Fruits de l’adoration : Grâces personnelles (2) – (ASDE 07)

FRUITS DE L’ADORATION

P. Florian Racine

 

GRACES PERSONNELLES (2)

 

Rendre « amour pour amour » à Jésus. Saint Pierre-Julien Eymard disait : « J’ai souvent réfléchi sur les remèdes à cette indifférence universelle qui s’empare d’une manière effrayante de tant de catholiques, et je n’en trouve qu’un : l’Eucharistie, l’amour à Jésus Eucharistique. La perte de la foi vient de la perte de l’amour ». L’Eucharistie est le don du Cœur Sacré de Jésus qui va « jusqu’au bout de l’amour » (Jn 13, 1). Jésus manifeste son Cœur aux hommes ; car, les voyant si pauvres en amour, il voulait les enrichir des trésors du Cœur de Dieu. Pour cela, il institue l’Eucharistie, invention de l’amour. Là, Jésus brûle du désir d’être aimé. Son Cœur est « une source intarissable », « une ardente fournaise » (Sainte Marguerite-Marie. Autobiographie, n. 55 et 56). Saint Eymard disait encore : « Au Saint Sacrement, il ne peut être plus aimant ! Et cependant, il n’est pas aimé. Son amour n’est pas apprécié. Il n’est même pas connu, et de très peu des siens même. Il a de bons serviteurs apostoliques, quelques pieux adorateurs de service. Mais qu’il a peu d’épouses ! Même qu’il a peu d’amis, qui le visitent par affection, qui conversent par le cœur, qui sont dévoués pour lui purement ! (Saint Pierre-Julien Eymard, Œuvres complètes, NR 44, 133).

 

En venant adorer fidèlement, le paroissien fait une rencontre authentique dans la foi avec le Christ ressuscité. Il devient disciple de Jésus, selon son invitation : « mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29). Aujourd’hui, Jésus demeure au Saint-Sacrement non seulement pour que nous ayons le même privilège de le rencontrer dans sa personne divine, à l’instar des apôtres qui avaient l’opportunité de le côtoyer tous les jours. Mais plus encore, dans le sacrement de son Amour, Jésus attend de chacun les mêmes élans d’amour, la même affection, les mêmes sentiments, les mêmes dispositions intérieures qu’il reçut des saintes femmes de l’évangile ou des disciples se laissant former par le bon maître. Dans l’Eucharistie, Dieu se donne sans mesure. Il nous invite à la réciprocité, c’est à dire à aimer en retour, de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force, Jésus dans sa personne divine, qui se rend corporellement présent à nous. Il est le premier pauvre, le premier qui mérite notre amour, le seul qui mérite tout notre cœur…

 

Comme soulignait le pape Jean-Paul II, « la présence de Jésus dans le tabernacle doit constituer comme un pôle d’attraction pour un nombre toujours plus grand d’âmes pleines d’amour pour lui et capables de rester longuement à écouter sa voix et à entendre presque les battements de son cœur » (Jean-Paul II, Lettre apostolique ‘Mane Nobiscum Domine’, n. 18, 2004). Ecouter ce cœur, c’est rechercher la volonté de Dieu. Dans l’adoration eucharistique, l’adorateur apprend à faire, non plus « sa volonté pour Dieu », mais « la volonté de Dieu ». Chacun doit vivre cette conversion de la volonté.

 

Trop souvent, les chrétiens se dépensent généreusement dans beaucoup de services qu’ils ont choisis, mais se découragent vite, car ils ont fait leur volonté pour Dieu. Avant d’agir, il faut se mettre à genoux, pour recevoir de Dieu, non seulement sa volonté, mais aussi la force de l’accomplir avec persévérance. Plus encore, l’adorateur apprend à se décentrer de lui-même pour se centrer sur le Christ et sur sa Parole. Adorer silencieusement, c’est apprendre à dire : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 S 3, 9) plutôt que « écoute Seigneur, ton serviteur parle » ! Aussi, la prière est un puissant rempart contre les tentations quotidiennes : « Priez pour ne pas entrer en tentation » (Mc 14, 37).

 

Les sacrements et la messe : Parmi les fruits personnels, soulignons maintenant ceux qui renouvellent les dispositions intérieures pour s’approcher dignement des sacrements et en recevoir les bienfaits. Benoît XVI rappelle le lien intrinsèque entre la messe et l’adoration eucharistique. Il écrit : « L’adoration eucharistique n’est rien d’autre que le développement explicite de la célébration eucharistique, qui est en elle-même le plus grand acte d’adoration de l’Église. Recevoir l’Eucharistie signifie se mettre en attitude d’adoration envers Celui que nous recevons. C’est ainsi, et seulement ainsi, que nous devenons un seul être avec Lui et que nous goûtons par avance, d’une certaine façon, la beauté de la liturgie céleste. L’acte d’adoration en dehors de la Messe prolonge et intensifie ce qui est réalisé durant la Célébration liturgique elle-même. En fait, ce n’est que dans l’adoration que peut mûrir un accueil profond et vrai. Et c’est bien par cet acte personnel de rencontre avec le Seigneur que mûrit ensuite la mission sociale qui est renfermée dans l’Eucharistie et qui veut briser les barrières non seulement entre le Seigneur et nous, mais aussi et surtout les barrières qui nous séparent les uns des autres » (Benoît XVI, Exhortation Apostolique, ‘Sacramentum Caritatis’, n. 66, 2007).

