S’entretenir avec Dieu P3 – St Alphonse de Liguori

Saint Alphonse de Liguori

Manière d’Entretenir avec Dieu
une Conversation continuelle et familière.

(Suite)

TABLE DES MATIÈRES

1)      Il faut parler à Dieu avec confiance et familiarité.

2)      L’entretien avec Dieu est agréable et facile.

3)      De quoi faut-il parler à Dieu ?

4) Pratique détaillée de la conversation avec Dieu 

 

3 – De quoi faut-il parler à Dieu ?

……….

 

Pesez ceci : votre Dieu vous aime plus que vous ne pouvez vous aimer vous-même ; dès lors, qu’avez-vous à craindre ? « Le Seigneur a souci de moi » (Ps. 39, 18), répétait David, et cette pensée le réconfortait. Dites à votre tour : « Dans vos bras, Seigneur, je m’abandonne ; je n’admets d’autre souci que de vous aimer et de vous plaire : me voici prêt à faire tout ce que vous voudrez. Vous, vous avez plus que le désir de me faire du bien, vous en aurez le souci : c’est donc à vous que je laisse le soin de mon salut, puisque vous m’ordonnez de placer en vous tous mes espoirs. « Je m’endormirai et me reposerai en paix, parce que vous-même, Seigneur, m’avez affermi dans l’espérance en votre seule protection. » (Ps. 4, 9-10).

 

« Ayez du Seigneur des sentiments dignes de sa bonté. » (Sag. 1, 1). Par ces paroles, le Sage nous exhorte à nous confier en la miséricorde de Dieu bien plus que nous ne craignons sa justice. Dieu, en effet, est immensément plus enclin à bénir qu’à châtier, selon la parole de saint Jacques : « La miséricorde s’élève au-dessus de la justice. » (Jac. 2, 13). De là cette recommandation de l’apôtre saint Pierre : « Déchargez-vous sur Dieu de toutes vos sollicitudes, parce qu’il a lui-même soin de vous. » (I Pierre 5, 7). Il s’agit là de nos anxiétés au sujet de nos intérêts aussi bien temporels qu’éternels : nous devons nous abandonner sans réserve à la bonté de Dieu, mais surtout nous fier au soin extrême qu’il prend de notre salut.

 

Et, à ce propos, comme il est beau le titre que David donne au Seigneur : « Notre Dieu, dit-il, est le Dieu qui sauve ! » (Ps. 67, 21). Cela veut dire, comme l’explique saint Robert Bellarmin, que « l’emploi propre de Dieu est de sauver » non de condamner. En effet, s’il se contente de menacer de sa colère ceux qui le méprisent, c’est une promesse assurée de sa miséricorde qu’il fait à ceux qui le révèrent, ainsi que la divine Mère l’a chanté : « Sa miséricorde se répand sur ceux qui le craignent. » (Luc 1, 50).

 

Âme dévote, j’accumule à dessein ces passages de l’Écriture. Il vous arrive de vous demander avec angoisse si vous serez sauvée ou non, si vous êtes ou non prédestinée, vous qui pourtant êtes résolue de le servir et de l’aimer comme il vous le demande. Laissez votre cœur s’épanouir, et comprenez, aux promesses que vous fait ce Dieu, quel désir il a lui-même de vous sauver.

 

Certaines âmes recourent bien à Dieu dans l’affliction, mais vienne la prospérité, elles l’oublient et l’abandonnent. C’est là trop d’infidélité et d’ingratitude. N’agissez pas ainsi.

 

Quand vous recevez quelque nouvelle agréable, usez-en avec Dieu comme avec un ami dévoué et qui s’intéresse à votre bonheur. Vite, faites-lui part de votre joie, reconnaissez qu’elle est un don de sa main ; louez-le, remerciez-le. Que le meilleur, pour vous, dans cette joie, soit d’y trouver son bon plaisir. C’est ainsi que vous placerez en Dieu toute votre allégresse, toute votre consolation : « Je tressaillirai de joie en Dieu mon Sauveur. Je chanterai au Seigneur qui m’a comblé de biens. » (Ps. 12, 6).

 

Parlez ainsi à Jésus : « Je vous bénis et toujours je vous bénirai : vous me faites tant de grâces ! Et ce ne sont pas des grâces, mais des châtiments que je mériterais, moi qui vous ai tant offensé. » Dites-lui encore avec l’Épouse sacrée : « Toutes les sortes de fruits, anciens et nouveaux, ô mon Bien-Aimé, je vous les ai gardés. » (Cant. 7, 13). Ces fruits, ce sont vos faveurs, dont je vous remercie ; anciennes ou nouvelles, j’en garde le souvenir pour vous en rendre gloire éternellement. »

 

Mais puisque vous aimez Dieu, vous devez vous réjouir de ses joies plus encore que des vôtres. Il se rencontre qu’un ami, dans l’ardeur de l’amitié, goûte le bonheur de son ami plus que le sien propre.

