L’ermite russe
(Saint Silouane, † à 72 ans )
Silouane (1866-1938) est né à Chovsk près de Tambov au sud-est de Moscou (Russie). A 4 ans, il entend quelqu’un dire à son père que Dieu n’existe pas. Alors il se dit : « Quand je serai grand, j’irai chercher Dieu par toute la terre. »
Jeune paysan, n’ayant été à l’école que pendant deux hivers, il va travailler à 15 ans comme charpentier dans une équipe de construction. Là, il entend le témoignage d’une cuisinière qui a été en pèlerinage sur la tombe d’un saint local où se produisent des miracles. « S’il est saint, se dit-il, c’est que Dieu est avec nous, et je n’ai pas besoin de parcourir toute la terre pour le trouver. » Saisi d’un tel amour pour Dieu, il y pense sans cesse et prie intensément. Il éprouve un attrait très vif pour la vie monastique. Son père lui conseille d’attendre d’avoir fait son service militaire. Alors, il fait la fête et profite de la vie avec les égarements d’une vie débridée.
Un songe lui révèle le côté répugnant de sa vie. Il entend une voix d’une douceur et d’une beauté bouleversante qui lui dit ne pas aimer voir ce qu’il fait. Il est alors certain que c’est la voix de la mère de Dieu qui est venue le relever de sa chute et de sa vie de péché. Il découvre alors combien le Seigneur et la mère de Dieu ont pitié des hommes. La honte et le repentir le gagnent. Son désir de devenir moine renaît.
Libéré de ses six ans de service militaire, il quitte sa famille et son pays pour aller en Grèce au mont Athos. Il a vingt-six ans.
Jeune novice, il n’est là que depuis trois semaines quand, priant devant l’icône de la mère de Dieu, il reçoit le don exceptionnel de la prière qui coule d’elle-même sans interruption et sans aucun effort de sa part. Une grâce qui n’est accordée qu’à de rares ascètes et après des années de combats contre ces maladies spirituelles que sont les passions. Il oscille entre la paix et de violentes poussées d’orgueil, alors le désespoir l’accable.
Un jour, à l’heure des vêpres, il va à l’église, écrit-il, « regardant l’icône du Seigneur, je dis : ‘Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi, pécheur’. A ces mots, je vis à la place de l’icône le Seigneur vivant, et la grâce du Saint-Esprit remplit mon âme et tout mon corps. » Cet évènement inouï, le plus important de toute sa vie, a lieu au début de l’année 1893, six mois après son entrée au monastère. Il s’y réfère constamment désormais et ne pourra jamais oublier ce doux regard du Christ posé sur lui qui le persuade du pardon absolu de tous ses péchés. Il éprouve alors une joie et une paix profondes, et l’amour pour Dieu et pour chaque personne remplit son cœur. C’est comme s’il naissait une seconde fois.
Mais cet état de suprême bonheur ne dure que quelques temps. Pendant près de 15 ans, Silouane va connaître ce flux et ce reflux de la grâce qui tantôt est avec lui, tantôt le quitte et le laisse seul. Il découvre ainsi par l’expérience que la grâce est le don d’une conquête qui doit mobiliser tous ses efforts dans cette lutte contre la passion de l’orgueil qui se manifeste. Pendant une nouvelle période d’une quinzaine d’années il va employer toutes ses forces à devenir humble comme le Christ.