Présence des motions de l’Esprit-Saint dans notre vie spirituelle – 2 (ASDE 15)

A l’école de l’Esprit Saint

 

Père Jacques Philippe

Responsable de la communauté des Béatitudes

(Imprimatur : 18 mai 1995)

3ème partie (2)

 

A Celle qui nous dit : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » (Jean 2,5)

 

3. Comment favoriser la présence des motions de l’Esprit-Saint dans notre vie spirituelle ? (suite)

 

3. Se décider à ne rien refuser à Dieu

 

Encore davantage qu’une prière consciente et explicite à ce sujet, il importe qu’il y ait en nous une forte et constante détermination à obéir à Dieu en toute chose, grande ou petite, sans aucune exception. Plus Dieu nous voit dans cette disposition de totale docilité, plus il nous favorise de ses inspirations.

 

Je ne dis pas qu’il faille être effectivement capables d’obéir à Dieu en toute chose, cela est sans doute encore impossible à notre fragilité. Mais il faut y être bien déterminés, et faire en sorte que, par la prière en particulier, nous nous fortifiions sans cesse dans la résolution de ne négliger aucune des volontés que Dieu pourrait nous exprimer, aussi minime soit-elle.

 

Notons bien que cette détermination ne doit pas devenir un scrupule, dont le démon pourrait se servir pour nous décourager, une peur de « passer à côté de la volonté de Dieu » ou une angoisse de ne pas la comprendre. Dans ce domaine, comme partout, nous devons nous laisser conduire par l’amour et non par la peur, et comme le disait saint François de Sales, nous devons plus « aimer l’obéissance que craindre la désobéissance » (3). Nous devons nous fortifier sans cesse dans la résolution d’être dociles à Dieu, tout en prenant garde que le démon ne s’en serve jamais pour nous troubler par des inquiétudes ou pour nous décourager à l’occasion de nos inévitables défaillances.

(3) Lettre à sainte Jeanne de Chantal

 

 

4. Pratiquer l’obéissance filiale et confiante

 

Pour obtenir que Dieu nous dévoile davantage sa volonté par des inspirations, il faut commencer par obéir aux volontés de Dieu qui déjà nous sont connues. Cela a divers champs d’application.

 

Comme nous l’avons déjà dit plus haut, chaque fidélité à la grâce attire des grâces nouvelles toujours plus abondantes. Si nous sommes attentifs à obéir aux motions de l’Esprit, celles-ci se feront plus abondantes. Si nous sommes négligents, elles risquent au contraire de se raréfier. « A qui a, sera donné, à qui n’a pas, sera retiré même ce qu’il a » (Lc 19,26), dit Jésus. C’est déjà un premier principe. Pour obtenir davantage d’inspirations, il faut commencer par obéir à celles que nous recevons.

 

Ensuite il est évident que Dieu nous gratifiera d’autant plus de ses inspirations qu’il nous verra plus fidèles à accomplir sa volonté quand celle-ci nous est signifiée par d’autres voies : les commandements, notre devoir d’état, etc. Il y a de multiples expressions de la volonté de Dieu qui nous sont connues sans avoir aucunement besoin d’inspirations particulières : cette volonté de Dieu qui se manifeste de manière générale à travers les commandements de l’Ecriture, l’enseignement de l’Eglise, les exigences propres de notre vocation, de notre vie professionnelle, etc.

S’il y a en nous un sincère désir de fidélité dans tous ces domaines, Dieu nous favorisera davantage des motions de son Esprit. Si nous sommes négligents dans nos devoirs habituels, nous aurons beau solliciter Dieu pour des inspirations particulières, il y aura peu de chance pour qu’il nous écoute…

 

N’oublions pas non plus de consentir par amour de Dieu à toutes les occasions légitimes d’obéissance qui se présentent à nous, dans le domaine de la vie communautaire, familiale, sociale. Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, certes, mais c’est une illusion que de se croire capable d’obéir à Dieu, si l’on est incapable d’obéir aux hommes. Il y a en effet le même obstacle à surmonter dans les deux cas : l’attachement à soi, à sa volonté propre. Qui n’arrive à obéir à des personnes que si cela lui plaît, se berce de douces illusions quant à sa capacité d’obéir à l’Esprit Saint. Si je ne suis jamais disposé à renoncer à ma volonté propre (mes idées, mes goûts, mes attachements…) face aux hommes, qu’est-ce qui me garantit que j’en serai capable quand Dieu me le demandera ?