 

Soyez donc heureux de savoir que votre Dieu est heureux infiniment. Dites-lui souvent: « Mon Seigneur adoré, je jouis plus de votre félicité que de tout ce qui m’est bon à moi : oh ! oui, car je vous aime plus que je ne m’aime moi-même.

 

Voulez-vous donner au Dieu qui vous aime une marque d’intime confiance dont il sera extrêmement touché ? Quand vous commettez quelque faute, n’hésitez point à courir aussitôt vous jeter à ses pieds pour lui demander pardon.

 

Comprenez-le bien, Dieu est si enclin à pardonner que, si les pécheurs s’obstinent à vivre loin de lui, privés de la vie de la grâce, il gémit sur leur perdition et leur fait entendre ces appels de sa tendresse : « Pourquoi voulez-vous mourir, maison d’Israël, ô mon peuple ? Revenez à moi et vivez. » (Ezech. 18, 31-32). Il promet d’accueillir l’âme fugitive, dès qu’elle vient se jeter dans ses bras : « Revenez à moi, et je reviendrai à vous. » (Zach. I, 3).

 

Oh ! Si les pauvres pécheurs comprenaient avec quelle bonté Notre-Seigneur les attend pour leur pardonner ! « Le Seigneur attend le moment d’avoir pitié de vous. » (ls. 30, 18). S’ils comprenaient qu’il a hâte, non de les châtier, mais de les voir convertis, afin de les embrasser et de les serrer sur son Cœur ! Écoutons sa déclaration solennelle : « Par ma vie, dit le Seigneur Dieu, je ne veux pas la mort de l’impie, mais que l’impie se détourne de sa voie, et qu’il vive. » (Ezech. 33, 11). Il va jusqu’à dire : « Et venez, et accusez-moi, dit le Seigneur : quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige. » (Is. 1, 18). Adjuration dont voici le sens : « Pécheurs, repentez-vous de m’avoir offensé, puis venez à moi ; et si je ne vous pardonne pas, « accusez-moi », adressez-moi des reproches, traitez-moi de parjure. Mais non, non, je ne vous manquerai pas de parole ; répondez à mon appel et, si cramoisies que soient vos âmes par les péchés accumulés, sachez que ma grâce leur donnera la blancheur de la neige. »

 

Enfin — Dieu l’a déclaré formellement — quand une âme se repent de l’avoir offensé, il perd jusqu’au souvenir de ses péchés : « De toutes ses iniquités, je ne me souviendrai pas. »(Ezech. 18, 22).

 

Ainsi donc, dès que vous êtes tombé en quelque faute, levez les yeux vers Dieu, offrez-lui un acte d’amour, et, confessant votre péché, comptez fermement sur son pardon. Exprimez-lui ces sentiments : « Seigneur, cette âme que vous aimez est malade » (Jean l I, 3), couverte de plaies : guérissez mon âme, car j’ai péché contre vous. » (Ps. 40, 5). Vous allez à la recherche des pécheurs repentants : je vais de mon côté à votre recherche, me voici à vos pieds. Hélas ! Le mal est fait : qu’attendez-vous de moi ? Vous ne voulez pas que je me décourage ; même après ce péché, vous m’aimez encore, et moi aussi je vous aime. Oui, mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur, et je regrette le déplaisir que je vous ai causé ; je suis résolu de ne plus retomber. Vous qui êtes un Dieu « suave et doux, et riche en miséricorde » (Ps. 85, 5), pardonnez-moi ; adressez-moi la même parole qu’à Madeleine : « Tes péchés te sont remis » (Luc 7, 48), et donnez-moi pour l’avenir la force de vous rester fidèle. »

Pour ne point tomber dans le découragement, ne manquez pas de jeter alors un regard sur Jésus en croix ; offrez ses mérites au Père Éternel, et, par-là, ayez l’espérance assurée de votre pardon ; car c’est pour vous pardonner à vous que Dieu « n’a pas épargné son propre Fils. » (Rom. 8, 32). Dites-lui avec confiance : « Mon Dieu », « jetez les yeux sur la face de votre Christ » (Ps. 83, 10), de votre Fils mort pour moi, et, pour l’amour de ce divin Fils, pardonnez-moi.

 

Gravez, âme dévote, gravez très profondément dans votre esprit cet enseignement, commun aux maîtres de la vie spirituelle : il faut, après vos infidélités, revenir tout de suite à Dieu, alors même que vous tomberiez cent fois le jour ; et, cela fait, vous remettre aussitôt dans la paix. Sinon, votre âme restant découragée et troublée par la faute commise, vos rapports avec Dieu se feront rares, la cordiale confiance sera absente, le désir d’aimer Dieu s’alanguira, et vous ne serez plus guère en état d’avancer dans la voie du Seigneur. Au contraire, si vous recourez sans retard à Dieu pour lui demander pardon et lui promettre de vous amender, les chutes mêmes serviront à vous faire entrer plus avant dans le divin amour. Entre amis qui s’aiment du fond du cœur, il n’est pas rare qu’un froissement réparé par d’humbles excuses, resserre encore l’amitié. Faites qu’il en soit ainsi entre Dieu et vous : utilisez vos fautes pour rendre plus étroite votre union d’amour avec lui.

