Quelques notes spirituelles
de Charles de Foucauld
Pentecôte : 6 juin 1897
Mon Dieu, qu’est-ce qui vous déplaît le plus en mon âme ? L’esprit de prière, la confiance en Vous, l’amour, la douceur, la fidélité, la générosité me manquent… Jésus n’est pas content de moi… Sécheresse et ténèbres : tout m’est pénible : sainte communion, prières, oraison, tout, tout, même de dire à Jésus que je L’aime… Il faut que je me cramponne à la vie de foi. Si au moins, je sentais que Jésus m’aime… Mais Il ne me le dit jamais… Ce qui me manque surtout, c’est l’oubli de moi et un cœur fraternel pour les autres…
Tu Me demandes en quoi tu m’offenses le plus… En ne m’aimant pas assez purement… assez uniquement…, en t’aimant et en aimant les créatures pour toi et pour elles… Ne fais rien pour toi, rien pour les créatures par amour de toi, par amour d’elles : en tout ce que tu as à faire, ne vois que Moi seul ; en tout, demande-toi uniquement ce qu’aurait fait le Maître, et fais-le. Ainsi, tu M’aimeras seul – ainsi, Je vivrai en toi – ainsi, tu seras perdu en Moi, tu vivras en Moi, tu n’auras plus rien de toi, Mon règne sera arrivé en toi.
Ta vocation. – Prêcher l’Evangile en silence, comme Moi dans Ma vie cachée, comme Marie et Joseph.
Ta règle. – Me suivre… Faire ce que je ferais. Demande-toi en toute chose : « Qu’aurait fait Notre Seigneur ? » et fais-le. C’est ta seule règle, mais c’est ta règle absolue.
Ton esprit. – Esprit d’amour de Dieu et d’oubli de toi, dans la contemplation et la joie de Son bonheur, la compassion et la douleur de Mes souffrances, et la joie de Mes joies…, dans la douleur des péchés commis contre Moi et l’ardent désir de Me voir glorifié par toute âme. Esprit d’amour du prochain, en vue de Moi qui aime tous les hommes comme un père ses enfants ; désir, en vue de Moi, du bien spirituel et matériel de tous les hommes. Liberté d’esprit, tranquillité, paix. Tout en vue de Dieu seul, rien en vue de toi ni d’aucune créature.
Ton oraison. – Première méthode : 1° Qu’avez-vous à me dire, mon Dieu ? 2° Moi, voici ce que j’ai vous dire. 3° Ne plus parler, regarder le Bien-Aimé. – Deuxième méthode : quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando (qui, quoi, où, à qui, pourquoi, comment, quand).
Ton assistance à la messe. – Divise-la en trois parties : 1° Jusqu’à la consécration : offre-Moi et offre-toi à Mon Père et recommande-lui tes intentions. Remercie-Moi de Ma croix, demande-Moi pardon de l’avoir rendue nécessaire… ; 2° De la consécration à la communion : adore-Moi sur l’autel ; 3° Après la communion : adore-Moi dans ton cœur, remercie-Moi, aime-Moi, jouis, tais-toi.
Ta pensée de la mort. – Pense que tu dois mourir martyr, dépouillé de tout, étendu à terre, nu, méconnaissable et douloureusement tué…, et désire que ce soit aujourd’hui… Pour que Je te fasse cette grâce infinie, sois fidèle à veiller et à porter la croix. Considère que c’est à cette mort que doit aboutir ta vie : vois, par-là, le peu d’importance de bien des choses. Pense souvent à cette mort, pour t’y préparer et pour juger les choses à leur vraie valeur.
