Jésus dans l’Evangile.
1ère Partie
Connaissez-vous le Christ tel qu’Il est ? Tel qu’Il se présente à vous dans son Evangile ?…
Le grand malheur de notre temps, c’est de ne pas connaître Jésus-Christ, même parmi les chrétiens.
Les incroyants nient sa divinité ; ils L’appellent un « surhomme ».
Les chrétiens, eux, ne croient pas assez à la divine humanité de Jésus. Ils Le regardent comme un Dieu distant, différent d’eux-mêmes et tellement au-dessus d’eux qu’Il n’est plus leur Frère. Ils suppriment son Incarnation et le rapprochement sublime – voulu par l’amour – de sa ressemblance avec nous.
Les âmes pieuses, elles-mêmes, Le connaissent mal. On s’en fait un Jésus amoindri, un Jésus défiguré, un Jésus si peu Jésus que la Reine Immaculée aurait de la peine à reconnaître son Fils.
Il faut apprendre à connaître le Jésus véritable, le Jésus intégral, le Jésus Fils de Marie… Dieu, mais aussi créature comme nous : tel qu’Il s’est fait pour nous.
Ce Jésus qu’on place si haut et si loin dans le ciel, n’est pas Jésus tout entier. Le Jésus authentique, c’est le Jésus de l’Evangile : Dieu et homme, Homme et Dieu.
Il est là-haut et nous L’adorons à deux genoux, mais Il est ici-bas, Dieu et Roi et Frère, lui le Verbe fait chair, et nous L’adorons encore comme Dieu et aussi comme Homme-Dieu, sur nos autels autant que dans le sein de Marie.
« Et le Verbe s’est fait chair… et Il a habité parmi nous. »
Il s’est fait chair ! Qu’est-ce à dire ?
Il s’est fait notre Frère « en tout semblable à nous, hormis le péché (He 4, 15)
« Il est apparu sous la forme de la bénignité. » (Ti 3, 4) Parce que les grandeurs découragent et que la similitude rapproche. Il s’est fait comme nous, pour nous attirer à Lui…
C’est donc notre droit de nous approcher de Lui.
« O felix culpa », s’écrie la Sainte Eglise – heureuse faute qui nous a valu d’appeler Jésus notre Frère, de Le connaître et de L’aimer comme tel.
Je n’aurais jamais pu monter jusqu’à Lui, mais Lui a tenu à s’abaisser jusqu’à moi et a voulu m’appeler « son frère ».
Voulez-vous savoir jusqu’à quel point Il s’est fait notre Frère ?
Suivez-moi attentivement, nous allons Le contempler, Le surprendre, tout petit, pauvre, impuissant, les larmes aux yeux, brisé de fatigue, revêtu enfin de notre misérable nature.
Dieu-Frère dans ses faiblesses et impuissances.
Sans l’Incarnation, je n’aurais jamais pu, sans blasphémer, parler à mon Seigneur et à mon Dieu en ces termes : « Comme nous vous ressemblons ; moi J’ai mes faiblesses et Vous aussi, je porte dans une nature humaine un abîme d’impuissance et Vous aussi depuis ce 25 mars ! »
Par exemple, sa faiblesse et son impuissance dans le sein de Marie où physiquement, Lui, le Créateur, vit de la vie d’une créature, de Marie sa Mère !
Et puis, à Noël, oh ! Qu’il est beau ! Petit, bien petit, né sur la paille, parmi les animaux, sa langue liée, ses membres délicats, fragiles, tremblotants… Quelle merveille que de Le voir se condamner Lui-même, volontairement, par amour, à cette impuissance, et qu’Il ait besoin de demander le secours de Marie par le langage des tout-petits : les larmes ! Voyez-Le, ravissant, entre les bras de sa Mère, ses lèvres buvant à grands traits dans le sein virginal le sang qu’Il versera pour nous. Il est tellement petit et frêle, qu’Il n’aura pendant des mois encore d’autre nourriture que le lait de la Vierge très pure.
