Dieu, la Sainte Trinité
5ème partie
Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique
LIVRE 2
Le Verbe de Dieu fait homme
Chap. 3, « Je suis la lumière du monde, le soleil de la justice. »
Je possédais un jour Jésus dans mon cœur. Je lui offrais mes adorations, mes remerciements et mon amour ; je m’abandonnais à lui tout entière, en lui disant : Seigneur Jésus, voici votre servante.
Aussitôt, je vis une lumière d’un éclat supérieur à toute autre lumière. Est-ce avec les yeux du corps ou de l’âme ? Je ne sais ; mais je l’ai vue, et, malgré son éclat, je n’en ai point été éblouie, car cette lumière était en même temps d’une douceur inexprimable. De son foyer, elle se répandit sur moi, et quand, pour ainsi parler, je fus transformée en cette lumière, ou que je ne fis plus qu’un avec elle, tout disparut à mes regards, je n’aperçus que Jésus qui vint à moi et me releva au moment même où je tombai à ses genoux pour l’adorer. Il me dit :
— Ma fille, je suis la lumière du monde, et je vous donne à cette heure une idée de cette lumière que je suis venu apporter aux hommes. Ma lumière n’éclaire pas seulement les yeux du corps, elle éclaire aussi l’âme, l’esprit et le cœur, et celui qui a une fois bien regardé cette lumière, n’en désire jamais d’autre, parce qu’elle lui suffit, et qu’elle ne le laisse en aucun temps dans les ténèbres.
« Ma lumière produit dans les âmes les mêmes opérations que dans le sein de mon Père, qui est au ciel. Dans le sein de mon Père, ma lumière produit l’intelligence de la Divinité, règle les actes de la Divinité, et embrase de ses feux la Divinité, pour unir éternellement les trois personnes entre elles.
« Ma lumière aussi produit l’intelligence dans l’homme, règle les actes de l’homme, et embrase de ses feux le cœur de l’homme pour l’unir étroitement à Dieu.
« Heureux sont ceux qui reçoivent ma lumière, qui marchent guidés par ma lumière, qui ne veulent d’autre lumière que ma lumière, car ils ont la lumière véritable, la lumière qui ne passera jamais, qui n’aura même jamais d’éclipse pour eux, et qui les éclairera tant qu’ils ne lui fermeront point les yeux.
« Dieu le Père est lumière, Dieu le Fils est lumière, Dieu le Saint-Esprit est lumière. Je suis comme le centre de ces trois lumières, et par moi ces trois lumières n’en font qu’une. Dieu le Père regarde sa lumière dans ma lumière, et Dieu le Saint-Esprit, la lumière du Père dans celle du Fils. Voilà pourquoi je suis appelé la splendeur de la lumière éternelle, l’éclat de la gloire éternelle.
« Mais je ne suis pas seulement splendeur de lumière éternelle, éclat de la gloire éternelle dans la Divinité ; je le suis aussi dans l’humanité.
« J’ai réuni toute la lumière divine dans le corps et l’âme que j’ai pris en mon incarnation, et la force et la puissance de ma divinité l’y ont concentrée et retenue au grand étonnement de la terre et du ciel.
« Le ciel l’apercevait telle qu’il l’aperçoit dans le sein de mon Père ; mais la terre avait les yeux trop voilés pour l’apercevoir. Trois de mes disciples l’ont aperçue, comme vous l’apercevez en ce moment, pendant quelques instants ; mais pour cela j’ai dû les séparer de la terre, comme je vous en ai séparée à cette heure ; j’ai dû fermer leurs yeux à toute autre vue matérielle et terrestre, comme j’ai fermé vos yeux, pour qu’ils ne vissent que ma personne et ma gloire. Voilà comment les hommes me verraient s’ils étaient justes, s’ils étaient purs, s’ils étaient unis à moi.
« Ils me verraient, dès le premier instant où ils jouissent de leur intelligence, me lever à leurs yeux comme un soleil, plein de gloire et de majesté. Ce soleil qu’ils verraient, serait sans orient, ni midi, ni couchant. Il serait toujours sous leurs yeux, et leurs yeux toujours fixés sur ce soleil. Ainsi, pour eux, il n’y aurait pas d’obscurité, mais toujours la lumière, et par cette lumière ils apercevraient, non les beautés de la terre qui passent, mais celles du ciel qui ne passent point. Cette lumière aurait pour eux tant d’éclat et de splendeur, que leurs yeux en seraient, non point éblouis, mais tout pénétrés ; ils s’y attacheraient comme l’enfant au sein de sa mère.
« Combien est petit le nombre de ceux qui cherchent ma lumière, qui marchent à l’éclat de ma lumière, qui se plaisent dans les splendeurs de ma lumière. Vous savez pourquoi, ma fille, le nombre en est si petit ; c’est que je suis la lumière, non du crime et de l’iniquité, mais de la vertu ; c’est que je suis le soleil, non de l’injustice qui sépare de Dieu, mais de la justice qui unit à Dieu.
« C’est avec raison qu’on a comparé le Fils de l’homme au soleil qui éclaire le monde, car je suis le vrai soleil qui fait briller sur les hommes les rayons de sa lumière, qui les bénit par sa chaleur vivifiante et les gouverne et les dirige par ses mouvements. Je suis le soleil du monde, du monde surnaturel, du monde fait pour l’éternité. Je suis l’image de mon Père, bien mieux que le soleil matériel qui vous éclaire ; car celui-ci n’est l’image de Dieu que dans l’esprit des hommes, tandis que je suis l’image réelle, véritable et éternelle de mon Père. Je suis le soleil, non seulement lumière et chaleur du monde, mais le soleil plein d’action qui a fait le monde, et qui le vivifie.
