De l’Adoration du Christ dans l’Eucharistie
jusqu’à le servir dans les pauvres
Partie 2
Par Sœur Joseph, missionnaire de la Charité
- L’Eucharistie et les Pauvres
Est-il aisé de voir Jésus dans l’Eucharistie et dans les Pauvres ? Jésus peut nous échapper. Il nous faut un cœur pur pour voir Dieu, et un cœur pur est un cœur pauvre et humble. Et un cœur pur peut voir Dieu.
Jésus dans l’Eucharistie attire les Pauvres. Nous voyons souvent que Jésus se montre aux Pauvres. À Calcutta nous sommes en Adoration toute la journée dans une église proche de la plus grande gare routière et du plus grand marché de la ville. Des personnes de tous genres et de toutes religions entrent dans l’église et s’assoient devant le Saint-Sacrement. Presque tous disent « J’ai reçu la paix ». Quelques-uns trouvent la guérison et reçoivent des grâces. Une femme atteinte de troubles mentaux vint s’asseoir au premier rang avec un grand sac contenant tous ses biens. Elle était hindoue. Lorsque nous lui avons dit que nous avions besoin de la place pour les sœurs pour l’Office Divin, elle ne bougea pas « Laissez-moi, je parle à ce grand docteur ». Personne ne lui a jamais appris quoi que ce soit sur le Saint-Sacrement.
Quelquefois, nous qui sommes privilégiées d’avoir Jésus Eucharistie sous le même toit, nous risquons de nous habituer à Lui. Alors c’est l’attitude des autres qui nous stimule dans notre foi… Une femme appela notre couvent de Vancouver et dit « Je suis témoin de Jéhovah et récemment j’ai reçu un fort appel intérieur à rejoindre l’Église Catholique, puis-je venir vous voir ? » Elle vint. Alors que je marchais devant elle, en direction du tabernacle, pensant à la façon de lui expliquer la bougie rouge, etc. Elle poussa soudain un cri et courut à l’extérieur de l’église. Je courus aussi pour voir ce qu’il se passait et elle s’exclama : « Dieu est à l’intérieur, Dieu est à l’intérieur ».
Dans notre travail de l’accueil des patients atteints du sida, nous nous arrêtons toujours devant la chapelle avant de nous rendre à l’endroit où ils résident. Je me souviens de Kenneth, un homme grand, d’une remarquable beauté, à peine avait-il passé la tête par la porte de la chapelle, qu’il s’exclamait : « Ouah ! La première chose que je veux faire est de devenir catholique ». Nous ne prêchons pas à ces hommes, ils en parlent entre eux. Kenneth était un homme ignorant mais de grande foi. Il donna un puissant témoignage aux autres.
J’ai remarqué également que les jeunes qui ont vécu avec puissance l’amour miséricordieux de Dieu, semblent poussés de l’intérieur à passer du temps en Adoration.
Jésus s’identifie aux Pauvres. Pourquoi Jésus peut-Il, pendant l’Eucharistie, s’unir aux Pauvres comme une irradiation de lumière ? Parce que Jésus est Le plus pauvre de tous dans l’Eucharistie et ceux qui n’ont rien à perdre se sentent bien en sa présence. Jésus s’identifie à eux par son choix délibéré d’être là, n’attirant pas notre attention, permettant à chacun de Le recevoir, de Le tenir et de Le délaisser. Il peut être rejeté, insulté, que sais-je, et c’est ainsi qu’est la condition des Pauvres de ce monde.
D’une certaine façon, il semble que les transgressions envers le Saint Corps et le Précieux Sang de Jésus soient liées à celles envers son Corps dans les Pauvres. Dans la mesure où le Christ n’a sur cette terre aucune institution pour s’occuper des plus petits, Il a choisi de nous appeler pour cela. Puisqu’Il ne peut plus souffrir dans sa sainte Humanité ici-bas, Il choisit de souffrir maintenant dans les Pauvres. Cette souffrance rédemptrice demeurera jusqu’à la fin des temps. Comme si dans cette union avec le Pauvre souffrant, Jésus subit chaque insulte et outrage possibles dans l’Eucharistie.
Dans notre maison pour les mourants à Calcutta, où nous donnons le bain à nos patients très malades, il est écrit sur le mur en grandes lettres « LE CORPS DU CHRIST » de telle sorte que les sœurs et les bénévoles puissent se rappeler qu’en touchant le corps brisé des Pauvres, ils touchent le Corps brisé du Christ. Notre Mère prêcha partout son évangile avec les mains pour accomplir la parole de Jésus : « Tu me l’as fait à Moi ». Si nous servons les Pauvres sans abri, les indigents mourants, les filles mères, les prostituées, les drogués, les abandonnés, les enfants abusés, nous servons le Christ qui disait « Le peu que vous faites à mes frères, c’est à Moi que vous le faites ».
