A l’école de l’Esprit Saint
Père Jacques Philippe
Responsable de la communauté des Béatitudes
(imprimatur : 18 mai 1995)
2ème partie (2)
A Celle qui nous dit :
« Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » (Jean 2,5)
3. La fidélité à la grâce attire d’autres grâces.
Voici un petit récit de Sœur Faustine, toujours extrait de son Journal :
« Ce soir, je tâchais de faire tous mes exercices jusqu’à la bénédiction, car je me sentais plus malade qu’à l’ordinaire. Tout de suite après la bénédiction, je suis allée me coucher. Mais quand je suis entrée dans ma chambre, soudain, j’ai senti intérieurement qu’il fallait que j’aille dans la cellule de Sœur N. car elle avait besoin d’aide. Je suis tout de suite entrée dans sa cellule, et Sœur N. m’a dit : « Oh ! Comme c’est bien, ma Sœur, que Dieu vous ait amenée. » Et elle parlait d’une voix si basse que j’ai pu à peine l’entendre. Elle me dit : « Ma Sœur, veuillez, s’il vous plaît, m’apporter un peu de thé avec du citron, car j’ai tellement soif et je ne peux bouger, car je souffre beaucoup. » Et vraiment elle souffrait beaucoup et elle avait beaucoup de fièvre. Je l’ai placée plus commodément et avec un peu de thé elle a apaisé sa soif. Quand je suis entrée dans ma cellule, mon âme a été pénétrée d’un grand amour de Dieu et j’ai compris qu’il faut faire très attention aux inspirations intérieures et les suivre fidèlement. Et la fidélité à une grâce en attire d’autres » (1)
(1) Petit Journal de Sœur Faustine, ed.Jules Hovine, p.282
Ce texte illustre bien certaines choses dites précédemment. Il souligne un point capital : chaque fidélité à une inspiration est récompensée par des grâces plus abondantes, en particulier par des inspirations plus fréquentes et plus fortes, il y a ainsi comme un entraînement de l’âme vers une fidélité plus grande à Dieu, une perception plus claire de sa volonté, une facilité majeure pour l’accomplir.
Saint François de Sales l’affirme, lui aussi :
« Quand on fait très bien son profit d’une inspiration que Notre Seigneur donne, il en redonne une autre, et ainsi Notre Seigneur continue ses grâces à mesure que l’on en fait son profit. » (2)
(2) Lettre 2074 dans l’édition d’Annecy. Le père Ravier, présentant les points essentiels de la spiritualité de saint François de Sales affirme que « les inspirations sont un des moyens dont l’Esprit Saint se sert pour guider chacun à chaque instant. Les discerner et les suivre est un des points les plus importants de la vie dévote ». in François de Sales, Lettres d’amitié spirituelle, Desclée de Brouwer, p.818.
Et c’est cela le dynamisme fondamental qui pourra nous conduire peu à peu à la sainteté, notre fidélité à une grâce en attirant d’autres. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus elle aussi témoigne de ce « dynamisme de la fidélité » qui rend de plus en plus aisé l’accomplissement de la volonté de Dieu :
« La pratique de la vertu me devint douce et naturelle ; au commencement mon visage trahissait souvent le combat, mais peu à peu cette impression disparut et le renoncement me devint facile même au premier instant. Jésus l’a dit : »A celui qui possède, on donnera encore et il sera dans l’abondance ». Pour une grâce fidèlement reçue, il m’en accordait une multitude d’autres… » (4)
(4) Manuscrit autobiographique A, folio 48.
Ajoutons que cela s’accompagne d’une grâce de bonheur : même si obéir à l’Esprit nous coûte souvent dans un premier moment, parce que cela heurte nos peurs, nos attachements, etc., cette obéissance est toujours, en fin de compte, source de joie et de bonheur, elle est accompagnée d’une effusion de grâce qui dilate le cœur, qui fait que l’âme se sent libre et heureuse de cheminer dans les voies du Seigneur : « Je cours sur la voie de tes commandements, car tu as mis mon cœur au large » (Ps 119,32).
Dieu nous récompense largement, avec une générosité qui n’appartient qu’à lui. Il nous traite en Dieu… Il y a là aussi comme une loi spirituelle, que l’expérience confirme, et qui mérite d’être notée. Ce qui veut dire que cette voie de la docilité aux motions de l’Esprit, si elle est très exigeante, car « l’Esprit souffle où il veut » (Jn 3,8), est une voie de liberté et de bonheur, dans laquelle l’âme chemine sans contrainte, le cœur non pas resserré, mais dilaté. Cette dilatation du cœur est comme un signe manifeste de la présence de l’Esprit.
L’Esprit Saint est à juste titre appelé « Consolateur ». Les touches de cet Esprit, qui nous éclairent et nous poussent à agir, quand elles sont accueillies, outre la lumière et la force, déversent dans notre cœur comme une onction de réconfort et de paix, qui bien souvent comble de consolation. Quand bien même leur objet serait de peu d’importance, ces touches, comme elles procèdent de l’Esprit divin, participent de ce pouvoir qu’à Dieu de nous consoler et de nous combler.
Une seule petite goutte de l’onction du Saint Esprit peut, à elle seule, remplir notre cœur de plus de contentement que tous les biens de la terre, car elle participe de l’infini de Dieu. (5)
(5) Richard de Saint-Victor dit : « J’ose bien assurer qu’une seule goutte de ces divines consolations peut faire ce que tous les plaisirs du monde ne sauraient faire. Ceux-ci ne peuvent rassasier le cœur ; et une seule goutte de la douceur intérieure que le Saint-Esprit verse dans l’âme la ravit hors d’elle et lui cause une sainte ivresse. »
« D’une onction tu me parfumes la tête et ma coupe déborde » (Ps 23). Et cette onction de l’Esprit se répand immanquablement dans l’âme de celui qui fait le bien que l’Esprit lui inspire. On retrouve cette autre grande loi de la vie spirituelle : ce qui est vraiment capable de contenter nos cœurs, ce ne sont pas tant les biens que nous recevons, que le bien inspiré par Dieu que nous pratiquons. Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Nous venons de montrer à quel point il est fécond d’accueillir et de suivre les motions de l’Esprit, au point de pouvoir dire avec Sœur Faustine que c’est sans conteste le moyen principal de notre sanctification.
Diverses questions se posent à nous : comment reconnaître et discerner ces motions de l’Esprit ? Tous reçoivent-ils ces motions ? Avec quelle fréquence ? Comment favoriser leur présence dans notre vie spirituelle ?