Il est le géant des cieux, par qui tout a été fait, et, regardez-Le, essayant ses premiers pas, chancelant pour aller des bras de Marie à ceux de Joseph ! Et quand ce doux petit Frère sentira sa langue se délier, Il bégaiera difficilement ses premières paroles : « Mère… Marie ! » – Et Il est le Verbe de Dieu !
Mais, voici encore une preuve bien éloquente de son impuissance. Hérode veut Le tuer, et alors ce Dieu des batailles se voit obligé de fuir, et Joseph prendra la Mère et l’Enfant, ils partiront en fugitifs jusqu’en Egypte !…
De retour à Nazareth, obligé de vivre de son travail et de soutenir en partie la famille, Il sera obligé d’apprendre un métier. Je dis exprès : Il sera obligé, car s’Il ne veut point faire des miracles, Il entrera comme nous tous dans la voie commune, et demandera au charpentier Joseph de Lui apprendre le métier, dans lequel Il deviendra progressivement de plus en plus habile. Et c’est ainsi qu’Il gagnera son pain à la sueur de son front. Il n’est pas trop téméraire d’imaginer que, plus d’une fois, le Divin Ouvrier n’aura pas touché son salaire, pour n’avoir point contenté un client difficile… Et le Charpentier Jésus s’est tu…
« Que pourrions-nous Vous dire des souffrances des pauvres que Vous ne sachiez déjà, ô Vous, le Pauvre divin, l’Ouvrier de Nazareth, si captivant dans votre pauvreté ?… Vous avez eu faim, Vous avez eu froid… mais surtout Vous avez supporté le dédain, le mépris avec lequel le monde traite ceux qui n’ont ni maison, ni terres, ni argent. ‘Quelle science peut-Il avoir ?’ diront de vous vos accusateurs. ‘Quel droit peut-Il revendiquer en Israël ?’… »
Devenu grand, Il conservera cette faiblesse relative. Sur la barque, pendant la tempête, Il dormira ; ses disciples devront L’éveiller. – On Le verra, fatigué, s’asseoir sur le bord du puits de Jacob et demander à boire à la Samaritaine… Il avait soif de cette âme… et de la nôtre aussi. Combien Il se lassera pour nous ! Que de fois ses pieds seront blessés aux pierres du chemin !… Ah ! Si les hommes savaient combien Jésus les aime, même les indifférents… s’ils savaient qu’Il les cherche, comme Il cherchait la Samaritaine !
Il aurait pu supprimer les distances. Il ne l’a pas voulu. Il a parcouru des sentiers rocailleux, abrupts, Il a fait de longs, de très longs chemins ; Il a passé les nuits et a dormi, comme les bêtes fauves, dans les excavations des montagnes. Et que sont toutes ces impuissances auprès de celles de la Voie douloureuse et celles du Calvaire ?…
Le traître L’a baisé, et Le voilà pris, ligoté, traîné chez ses juges comme un voleur… Pensons à cette nuit affreuse dans le cachot du palais, où il est livré à la soldatesque qui L’outrage et Lui tresse avec ironie une couronne d’épines. Et Lui se tait, Il pleure du sang ! Un valet Le soufflette, Hérode s’en moque comme d’un fou, la foule hurle, réclame sa proie. Le voilà sous les coups des bourreaux qui ricanent en Le meurtrissant… Lui se tait et pleure du sang !
Sur la montée douloureuse, Il se sent à bout, défaillant, et Il tombe ; mais, comme il faut avoir la joie sauvage de Le mettre en lambeaux sur la croix, on a recours au Cyrénéen ; malgré tout, Il retombe encore, Il est épuisé…
Le voici enfin au sommet, le trône est là, on L’y cloue, Il agonise… Une soif brûlante Le dévore… Il réclame de l’amour et un peu d’eau, on Lui sert le blasphème et le fiel mêlé au vinaigre. Il expire ! Contemplez-Le, Il est Dieu et Le voilà inerte, cadavre… Oui, cadavre, Celui qui est l’immortalité ! Et enveloppé dans un suaire, Il est enterré… Oh ! Suprême, oh ! Sublime impuissance ! « Mon Dieu Frère ! Le front dans la poussière, le cœur meurtri et embrasé, je Vous adore avec amour ! »