« Quatre mille ans après la création de l’homme, moi, lumière incréée, éternelle, subsistante dans la divinité, lumière de Dieu, lumière qui étais Dieu, j’ai voulu m’unir et m’incorporer à mon humanité, pour manifester par cette humanité le soleil de l’éternelle justice. Je suis venu dans le monde des âmes éclairant tout de ma lumière, ceux qui sont venus avant moi comme ceux qui sont venus après, comme le soleil éclaire tout ce qui est au-dessus et au-dessous de lui.
« Je suis venu, non seulement pour montrer ma lumière, non seulement pour rendre la justice, non seulement pour rappeler Dieu, mais encore pour rendre les hommes participants de mon trône du ciel, participants de ma justice, participants de ma divinité.
« Le soleil matériel éclaire et entretient la vie ; le véritable soleil de justice, qui est le Fils de l’homme, transforme en sa propre lumière et donne sa vie.
« Le soleil matériel brûle, quand il se rapproche trop de la terre ; le vrai soleil de justice, qui est le Fils de l’homme, transforme en lui-même à mesure qu’on se rapproche de lui.
« Le soleil matériel est réfléchi dans l’océan, mais paraît toujours distinct de celui qui le reflète ; le vrai soleil de justice, qui est le Fils de l’homme, ne se reflète pas seulement dans l’âme chrétienne, il habite en elle et la transforme en lui.
« Oui, ma fille, je suis le vrai soleil de justice, et, des hauteurs inaccessibles du sein de mon Père, je descends au plus profond de l’âme des hommes ; des splendeurs de la divinité, je descends dans les ténèbres de l’humanité, pour lui communiquer tout ce qui m’appartient. De même que mon Père, par sa génération éternelle, me communique et sa vie et son existence, de même, par ma génération temporelle, je communique à l’humanité ma divinité et ma lumière. Je m’établis en elle comme un conquérant légitime dans le royaume qu’il a conquis, et je termine et perfectionne l’être créé par le don et la communication de mon être incréé. Or, cette communication, cet établissement, ce don de ma lumière à la créature, ne sont pas pour le temps seulement, ils sont pour l’éternité. Mes dons sont sans repentance ; je donne de bon cœur et je donne pour toujours. Ma lumière est incorruptible, elle est éternelle ; je puis la donner et je la donne réellement pour l’éternité. Comme elle a brillé dans le temps, ainsi elle brillera dans l’éternité ; car dans le ciel il n’y aura jamais – comme il n’y a jamais eu – d’autre lumière que ma lumière.
« Ah ! qui pourra jamais comprendre combien est précieuse pour les âmes la lumière du vrai soleil de justice !
« L’astre qui brille au ciel est si beau, si grand, si prompt dans ses mouvements, si réglé dans sa course, qu’on ne saurait jamais assez admirer cette œuvre du Créateur.
« Combien est plus admirable le vrai soleil de justice ! Sa beauté est la beauté de Dieu, sa grandeur, l’immensité de Dieu ! La promptitude de ses mouvements est incalculable à tout esprit créé, la règle de sa course est invariable et toujours la même et repose sur la volonté divine, qui fait tout ce qui lui plaît.
« L’astre qui brille au ciel l’emporte sur toutes les autres créatures inanimées.
« Quelle créature l’emportera jamais sur le vrai soleil de justice, qui est le Fils de Dieu ?
« L’astre qui brille au ciel est nécessaire au monde pour éclairer le monde, pour le vivifier, pour le féconder.
« Que deviendrait le monde des âmes sans le vrai soleil de justice ? Ténèbres et mort.
« L’astre qui brille au ciel est si ravissant qu’on ne se lasse jamais de le regarder, et que l’homme aveugle est bien malheureux parce qu’il ne jouit pas de sa lumière.
« Quelle beauté surpassera jamais la beauté du vrai soleil de justice, et quel malheur égale celui du pécheur, pauvre aveugle qui ne regarde pas ma lumière ?
« L’astre qui brille au ciel est pour le temps, il a eu un commencement, il aura une fin.
« Le vrai soleil de justice est pour l’éternité ; il brille pour l’âme, il n’a jamais eu de commencement, il n’aura jamais de fin.
« Ah ! ma fille, que la vue de la lumière que vous apercevez à cette heure vous attache toujours au foyer qui la produit, au soleil de justice qui est moi-même. N’ayez plus d’yeux que pour cette lumière, n’ayez plus de chaleur que la chaleur de cette lumière, d’autre fécondité que la fécondité produite par cette lumière, d’autre entretien de votre vie que celui de cette lumière.
« Plaignez les pauvres pécheurs qui marchent loin de moi dans les ténèbres et dans la mort ; attachez-vous à moi, je serai votre lumière et votre vie ; je serai un jour aussi votre récompense. Puisque Dieu a fait votre front pour regarder le ciel en face, n’imitez point ces âmes malheureuses qui, semblables aux animaux sans raison que Dieu a fait inclinés vers la terre, loin de porter en haut leurs regards, les tiennent toujours fixés en bas par leurs pensées, leurs inclinations, leurs désirs, leurs affections. La terre est sous vos pas pour que vous la fouliez aux pieds, le ciel est sous votre regard pour que vous le regardiez sans cesse. Ma fille, je veux être votre ciel, et dans ce ciel je ferai briller mon soleil, et mon soleil vous éclairera par sa lumière, vous réchauffera par sa chaleur et vous revêtira de son éclat. »