 

Il vous arrive d’être embarrassé devant une décision à prendre ou un conseil à donner. Ici encore, ne craignez pas et ne manquez pas d’agir avec Dieu comme font entre eux les amis fidèles. En toute occasion, ils se consultent : consultez Dieu, priez-le de vous suggérer la solution qui sera davantage de son gré : « Seigneur, mettez sur mes lèvres la parole à dire, et dans mon cœur la résolution à prendre ! (Judith 9, 18). Suggérez-moi ce qu’il faut que je fasse ou réponde, et ainsi je ferai. « Parlez, Seigneur, car voire serviteur écoute. » (Rois 3, 10).

 

Donnez encore à Dieu ce témoignage d’amicale confiance de l’entretenir, non seulement de vos affaires personnelles, mais aussi de celles du prochain. Quel grand plaisir vous procurerez à son cœur, si, allant même parfois jusqu’à oublier vos propres soucis, vous lui rappelez les intérêts de sa gloire, et les infortunes d’autrui ! Recommandez-lui spécialement les malheureux qui sont dans les larmes, les âmes du purgatoire — ses chères épouses qui soupirent après sa vue — et les pauvres pécheurs qui vivent privés de sa grâce. Intercédez tout particulièrement pour ceux-ci. « Seigneur, direz-vous, n’êtes-vous pas tout aimable ? Ne méritez-vous pas un amour infini ? Et comment donc supportez-vous que tant d’âmes, de par le monde, des âmes comblées de vos bienfaits, se refusent à vous connaître, se refusent à vous aimer, ne craignent pas de vous offenser et de vous mépriser ? O Dieu, si digne de tout amour, faites-vous connaître et faites-vous aimer. Sanctificetur nomen tuum, adveniat regnum tuum : que votre nom soit adoré et béni par tous, que votre amour règne dans tous les cœurs ! Ah ! Ne me laissez point partir sans m’accorder quelque grâce pour ces infortunés dont j’implore la grâce ! »

 

On dit que, dans le purgatoire, il y a une peine particulière, appelée peine de langueur, infligée aux âmes qui, en cette vie, ont peu désiré le paradis ; et ce n’est que justice. Le ciel est un si grand bien ! Notre Rédempteur nous l’a gagné par sa mort : n’est-ce pas le mésestimer que de le désirer peu ?

 

Ne vous laissez pas aller à cette négligence, âme dévote : soupirez souvent après le paradis. Dites à Dieu que les jours vous paraissent des siècles, dans l’attente du bonheur de le voir et de l’aimer face à face. Aspirez à échanger cet exil, ce séjour du péché où vous courez sans cesse le risque de perdre sa grâce, contre la patrie de l’amour où vous l’aimerez avec la plénitude de vos forces.

 

Répétez-lui souvent : « Seigneur, tant que je vis sur la terre, je suis en perpétuel danger de vous abandonner et de perdre votre amitié. Quand donc pourrai-je enfin quitter cette vie où toujours je vous offense, pour aller vous aimer au ciel de toute mon âme, et m’unir à vous sans plus aucune crainte de séparation ? »

 

C’était là l’objet des perpétuels soupirs d’une sainte Thérèse ; chaque fois que l’heure sonnait, elle tressaillait de joie, à penser qu’elle avait une heure de moins à vivre dans le péril de perdre Dieu. Son désir de mourir pour voir Dieu était si brûlant qu’elle en était consumée à en mourir ; c’est ce qui lui inspira son cantique d’amour : « Je me meurs de ne point mourir. »

Concluons. Si vous voulez charmer le Cœur aimant de votre Dieu, appliquez-vous à lui parler le plus souvent possible, et, en quelque sorte continuellement, avec la plus entière et la plus confiante liberté. Il ne dédaignera pas de vous répondre et d’entretenir pour sa part la conversation. Il ne se fera point entendre de vous par une voix extérieure qui frappera vos oreilles, mais par un langage intérieur que votre cœur saisira fort bien : il suffit pour cela de vous détacher assez du commerce des créatures pour rester en tête-à-tête avec votre Dieu : « Je la mènerai dans la solitude, et je parlerai à son cœur. » (Os. 2, 14).

 

Il vous parlera par ces inspirations, par ces lumières intérieures, par ces impressions révélatrices de sa bonté, par ces touches suaves au cœur, par ces assurances de pardon, par ces avant-goûts de paix céleste, par ces attentes du bonheur éternel. Par ces jubilations intenses, par ces douces prévenances de sa grâce, par ces embrassements et étreintes de son amour, en un mot par tout ce langage de l’amour que comprennent bien les âmes dont il est aimé et qui ne cherchent que lui.

 

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