La vocation particulière de Mère Teresa,
Fondatrice des Sœurs Missionnaires de la Charité
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Comme vous l’avez constaté depuis le 1er numéro de « Au Souffle de l’Esprit », nous n’hésitons pas à vous faire part des manifestations surnaturelles dont le Ciel nous fait bénéficier. Restant prudent en la matière et bien que nous prenions la liberté de donner en quelque sorte la parole à des témoins estimés dignes de confiance mais sur lesquels l’autorité ecclésiastique ne s’est pas toujours prononcée, nous nous efforçons de puiser essentiellement les enseignements auprès de témoins, membres à part entière de l’Eglise.
Nous considérons qu’il est regrettable que l’Eglise, au travers de ses ministres, ne nous fasse pas profiter de tout ce qui peut élever notre âme vers notre Père du Ciel en suscitant en nous des sentiments de foi, d’espérance et de charité. Les récits sur la vie des Saints, les écrits qu’ils ont pu nous laisser, sont de nature à y contribuer. Et dans ceux-ci, nombreux sont les exemples où le Père, Notre Seigneur Jésus-Christ et sa Sainte Mère ont laissé des enseignements, des conseils ou des directives déterminées.
Mère Teresa, dont nous avons déjà parlé dans deux précédents numéros, fait partie de ces figures récentes qui ont marqué de leur empreinte la vie de l’Eglise. L’action qu’elle a menée en Inde n’est plus à présenter mais qui sait que l’œuvre qu’elle a entreprise est d’inspiration divine et qu’elle n’a fait, en définitive, que répondre à une demande du Ciel. Nous reprenons ci-après la lettre adressée à l’évêque de Calcutta, Mgr Périer, dans laquelle elle lui explique de manière simple et directe ce que Dieu, croyait-elle, attendait d’elle. Mais avant cela, il est nécessaire de présenter succinctement les circonstances qui l’ont amené à entreprendre cette démarche. Faisons donc plus amplement connaissance avec Gonxha Agnes Bojaxiu, future Mère Teresa.
Le 26 septembre 1928, à dix-huit ans, elle quitte son Albanie natale pour l’Irlande afin de rejoindre l’Institut de la Bienheureuse Vierge Marie (les sœurs de Notre-Dame de Lorette), une congrégation de religieuses non cloîtrées qui se consacraient principalement à l’éducation. Mais son désir est d’être missionnaire au Bengale dans l’espoir de sauver de nombreuses âmes.
Elle prend le bateau et arrive en Inde le 6 janvier 1929. Pendant sa traversée de la Méditerranée, la jeune missionnaire zélée écrivit à ses proches : « Priez pour votre missionnaire, afin que Jésus l’aide à sauver des ténèbres de l’incroyance le plus possible d’âmes immortelles. »
Elle commença alors son noviciat. La première année mettait l’accent sur la formation spirituelle de la novice, en se concentrant sur la prière et la spiritualité de l’ordre tandis que la deuxième insistait sur la mission de l’Institut et prévoyait un apprentissage de ses travaux apostoliques. Son désir de se consacrer à Dieu devenait réalité. Elle confia à une amie :
« Si tu savais combien je suis heureuse, en tant que petite épouse de Jésus. Je ne pourrai envier personne, pas même ceux qui jouissent d’un bonheur en apparence parfait dans le monde, parce que moi, je goûte un bonheur complet, même lorsque j’endure une souffrance pour l’Epoux bien-aimé. »
Et plus tard :
« La chaleur de l’Inde est tout simplement torride. Lorsque je marche, il me semble qu’il y a un feu sous mes pieds dont mon corps brûle tout entier. Dans les moments les plus difficiles, je me console à la pensée que cela sauve des âmes et que mon cher Jésus a souffert bien plus pour elles… »
La vie d’une missionnaire n’est pas semée de roses, mais plutôt d’épines. Malgré tout, c’est une vie pleine de bonheur et de joie lorsqu’elle pense qu’elle accomplit le même travail que Jésus lorsqu’Il était sur terre, et qu’elle accomplit le commandement de Jésus : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples. »
Les ténèbres comme compagne
La plupart du temps, elle ne jouissait pas de la lumière et de la consolation de la présence sensible de Dieu plutôt qu’elle s’efforçait de vivre par la foi, se livrant avec amour et confiance au bon plaisir de Dieu. Elle avait tant progressé dans la voie de cet amour qu’elle était capable de dépasser sa peur de souffrir.
« Plus la charité augmente dans le cœur, plus la crainte des souffrances diminue, et celle du péché augmente, sans affaiblir la confiance » – Père Reginald Garrigou-Lagrange.
Les ténèbres intérieures font partie intégrante de la tradition mystique catholique. En réalité, elles furent une expérience commune à de nombreux saints qui connurent ce que Saint Jean de la Croix appelait la « nuit obscure ». Il désigne ainsi le douloureux processus de purification qui précède l’union à Dieu et conduit à la prière contemplative. Alors que Dieu lui communique Sa lumière et Son amour, l’âme dans son imperfection, est incapable de les recevoir et perçoit comme obscurité, douleur, sécheresse et vide. Même si ce vide et cette absence de Dieu ne sont qu’apparents, ils sont d’une grande source de souffrance. Mais si cet état est bien la « nuit des sens » et non fruit de la médiocrité, de la paresse ou de la maladie, l’individu continue à accomplir ses devoirs avec fidélité et générosité, sans abattement, inquiétude égocentrique ou désordre émotionnel. Même s’il n’éprouve plus de consolation, l’individu est animé d’un formidable désir de Dieu et il croît en amour, humilité, patience et autres vertus.
Après avoir traversé cette première nuit, il peut être entraîné par Dieu dans la « nuit de l’esprit » pour qu’y soient extirpés les racines les plus profondes de ses imperfections. Cette purification s’accompagne d’un état d’extrême aridité où il se sent rejeté et abandonné par Dieu. L’expérience peut être d’une intensité telle que l’individu se voit sur le chemin de la perdition éternelle, et elle est d’autant plus déchirante que l’individu ne désire que Dieu et Lui voue un amour immense tout en étant incapable de s’en apercevoir. Les vertus de foi, d’espérance et de charité sont rudement mises à l’épreuve. La prière devient difficile, presque impossible. Les conseils spirituels sont pratiquement vains et diverses afflictions extérieures peuvent s’ajouter à cette souffrance. Grâce à cette douloureuse purification, le disciple atteint un détachement absolu de toutes les choses créées et un haut degré d’union avec le Christ, il devient un instrument entre Ses mains et il Le sert d’un cœur pur et désintéressé.
Il n’est pas surprenant que sœur Teresa, qui était déjà une âme exceptionnelle, ait été purifiée dans le « creuset » de ces souffrances mystiques. En choisissant d’affronter ce tourment avec confiance, abandon et désir inébranlable de plaire à Dieu, tout en faisant preuve d’une fidélité remarquable dans ses devoirs religieux, elle esquissait déjà le modèle de ce que serait sa réponse lors d’une épreuve plus intime encore.
Sainte Thérèse de Lisieux fait partie de ces saints qui ont connu et vécu cette « nuit de ténèbres », de même que Padre Pio dans les premières années de sa vie religieuse.