En vous écoutant, nous comprenons que si le silence peut être l’absence de parole, il est avant tout l’habitude de celui qui écoute. Ecouter, c’est accueillir l’autre dans son cœur. Salomon, dans le premier livre des rois, ne dit-il pas : « Donne-moi, seigneur, un cœur qui écoute » ? Il ne demande ni la richesse, ni la vie de ses ennemis, ni le pouvoir, mais un cœur silencieux pour écouter Dieu.
26. Le roi Salomon demande à Dieu d’être un homme silencieux, c’est-à-dire un véritable enfant de Dieu. Il ne veut ni la richesse, ni la gloire, ni la victoire sur l’ennemi, mais un cœur qui écoute. Dans un mouvement inverse, le monde moderne transforme celui qui écoute en a un être inférieur. Avec une funeste arrogance, la modernité exalte l’homme ivre d’images et de slogan brouillant, tuant l’homme intérieur.
27. La règle du Carmel prescrit d’éviter « avec grand soin de parler beaucoup … car l’abondance de paroles ne va pas sans péché ». En effet, l’apôtre Saint Jacques montre combien est importante la mortification de la langue : « Si quelqu’un ne comme pas d’écart de paroles, c’est un homme parfait, il est capable de réfréner tout son corps. Quand nous mettons aux chevaux un mors dans la bouche, pour nous en faire obéir, nous dirigeons tout leur corps. Vous voyez encore les vaisseaux : si grand qu’ils soient, même poussés par des vents violents, ils sont dirigés par un tout petit gouvernail, au gré du pilote. De même la langue est un membre minuscule et elle peut se glorifier de grandes choses ! Voyez quel petit feu embrase une immense forêt : la langue aussi est un feu. C’est le monde du mal, cette langue placée parmi nos membres : elle souille tout le corps ; elle enflammé le cycle de la création, enflammée qu’elle est par là géhenne. Bêtes sauvages et oiseaux, reptiles et animaux marins de tout genre sont domptés et ont été domptés par l’homme. La langue au contraire, personne ne peut la dompter : c’est un fléau sans repos. Elle est pleine d’un venin mortel. Par elle nous bénissons le Seigneur et Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi. » (Jc, 3, -2-10)
Saint-Jacques compare la langue à la barre d’un bateau. C’est un petit morceau de bois qui permet de diriger toute l’embarcation. L’homme qui tient sa langue contrôle sa vie, comme le marin maîtrise le navire. À l’inverse, l’homme qui parle trop est un bateau ivre. En effet, le bavardage, cette tendance malsaine à extérioriser tous les trésors de l’âme en les exposant à temps et à contretemps, est souverainement nuisible à la vie spirituelle. Son mouvement part dans la direction inverse de celle de la vie spirituelle qui s’intériorise et s’approfondi sans cesse pour se rapprocher de Dieu.
28. Nous devons apprendre, dit Thomas Merton, que l’inviolabilité de notre sanctuaire spirituel, du centre de notre âme, dépend de notre discrétion. La discrétion est le complément intellectuel d’une intention pure de garder secrète toutes les bonnes choses, même vis-à-vis de soi-même. Si nous voulons trouver Dieu au fond de notre âme, il faut laisser tout le monde dehors, y compris nous-mêmes. Il est désastreux, si nous voulons trouver Dieu dans nos âmes et y demeurer avec
Lui, d’essayer de le communiquer aux autres tel que nous le voyons. Nous pourrions le faire plus tard avec la grâce qu’il nous donne en silence, et par le rayonnement et la transparence de notre vie.
Le vrai témoignage s’exprime par l’exemple silencieux, pur et rayonnant de la sainteté de notre vie.
[…]
31. […] Saint Ignace d’Antioche appelait les prêtres à exhorter les chrétiens à vivre en accord avec les pensées de Dieu, car Jésus-Christ, notre vie, dont nous ne pouvons être séparés, est la pensée du Père, comme aussi les évêques, établis sur toute la terre, représentent la pensée de Jésus Christ. C‘est une grave responsabilité pour chaque évêque d’être et de représenter la pensée du Christ. Les évêques qui gardent les brebis que Jésus leur a confiées seront impitoyablement et sévèrement jugés par Dieu.