 

 

5. Pratiquer l’abandon

 

N’oublions pas enfin la forme d’obéissance peut-être la plus importante et la plus négligée : ce que l’on pourrait appeler « l’obéissance aux événements »

 

Cette notion pose évidemment un problème théologique et existentiel difficile. Il ne s’agit pas de tomber dans le fatalisme ou la passivité, ni de dire que tout ce qui arrive est volonté de Dieu : Dieu ne veut pas le mal ni le péché. Beaucoup de choses qui arrivent ne sont pas voulues par Dieu. Mais il les permet cependant, dans sa sagesse qui reste scandaleuse pour notre intelligence. Dieu nous demande de faire notre possible pour éliminer le mal.

 

Mais il reste toujours que, quels que soient nos efforts, il y a tout un ensemble de circonstances sur lesquelles nous ne pouvons rien, qui ne sont pas forcément voulues par Dieu mais seulement permises par lui, et auxquelles Dieu nous invite à consentir dans la confiance et la paix, même si elles nous font souffrir et nous contrarient.

 

Non pas consentir au mal, mais consentir à la mystérieuse sagesse de Dieu qui permet le mal. Ce consentement n’est pas une compromission, il est l’expression d’une confiance en Dieu plus fort que le mal. Il y a en cela une forme d’obéissance, douloureuse mais féconde. Elle signifie qu’après avoir fait tout ce qui est en notre pouvoir, nous sommes invités, devant ce qui reste de toute façon imposé à notre volonté par les événements, à vivre envers notre Père céleste une attitude d’abandon et de confiance filiale, dans la foi que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8,28).

 

Pour prendre un exemple, Dieu n’a pas voulu la trahison de Judas ou la lâcheté de Pilate (Dieu ne peut pas vouloir le péché), mais il les a permises, et il a voulu que Jésus consente filialement à ces événements, comme il l’a fait : « Père, non pas ma volonté, mais ta volonté » (Mt 14,36).

 

Les événements de la vie sont en fin de compte l’expression la plus sûre de la volonté de Dieu, car sans risque d’interprétation subjective. Si Dieu nous voit dociles aux événements, capables de consentir paisiblement et amoureusement à ce que les événements de la vie nous « imposent », dans un esprit de confiance filiale et d’abandon à sa volonté, nul doute qu’il multipliera pour nous les expressions plus personnelles de sa volonté, à travers l’action de son Esprit qui parle à notre cœur.

 

Si nous ne cessons au contraire de nous rebeller et de nous raidir face aux contrariétés, cette forme de défiance vis-à-vis de Dieu permettra difficilement à l’Esprit Saint de conduire notre vie.

 

Ce qui nous empêche le plus de devenir saints, c’est sans doute notre difficulté à consentir pleinement à tout ce qui nous arrive. Non pas au sens d’un fatalisme qui rendrait complètement passif, mais dans le sens d’un abandon confiant et total entre les mains du Père.

 

Dieu nous invite à une attitude positive et féconde : faire comme la petite Thérèse qui dit : « Je choisis tout ». Sous-entendant : Je choisis tout ce que Dieu veut pour moi. Je ne me contente pas de subir, mais par une adhésion libre de ma volonté, je décide de choisir ce que je n’ai pas choisi. Thérèse a cette phrase : « Je veux tout ce qui me contrarie ». (4)

(4) Cette expression est rapportée par Sœur Geneviève dans ses Conseils et Souvenirs.

 

Extérieurement cela ne change rien à la situation, mais intérieurement cela change tout ; ce consentement inspiré par l’amour et la confiance me rend libre, actif et non plus passif, et permet à Dieu de tirer un bien de tout ce qui m’arrive, de bon comme de mauvais.

 


à suivre

 

 

 

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