Jésus dit à notre Mère combien Il souffrait de voir tous ces enfants souillés par le péché. Que pourrait-il dire des jeunes d’aujourd’hui ? Lors de la visite d’une prison au Canada, nous avons rencontré un homme de 22 ans qui avait abusé à plusieurs reprises de jeunes filles. Une des filles décéda à la suite de ses violences et il fut emprisonné à vie. « Mes sœurs, je mérite d’être ici. J’ai fait beaucoup de mal. Si quelqu’un dans ma vie m’avait dit les magnifiques choses que vous m’enseignez maintenant, ma vie aurait pu être si différente. »
- Le Christ rayonnant
Après chaque Sainte Communion, notre Mère récitait la superbe prière que nous avons récitée au début. Pour moi, c’est un rayon du cœur et de l’âme de notre Mère. Elle permet à Jésus d’insuffler, par la prière, ce qu’elle demande. Cette prière est aussi notre appel quotidien. C’est un peu comme un programme général ou un manuel de travail.
Notre mère peut dire comme Saint Paul « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi ». Elle assimile le Christ dans l’Eucharistie avec le Christ dans les Pauvres. Elle le répétait sans cesse. « C’est le même Jésus ». Elle poursuivait en disant « Jésus est Dieu, Jésus ne peut mentir ». Après sa mort, nous avons découvert que Jésus la plongeait dans une nuit de la foi par rapport à l’Eucharistie mais Il se révélait à elle à travers les Pauvres. Jésus l’a accompagnée dans l’obscurité de sa foi et l’a remplie d’une joie rayonnante qu’elle n’a pas ressentie mais qui a tant fortifié les autres.
Dans les premières semaines de ma vie religieuse, j’attendais la visite de Mère. Je voulais lui dire « Je ne veux pas rentrer à la maison. Mais pour être honnête, je dois vous dire que peut être je ne m’intègre pas bien parce que je n’éprouve pas cet amour enthousiaste pour Jésus que je vois chez les autres postulantes ». Quand je me suis assise près de notre Mère, avant que je puisse prononcer un mot, elle me regarda droit dans les yeux et me dit « Le seul à vouloir que tu rentres chez toi est le diable ». « Mais Mère, je ne ressens … » Puis elle dit « l’amour est dans la volonté pas dans les sentiments » Le monde entier aujourd’hui a besoin d’entendre ces mots.
Ainsi notre Mère allait de l’avant, emplie de Jésus, pour le servir. L’épanouissement de notre Mère dans la prière devint visible et tangible. Elle répandait ce parfum de Jésus. Elle faisait briller Sa lumière partout. En sa présence, les gens avaient le sentiment d’être en présence de Dieu, même si notre Mère était dans une obscurité spirituelle absolue. Il brillait à travers elle.
Un jeune homme vint à notre porte et dit : « Venant vers votre chapelle aujourd’hui, j’ai rencontré une jeune femme qui m’a salué. Elle était bien aimable, mais ma Sœur, il y avait autre chose. J’ai vu une sorte de beauté que je n’avais jamais vue auparavant. Cela semblait venir de l’intérieur. Puis je dis « Oui, elle venait de son heure d’Adoration ». Se pourrait-il que nous rayonnions aussi le Christ quand nous quittons la chapelle, comme cette jeune femme ?
Nous ne pouvons certainement pas tous être la Bienheureuse Teresa de Calcutta. Nous ne pouvons pas nous rendre dans tous les endroits de pauvreté, mais nous pouvons faire quelque chose. Nous pouvons nous joindre à Jésus présent dans l’Eucharistie. Il va saisir notre présence pour briller sur nous, en nous, à travers nous, à cause de nous, sur le monde entier. Pensez-y. C’est le seul endroit où nous pouvons atteindre l’éternité, le paradis et Dieu lui-même. Lui consacrer du temps est essentiel car nous ne pouvons donner ce que nous n’avons pas.
Un prêtre dit à Mère Teresa : « Depuis que j’ai quitté le sacerdoce, j’ai tellement de temps pour les Pauvres et je peux maintenant faire davantage pour eux ». Notre Mère lui a répondu : « Avant vous pouviez leur donner Jésus, maintenant, vous ne pouvez leur donner que vous-même. »
Nos communautés sont destinées à témoigner de l’amour divin à l’humanité toute entière. Si nous vivons sincèrement notre Eucharistie, cela débordera en amour fraternel. Sr Nirmala, co-fondatrice avec Mère de notre branche contemplative, définit ainsi la contemplation pour les Missionnaires de la Charité : « voir Jésus chez l’autre avec les yeux de Marie ». Ainsi grâce à Marie, nous devenons moins attentifs à leurs fautes, plus compréhensifs et plus compatissants, et bien plus aptes à voir la beauté chez l’autre.
A suivre (…)