointement.

 

 

Le ministère du prêtre lors des paroles consécratoires

 

Dans un célèbre passage de l’homélie sur la trahison de Juda, Chrysostome parle de la consécration de l’Eucharistie. Sous les traits du prêtre, c’est le Christ qui est invisiblement présent à l’autel, c’est le Christ aussi qui donne la force et la puissance aux paroles consécratoires :

 

« Jésus-Christ est présent ; le même Jésus-Christ qui fit dresser jadis la table (de la Cène), assiste encore aujourd’hui à la sainte table. Ce n’est pas un homme qui change les choses mises devant lui, au corps et sang du Christ : c’est le Christ lui-même qui a été crucifié pour nous. Le prêtre est là pour le représenter, et pour prononcer les paroles de la consécration. Mais la force (qui agit) et le don (qui lui est fait) sont de Dieu. Le prêtre dit ‘Ceci est mon corps’. Ces mots changent qui est devant lui (le pain et le vin). De même que la parole ‘Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre’ n’a été prononcée qu’une seule fois, et pourtant ne cesse de rendre la race humaine capable de procréer ; de même les paroles de la consécration, une seule fois prononcée par le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, opèrent sur les autels de nos Eglises, depuis ce jour (de son institution) jusqu’à l’avènement futur (la parousie) du Sauveur, le sacrifice parfait. »

Homélie sur la tradition de Juda, 1, 6)

 

 

Conclusion : la sublimité du ministère eucharistique du prêtre

 

La dignité du prêtre ne saurait donc jamais susciter assez d’admiration, de louange et de vénération et ce, précisément et surtout en raison du caractère sublime du « sacrement de l’autel » dont il est le ministre.

 

Pour terminer, je vous cite un texte qui exalte à la fois l’eucharistie et le sacerdoce ministériel :

 

« Le sacerdoce s’exerce sur la terre, mais son rang est parmi les choses célestes. Et c’est à bon droit. Ce n’est ni l’homme, ni l’ange ni l’archange, ni quelque autre puissance créée, mais le divin Paraclet lui-même qui a réglé cette union (du terrestre et du divin dans le sacerdoce). C’est lui qui a permis à des êtres revêtus de chair d’exercer ici-bas un ministère tout angélique. Que l’on se rappelle la pompe et la majesté du cérémonial dans le sacerdoce hébraïque : quelle crainte respectueuse, quelle frayeur, il inspirait.

 

Tout cet imposant appareil de clochettes, de grenades, de pierres précieuses qui brillaient sur la poitrine et sur les épaules du grand prêtre ; sa mitre, son diadème, sa longue tunique traînante, sa lance d’or, le Saint des Saints et le silence profond qui y règne ! Mais que toute pompe extérieure était peu de chose, rapprochée des mystères de la loi de la grâce ! Et combien l’Apôtre n’a-t-il pas eu raison de dire que l’éclat du premier sacerdoce n’est rien à côté de la gloire suréminente du second. (2Cor, 3 : 10). En effet, quand tu vois le Seigneur immolé et gisant sur l’autel, et le prêtre debout qui s’incline sur la victime, occupé à prier, et tous les assistants les lèvres empourprées de ce sang auguste, penses-tu être encore parmi les hommes et habiter la terre ? Ne te semble-t-il pas plutôt être transporté soudain dans les cieux ?

 

Bannissant de ton esprit toute pensée charnelle, ne contemples-tu pas, avec une âme dégagée des sens, les célestes merveilles, comme si tu étais un pur esprit ? O prodige ! O bonté de Dieu pour les Hommes ! Celui qui siège là-haut à la droite de Dieu le Père, en ce moment même par le ministère du prêtre se donne à ceux qui veulent le saisir, le toucher … »

(Traité sur le sacerdoce 3,4)

 

 

Il va sans dire que Saint Jean Chrysostome traite abondamment et de façon éclairante d’autres aspects, eux aussi très importants, du mystère de la Messe et que nous aurons sans aucun doute l’occasion d’approfondir ultérieurement.

 

Chanoine Jean-Pierre Mondet

 

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