32. […] Celui qui possède la parole De Jésus Christ peut vraiment entendre son silence même, afin d’être parfait, pour agir en parlant et se faire connaître en gardant le silence. Rien n’échappe au Seigneur et jusqu’à nos secrets sont près de lui. Faisons donc toutes choses en pensant qu’Il habite en nous, au point que nous sommes cet ensemble et qu’Il est en nous, Lui, notre Dieu ; Il est vraiment, et il apparaîtra devant notre face si nous avons pour Lui une juste charité. Ne vous y trompez pas, mes frères, ceux qui corrompent les familles n’hériteront pas du Royaume de Dieu. Si ceux qui agissaient ainsi selon la chair ont été mis à mort, combien plus celui qui corromprait par une mauvaise Doctrine la foi de Dieu, pour laquelle Jésus Christ a été crucifié ! Celui qui s’est ainsi souillé ira au feu qui ne s’éteint pas et pareillement celui qui l’écoute.
34. […] Le silence a partie liée à la foi en Dieu. Loin de l’agitation et des faux-semblants, il faut se jeter silencieusement dans les bras de Dieu. […] Notre avenir est dans les mains de Dieu et non dans l’agitation bruyante des négociations humaines, même si ces dernières peuvent paraître utiles. Aujourd’hui encore, nos stratégies pastorales sans exigence, sans appel à la conversion, sans un retour radical à Dieu, sont des chemins qui mènent au néant.
37. Dans l’église, sans sous-estimer l’œuvre des missionnaires et le mérite de leur sacrifice, ce sont les moines et les moniales qui représentent la plus grande force spirituelle. Les contemplatifs sont la plus grande force évangélisatrice et missionnaire, l’organe le plus important et le plus précieux, qui transmet la vie et maintient dans tout le corps l’énergie essentielle. Dieu choisit des personnes à qui Il confie la mission de consacrer leur existence à la prière, à l’adoration, à la pénitence, aux souffrances et aux sacrifices quotidiens, assumés au nom de leur frère, pour la gloire de Dieu, afin de compléter dans leur chair ce qui manque aux tribulations du Christ pour son corps, qui est l’Eglise. Ce sont des êtres de silence. Ils sont constamment devant Dieu. La nuit comme le jour ils chantent la louange de son nom, pour l’Eglise et l’humanité. Nous ne les entendons pas car ils contemplent l’Invisible et ils portent l’œuvre de Dieu.
38. Les hommes et les femmes qui prient dans le silence, dans la nuit et dans la solitude, sont les piliers porteurs de l’église du Christ. […]
39. Depuis sa renonciation, Benoît XVI est à l’image des moines, replié dans le silence d’un monastère des jardins du Vatican. Comme les contemplatifs, il est au service de l’Eglise en consacrant ses dernières forces, et l’amour de son cœur, à prier, contempler et adorer Dieu. Le pape émérite se tient devant le Seigneur pour le salut des âmes et pour la seule gloire de Dieu.
41. Le Christ a vécu 30 ans dans le silence. Oui, pendant sa vie publique, il s’est retiré dans le désert pour écouter et parler avec le Père. Le monde a un besoin vital des hommes qui partent dans le désert. Car Dieu parle dans le silence.
42. C’est un travail difficile, ardent et aride que de se taire, en maîtrisant ses lèvres et sa langue. Mais il faut nous enfuir toujours plus dans les réalités intérieures qui peuvent façonner utilement le monde. L‘homme doit se tenir silencieusement devant Dieu et lui dire : Dieu, puisque tu m’as donné la connaissance et le désir de la perfection, conduis-moi toujours vers l’absolu de l’amour. Fait que je T‘aime toujours davantage, car Tu es un artisan sage qui ne laisse aucune œuvre inachevée, dès lors que l’argile de la créature ne te pose pas obstacle et refus. Je me livre sans parole à toi, Seigneur. Je veux être docile et malléable comme l’argile en tes mains d’habile et bienveillant potier.
Un avis sur « Cardinal Sarah et le silence – 4 : Le Silence est avant tout l’attitude de celui qui écoute »