ASDE 03 : Grandeur de la vie ordinaire – St José-Maria (partie 2b, fin)

Grandeur de la vie ordinaire

Partie 2b

De saint Josemaria Escriva

Extraits du 1er livre posthume

Amis de Dieu

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Je voyageais fréquemment pendant la guerre civile d’Espagne pour offrir mes services sacerdotaux à beaucoup de garçons qui se trouvaient au front. J’ai entendu dans une tranchée un dialogue qui est reste grave en moi. Près de Teruel, un jeune soldat disait d’un autre, apparemment quelque peu indécis, pusillanime : « ce n’est pas un homme tout d’une pièce » ! J’éprouverais une immense tristesse si l’on pouvait affirmer avec raison de l’un de nous qu’il est incohérent ; un homme qui affirme vouloir être vraiment chrétien, saint, mais qui en méprise les moyens, puisqu’il ne témoigne pas continuellement à Dieu son affection et son amour filial dans l’accomplissement de ses obligations. Si telle était notre façon d’agir, nous ne serions pas non plus, ni toi ni moi, des chrétiens faits tout d’une pièce.

 

Essayons de faire naître au fond de notre cœur un désir ardent, un grand souci de l’atteindre la sainteté, bien que nous nous voyions pleins de misères. N’en ayez pas peur ; à mesure qu’on avance dans la vie intérieure, on perçoit ses défauts personnels avec plus de netteté. Ce qui se passe, c’est que l’aide de la grâce produit l’effet de verres grossissants ; le plus petit tas de poussière, le petit grain de sable quasi imperceptible y apparaissent avec des dimensions gigantesques, parce que l’âme acquiert la finesse divine ; la plus petite ombre en vient même à déranger la conscience, qui n’apprécie que la pureté de Dieu. Dis-Lui maintenant, du fond de ton cœur : Seigneur, je veux vraiment être saint, je veux vraiment être un de Tes disciples, digne de Toi, et Te suivre sans conditions. Et tu dois te proposer tout de suite l’intention de renouveler chaque jour les grands idéaux qui t’animent à cet instant.

 

Jésus, si nous étions persévérants, nous qui nous réunissons en ton Amour ! Si nous arrivions à traduire dans des œuvres ces désirs véhéments que Tu éveilles Toi-même dans notre âme ! Demandez-vous très fréquemment : pourquoi suis-je sur terre ? Et vous reviendrez ainsi à l’accomplissement parfait, imprégnée de charité, de vos tâches de chaque jour, et au soin des petites choses. Nous nous souviendrons de l’exemple des saints: des personnes comme nous, de chair et d’os, avec leurs faiblesses et leurs défaillances, qui ont su vaincre et se vaincre par amour de Dieu; nous considérerons leur conduite et, comme les abeilles qui distillent de chaque fleur le nectar le plus délicieux, nous tirerons profit de leurs luttes, Nous apprendrons aussi, vous et moi, à découvrir bien des vertus chez ceux qui nous entourent — ils nous donnent des leçons de travail, d’abnégation, de joie… —, et nous ne nous attarderons pas trop à leurs défauts, sauf lorsque ce sera indispensable, afin de les aider par la correction fraternelle.

 

Comme Notre Seigneur, moi aussi j’aime beaucoup parler de barques et de filets de pêche pour que nous retirions tous, de ces scènes évangéliques, des résolutions fermes et déterminées. Saint Luc nous raconte que des pêcheurs lavaient et raccommodaient leurs filets sur les rives du lac de Génésareth. Jésus s’approche de ces barques amarrées au rivage et monte dans l’une d’elles, celle de Simon. Avec quel naturel le Maître s’introduit dans la barque de chacun de nous ! Pour nous compliquer la vie, ainsi que certains le répètent en se plaignant. Le Seigneur nous a croises, vous et moi, sur notre chemin, pour nous compliquer la vie, délicatement, tendrement.