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Je ne demande pas de consolations à Jésus (d’abord je ne le mérite pas), car ce serait pour moi une joie si grande de L’entendre ou de Le sentir au fond de mon cœur, que ce serait un paradis pour moi, et on ne peut pas faire son paradis en ce monde et en l’autre. Je ne lui demande qu’une chose : de Lui être fidèle. Hélas, je le suis si peu…
Il est juste qu’une âme si peu fervente ne goûte aucune douceur… Oui, le Bon Dieu permet quelques fois de pareilles ténèbres sans qu’une étoile vienne briller dans notre ciel. C’est alors qu’il faut se rappeler que nous ne sommes sur la terre que pour souffrir, en suivant notre doux Sauveur dans ce sentier obscur et épineux. Nous sommes pèlerins et étrangers sur terre… Les pèlerins couchent sous la tente, traversant parfois des déserts, mais la pensée de leur patrie leur fait tout oublier. Oh ! oui, nous sommes bien sur une terre étrangère ici-bas…, il nous faut suspendre nos lyres et pleurer.
En tout, en tout, je ne veux que la sainte Volonté… Hélas ! J’aime si peu mon Jésus que je n’ose pas Lui donner le nom de Bien-Aimé. Cependant, je désire, je veux L’aimer plus que tout ce qui est sur la terre et au ciel. A Lui seul mon cœur et ma vie !
« Quand vous vous sentirez fatigué, triste, seul, en proie à la souffrance, retirez-vous dans ce sanctuaire intime de votre âme et, là, vous trouverez votre Frère, votre Ami, Jésus, qui sera votre Consolateur, votre Soutien et votre Force… »
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Pour te dire tout d’une seule parole, quitte tout, Mon enfant, et tu trouveras tout.
Oh ! Comme je suis heureux, maintenant, dans ma chère solitude, loin, loin, bien loin de ce monde où Il est tant offensé. Oh ! Que nous sommes heureux, seuls avec Son amour, seuls avec Sa tendresse ! Je ne sens pas cet amour, mais cependant, Il sait bien que je L’aime plus que le monde entier : tout misérable que je suis, mon cœur, mon âme, ma vie toute entière, tout Lui appartient jusqu’au dernier soupir ! Hélas, non, je ne L’aime pas, du moins comme je devrais L’aimer… Les paroles ne sont rien, il faut en venir aux œuvres… Demandez pour moi un amour généreux, fidèle, ardent !…
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Depuis le péché d’Adam, l’homme ne peut plus faire, sur la terre, aucun bien dans l’ordre matériel ou spirituel, qu’au moyen d’une peine proportionnée à ce bien… Comme les biens spirituels sont d’un ordre infiniment supérieur, comme l’amour de Dieu est le bien des biens, ils ne peuvent s’acheter qu’au prix de peines qui vont jusqu’à la douleur, jusqu’à des douleurs d’autant plus poignantes que le bien auquel nous tendons est plus haut. Les obscurités et les douleurs intérieures que l’âme éprouve dans sa vie intime d’amour divin sont seules assez crucifiantes pour pouvoir servir de prix, de monnaie, si j’ose dire, pour l’achat de l’amour divin, notre bien suprême : c’est pourquoi nous ne pouvons parvenir à aimer Dieu qu’à condition d’acheter notre amour par des obscurités, des souffrances intérieures proportionnées au degré d’amour auquel nous parviendrons.
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Comme nous devons désirer que tous les hommes soient en état de grâce ! C’est désirer qu’il y ait autant de Tabernacles vivants, autant de corps et d’âmes animées par Jésus qu’il y a d’âmes !… Comme nous devons désirer que les âmes en état de grâce fassent le plus d’actes saints possibles ! C’est désirer la multiplication des actes de Jésus dont chacun glorifie Dieu infiniment !
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Election (14 novembre 1897, fête du Patronage de la Très Sainte Vierge).
1° Acquérir par la grâce divine, le détachement complet de ce qui n’est pas Dieu, la pauvreté d’esprit qui ne laisse subsister ni petites pensées d’intérêt personnel, soit matériel, soit spirituel, ni petites considérations, rien de terrestre, de petit, de vain : vider entièrement l’âme et n’y laisser subsister que la seule pensée et le seul amour de Dieu… Vivre d’en haut, n’être plus de la terre, vivre au ciel comme sainte Magdeleine à la Sainte Baume.
2° Me corriger de la peur que j’ai de la croix et être plus généreux dans la mortification… Désirer plus ardemment d’aimer Dieu du plus grand amour !