 

L’expérience des paroisses adoratrices révèle qu’en adorant le Saint-Sacrement, les paroissiens apprennent non seulement à discerner, au-delà des apparences du pain, la présence réelle du Seigneur. Mais aussi, ils prennent conscience de la présence efficiente du Sacrifice de la Croix, rendue présente à chaque messe. Ainsi, en se prosternant longuement devant la sainte Hostie, les adorateurs ne pourront approcher la sainte communion sans une sainte révérence et une profonde adoration. Aussi, ils ne pourront réduire la célébration eucharistique à un simple banquet. En d’autres mots, adorer le Saint-Sacrement permet de vivre plus intensément l’Eucharistie dans toutes ses dimensions.

 

Mgr Ruben T. Profugo, évêque de Lucena aux Philippines témoigne : « Dans mon diocèse, l’assistance à la messe s’est accrue visiblement non seulement le dimanche mais aussi pendant la semaine. Beaucoup sont revenus aux sacrements grâce à l’adoration perpétuelle eucharistique. Il y a un lien très fort entre l’adoration et la messe. L’heure d’adoration de la semaine prépare les paroissiens à vivre la messe du dimanche ou à rendre grâce pour celle qui vient d’être vécue». Le Saint-Père n’hésitait pas dire que « l’adoration n’est pas un luxe, mais une priorité » (Benoît XVI, Angélus 28 août 2005) aujourd’hui dans l’Église.

 

Catéchuménat : Un jeune prêtre Vietnamien qui exerçait son ministère à Singapour dans une petite paroisse raconte : « Célébrant la messe d’un dimanche de carême, je fus frappé par le nombre important de catéchumènes : quatre-vingts jeunes entre 18 et 35 ans. A la fin de la messe, ce jeune prêtre me fait visiter sa paroisse et je remarque, à côté de l’église, une petite salle climatisée, remplie de fleurs. Le Saint-Sacrement y est exposé jour et nuit, comme dans la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre, et il y a toujours une quinzaine de personnes. Ce vicaire disait que le nombre de catéchumènes était lié à cette adoration. En effet, interrogeant ces jeunes qui lui demandaient le baptême, tous répondaient que depuis des mois, la nuit, ils venaient prier le Saint-Sacrement, sans très bien savoir ce qu’ils faisaient, mais ils étaient attirés par cette Présence. Oui, l’adoration attire, parce que tout homme a en lui ce désir de voir Dieu » (Mgr Patrick Chauvet, « Il est là ! L’adoration eucharistique », p. 92. Saint-Maur, Parole et Silence, 2008).

 

Sacrement de Réconciliation : « Ce n’est pas seulement la pénitence qui conduit à l’Eucharistie, mais c’est aussi l’Eucharistie qui mène à la pénitence » (Jean-Paul II, Lettre Apostolique, ‘Dominicae Cenae’, 1980). Comme curé d’une paroisse qui a l’adoration perpétuelle, je peux témoigner de la demande croissante du sacrement de la réconciliation comme fruit de l’adoration. La progression est non seulement quantitative, mais aussi qualitative. On ne peut rester devant le Saint-Sacrement sans que la lumière du Christ illumine profondément l’âme et éclaire la conscience…

 

Les divorcés remariés, qui ne peuvent avoir accès à la sainte communion, sont toutefois vivement encouragés à participer au Sacrifice de la messe et à contempler le visage du Christ dans l’adoration. Récemment, une paroissienne me disait qu’elle ne progressait pas spirituellement. Après un échange, elle avoue qu’elle est divorcée remariée et que malgré tout, elle reçoit la sainte communion. Je l’invite alors à continuer à venir fidèlement à la messe, mais sans communier. Je l’encourage aussi à adorer plus fidèlement le Saint-Sacrement. Malgré le choc et la peine éprouvée, elle est revenue quelques mois plus tard, me faire part que sa vie spirituelle a enfin trouvé un nouvel élan… Jean-Paul II écrivait : « La contemplation prolonge la communion et permet de rencontrer durablement le Christ, vrai Dieu et vrai homme, de se laisser regarder par lui et de faire l’expérience de sa présence. Quand nous le contemplons présent au Saint-Sacrement de l’autel, le Christ se fait proche de nous et plus intime à nous-mêmes : il nous donne part à sa vie divine dans une union transformante et, par l’Esprit, il nous ouvre l’accès au Père, comme il le disait lui-même à Philippe : ‘Qui m’a vu a vu le Père’ (Jn 14, 9). La contemplation, qui est aussi une communion de désir, nous associe intimement au Christ et elle associe de manière toute spéciale ceux qui sont empêchés de le recevoir » (Jean-Paul II, Lettre à Mgr Houssiau, 28 Juin 1996).

 

Combien de divorcés remariés font aujourd’hui l’expérience de l’amour inconditionnel du Christ en adorant le Saint-Sacrement fidèlement. Par cette communion spirituelle, le Christ leur donne les grâces nécessaires pour continuer à vivre le commandement de la charité et pour s’engager dans la mission de l’Église…

 

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