Dieu, la Sainte Trinité
6ème partie
Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique
LIVRE 2
Le Verbe de Dieu fait homme
Chap. 14, Le sacrement de l’amour du Seigneur
(Partie 1)
Voici comment il m’a parlé à ce sujet :
— Le Seigneur a signalé sa force ; le Seigneur a fait paraître sa puissance ; le Seigneur a ouvert le trésor de sa miséricorde ; le Seigneur a fait connaître la rigueur de ses jugements et la sévérité de ses justices.
« C’est dans le sacrement de son amour que le Seigneur a signalé sa force ; c’est dans le sacrement de son amour que le Seigneur a fait paraître sa puissance ; c’est dans le sacrement de son amour que le Seigneur a ouvert le trésor de sa miséricorde ; c’est dans le sacrement de son amour que le Seigneur a fait connaître la rigueur de ses jugements et la sévérité de ses justices envers ceux qui le profanent.
« Ah ! ma fille, étant tout amour pour les hommes dans ce sacrement, ils n’ont que de la froideur pour moi !… Je ne puis me lasser de vous parler de ce sujet ; j’épanche quelquefois mon cœur dans le vôtre, prenez part à ses sentiments, vous que j’ai mise au nombre de mes amis et de mes confidents.
« Tandis que mon cœur brûle d’amour pour les hommes, qu’elle n’est pas leur indifférence ! Je leur fais entendre ma voix, non pas précisément par moi-même, mais par mes serviteurs et par ma grâce : ils la méprisent, ils méprisent mes serviteurs. Je les cherche et ils se cachent ; je cours après eux et ils me fuient : ils foulent aux pieds et mes menaces et mes promesses. Ah ! pourquoi donc faites-vous ainsi ? Que vous ai-je fait pour que vous me traitiez de la sorte ? De quoi vous plaignez-vous ? Que trouvez-vous en moi qui vous déplaise ? On ne quitte pas une personne sans quelque raison. Quelle est la raison qui vous oblige à m’abandonner ? Examinons-la de bonne foi, et si elle est bonne, je consens que vous m’abandonniez.
« Pour vous, ma fille, qui connaissez ces choses, aimez-moi, unissez-vous à mes serviteurs ; surpassez-les en amour, si vous le pouvez, réparez en quelque sorte l’indifférence des autres. »
Le lendemain :
— Hier, je vous dis que le Seigneur avait signalé sa force dans le sacrement de son amour.
« Ne croyez-vous pas qu’il faille toute la force de l’amour d’un Dieu pour rester toujours dans ce sacrement, malgré les sacrilèges, les outrages, les irrévérences, les injures que j’y reçois tous les jours et à toutes les heures ? Ne croyez-vous pas qu’il m’ait fallu toute la force de l’amour d’un Dieu pour instituer ce sacrement ? Et cependant je n’hésitai pas un instant. Or ne vous imaginez pas que je n’eusse point une connaissance parfaite de tous les outrages que j’y recevrais : je connaissais jusqu’à la moindre parole, jusqu’à la moindre pensée de mépris, les offenses contre mon Père et contre moi-même, qui me seront plus sensibles que tout autre péché. N’importe, cela ne fut pas capable de m’arrêter ; et quand même tous les hommes sur la terre m’auraient méprisé et outragé, qu’une seule âme eût dû profiter de ce sacrement et y trouver son salut, je l’aurais institué.
« Mais je voyais une infinité de biens produits par ce sacrement : tant de malades y trouveront leur remède et leur guérison ; tant de faibles, la force ; tant de pécheurs, le sceau de leur réconciliation et de leur sanctification ; tant de justes, leur consolation et de nouvelles grâces pour se sanctifier davantage !