 

Après avoir prêché dans la barque de Pierre, Il s’adresse aux pêcheurs : « duc in altum, et laxate retia vestra in capturam ! », avancez en eau profonde, et lâchez vos filets! Pleins de confiance en la parole du Christ, ils obéissent et ils obtiennent cette pêche prodigieuse ! Et regardant Pierre qui, tout comme Jacques et Jean, n’en revenait pas, le Seigneur lui explique : « Rassure-toi : désormais ce sont des hommes que tu prendras. Alors, ramenant leurs barques à terre et laissant tout, ils Le suivirent ».

 

Ta barque — tes talents, tes aspirations, tes réussites — ne vaut rien, à moins que tu ne la mettes à la disposition de Jésus-Christ, que tu ne Lui permettes d’y entrer librement, que tu n’en fasses pas une idole. Toi seul, avec ta barque, si tu te passes du Maître, tu iras droit au naufrage, d’un point de vue surnaturel. Tu ne seras à l’abri des tempêtes et des revers de la vie que si tu admets, si tu recherches la présence et la providence du Seigneur. Remets tout entre les mains de Dieu : fais que tes pensées, les heureuses aventures dont tu rêves, tes ambitions humaines nobles, tes amours passent par le cœur du Christ. Autrement, tôt ou tard, toutes ces choses couleront à pic à cause de ton égoïsme.

 

Si tu consens à ce que Dieu soit le Maître de ton navire, qu’Il le commande, quelle sécurité !…, même quand Il semble absent, qu’Il reste endormi, qu’Il ne se soucie pas de nous, et que la tempête se lève au milieu des ténèbres les plus obscures, Saint Marc rapporte que les Apôtres se trouvaient dans des circonstances semblables; et Jésus, « les voyant s’épuiser à ramer, car le vent leur était contraire, vers la quatrième veille de la nuit vint vers eux en marchant sur la mer… Rassurez-vous, c’est moi, n’ayez pas peur. Puis Il monta auprès d’eux dans la barque et le vent tomba. ».

 

Mes enfants, il se passe tant de choses sur la terre… ! Je pourrais vous parler de peines, de souffrances, de mauvais traitements, de martyres — je n’en retire pas un mot —, et de l’héroïsme de bien des âmes. A nos yeux, selon notre entendement, nous avons parfois l’impression que Jésus dort, qu’Il ne nous entend pas ; mais saint Luc raconte comment le Seigneur se comporte avec les siens : « tandis qu’ils les disciples naviguaient, Il s’endormit, Une bourrasque s’abattit alors sur le lac; ils faisaient eau et se trouvaient en danger. S’étant donc approchés, ils Le réveillèrent, en disant: Maître, Maître, nous périssons! Et Lui, s’étant réveillé, menaça le vent et le tumulte des flots. Ils s’apaisèrent et le calme se fit. Puis Il leur dit : Où est votre foi ? »

Si nous nous donnons, Il se livre à nous. Il faut avoir une entière confiance dans le Maître ; il faut s’abandonner entre ses mains, sans lésiner ; Lui montrer, par nos œuvres, que la barque est bien à Lui, que nous voulons qu’Il dispose à sa guise de tout ce qui nous appartient.

 

Je termine, en recourant à l’intercession de Sainte Marie, en prenant la résolution de vivre de foi ; de persévérer, pleins d’espérance ; de rester attachés à Jésus-Christ ; de L’aimer vraiment, vraiment, vraiment ; de parcourir et de savourer notre aventure d’Amour, car nous sommes épris de Dieu ; de laisser le Christ entrer dans notre pauvre barque et de Le laisser en Maître et Seigneur, prendre possession de notre âme; de Lui montrer sincèrement que nous nous efforcerons de nous maintenir toujours, nuit et jour, en sa présence parce qu’il nous a appelés à la foi: « ecce ego quia vocasti me ! me voici parce que tu m’as appelé ! », et nous venons à son bercail, attirés par sa voix et par ses sifflements de Bon Pasteur, sûrs que nous ne trouverons le vrai bonheur temporel et éternel qu’abrités sous son ombre.

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