« La vue de tant de faibles qui iraient s’y fortifier, de tant de malades qui iraient s’y soulager, et de tant d’âmes qui ne seraient pas sauvées sans ce sacrement, me le fit instituer malgré tous les outrages, tous les mépris que j’y recevrais ! Ah ! Qu’en pensez-vous ? Ne faut-il pas toute la force de l’amour d’un Dieu, ne faut-il pas un amour comme celui d’un Dieu pour faire une pareille chose, et cela sans jamais se démentir ?
« Allons, ma fille, resserrons de nouveau les doux liens qui nous unissent. Aimez-moi de plus en plus : nous avons eu le bonheur d’être unis si souvent !
« Ne soyez pas étonnée que j’aie dit : nous avons eu le bonheur ; car puisque je fais mes délices d’être avec les enfants des hommes, ne croyez-vous pas que je me plais à entrer dans leur cœur ? Vous ne pourrez jamais comprendre le plaisir que j’ai à visiter les âmes qui m’aiment. Je vous laisse avec cette pensée. »
Le jour d’après il me dit :
— Hier, je vous ai dit comment Dieu a signalé sa force dans le sacrement de son amour, aujourd’hui, je veux vous expliquer comment le Seigneur a fait paraître sa puissance dans ce sacrement.
« Cette petite hostie est ce qu’il y a de plus auguste dans la religion, puisqu’elle renferme Dieu lui-même, toutes les perfections de Dieu, tous mes mérites, en sorte que celui que la reçoit peut dire : “Je possède dans mon cœur Celui qui a tout fait, qui soutient tout, Celui que le ciel et la terre ne peuvent contenir, tous les mérites de mon Sauveur, enfin je possède tout.”
« La puissance du Seigneur paraît presque autant dans ce mystère que dans celui de l’Incarnation. Car dans le mystère de l’Incarnation, un Dieu quitte, autant qu’il se peut faire, le sein de son Père, descend du comble de sa gloire et de sa magnificence dans le sein d’une Vierge, et cache sa divinité en prenant la nature humaine. Mais dans ce sacrement, il cache sa divinité et son humanité sous la forme d’un peu de pain.
« Je me trouve dans mille hosties, aussi bien que dans une, je suis également présent dans tous les lieux où il y a quelque hostie consacrée, et je ne suis qu’un ; tous, quand il y en aurait mille millions, me recevraient tout entier, et l’abondance des grâces, chacun selon ses dispositions. Ne peut-on pas dire que dans le sacrement de son amour le Seigneur a fait paraître sa puissance ?
« Quel amour pour les hommes ! Non content de prendre leur forme et de vivre au milieu d’eux, de leur enseigner la voie du ciel par mes paroles, la conduite qu’ils doivent tenir par mes exemples, et d’être mort pour eux, je ne peux me résoudre à me séparer d’eux. Et comme l’amour est insatiable et ne peut se satisfaire que dans l’amour même, qu’un cœur dévoré et consumé par l’amour ne peut se désaltérer qu’en aimant davantage, ainsi j’instituai ce divin sacrement, afin d’être toujours auprès d’eux pour les aider, les fortifier et les assister dans leurs besoins.
« Le Prophète avait bien raison de dire : Il a fait connaître à son peuple la puissance de ses œuvres [1] ; et comment ? En leur donnant l’héritage des nations. Or, c’est moi qui suis le partage, la récompense, l’héritage des enfants de Dieu, et tous les hommes sont appelés à le recevoir.
« Je ne suis pas dans mon sacrement pour quelques-uns, dans quelques endroits en particulier, ou pour quelque temps, mais pour tous, par toute la terre, et dans tous les temps que le monde subsistera. Je présenterai ce sacrement à toutes les générations comme un spectacle toujours ancien et toujours nouveau de la puissance de Dieu. Ô ma fille ! Avez-vous jamais compris comme vous faites à présent les grandeurs de l’Eucharistie ?
« La puissance de Dieu paraît encore dans ce sacrement par le bien et les bons effets qu’il produit dans les âmes. Et combien de personnes me rendraient témoignage de la vérité de ce que je dis ici ! »
[1] Psaume 111, verset 6.