Qu’est-ce que l’oraison (ASDE 27)

Qu’est-ce que l’oraison

Qu’est-ce que l’Oraison ?

Dans le livre de sa Vie sainte Thérèse répond :

L’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sent aimé !

Définition bien connue, à juste raison, parce qu’en une simplicité étonnamment précise elle met en relief les éléments constitutifs de l’oraison. Il nous suffira d’en expliquer les termes.

« L’oraison n’est qu’un commerce d’amitié avec Dieu » dit la Sainte ; elle est donc une prise de contact avec Dieu, une actualisation de l’union surnaturelle que la grâce établit entre Dieu et notre âme, ou encore, un échange entre deux amours : celui que Dieu nous porte, celui que nous avons pour Lui.

Dieu est Amour. Il nous a créés par amour, il nous a rachetés par amour et nous destine une à une union très étroite avec Lui. Dieu Amour est présent dans notre âme, d’une présence surnaturelle, personnelle, objective. Il y est en activité constante d’amour, foyer répandant constamment sa chaleur, soleil ne cesse de diffuser sa lumière, fontaine toujours jaillissante.

Pour aller à la rencontre de cet Amour qui est Dieu, nous avons la grâce sanctifiante, de même nature que Dieu, par conséquent amour comme Lui. Cette grâce qui nous fait ses enfants est une aptitude à l’union, à l’échange ou au commerce intime avec Dieu, à la pénétration réciproque.

Dieu Amour, toujours en action, nous sollicite et nous attend. Mais il est immuable ; c’est notre amour qui doit aller vers Lui. L’orientation de cet amour vers Dieu, sa recherche amoureuse, la rencontre de notre amour avec Dieu-Amour, le commerce affectueux qui s’établit aussitôt : voilà ce qu’est l’oraison d’après sainte Thérèse.

L’oraison suppose l’amour surnaturel, donc la grâce sanctifiante. Elle exige que cet amour soit mis en action ; mais cette activité de l’amour surnaturel suffit, car ainsi que le souligne sainte Thérèse, l’oraison n’est qu’un commerce d’amitié avec Dieu.

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Toutefois cet amour ne se meut pas seulement dans le domaine purement surnaturel, il s’entoure des formes les plus variées de l’activité humaine.

Par l’intermédiaire de la volonté, en laquelle il réside, l’amour surnaturel prend à son service toutes les puissances et toutes les facultés naturelles, et il les utilise telles qu’il les trouve en chacun de nous. L’oraison devient ainsi un commerce d’amitié de l’être vivant tel que nous sommes avec le Dieu vivant qui habite en nous.

Si nous considérons donc les activités naturelles mises en jeu, ce commerce d’amitié, déjà différencié par les modes divers de l’action divine en chaque âme, trouvera une nouvelle et étonnante variété dans la diversité des tempéraments, les différences d’âge et de développement, et jusque dans la multiplicité des dispositions naturelles des âmes qui font oraison.

Suivant les tempéraments, ce commerce d’amitié prendra une forme intellectuelle, affective ou même sensible. L’enfant mettra son amour surnaturel pour Jésus dans un baiser, un sourire envoyé au tabernacle, une caresse à l’Enfant-Jésus, une expression de tristesse devant le crucifix. L’adolescent chantera son amour pour le Christ et le développera en utilisant les expressions et les images qui frappent son imagination et ses sens, en attendant que son intelligence plus développée lui permette d’utiliser les fortes pensées pour faire une oraison plus intellectuelle et plus nourrissante.

L’oraison épousera les formes mouvantes de nos dispositions. La tristesse, la joie, les préoccupations, la maladie ou seulement la fatigue qui rendent impossible l’activité ou du moins la maîtrise de telle ou telle faculté, diversifieront ce commerce qui doit toujours rester sincère et vivant pour réaliser sa définition de commerce d’amitié.

Sous ces formes diverses et à travers toutes ces vicissitudes, le commerce restera essentiellement le même. Souple et actif, l’amour qui l’anime utilisera tour à tour moyens et obstacles, ardeur et impuissance, intelligence ou imagination, sens extérieurs ou foi pure, pour assurer un aliment à sa vie ou des modes nouveaux à son expression. Suivant les tempéraments ou même les heures, il sera triste ou joyeux, ému ou insensible, silencieux ou expansif, actif ou impuissant, prière vocale ou recueillement paisible, méditation ou simple regard, oraison affective ou impuissance douloureuse, élévation d’esprit ou étreinte d’angoisse, enthousiasme sublime dans la lumière ou écrasement suave dans l’humilité profonde ; et parmi ces modes ou oraisons diverses, la meilleure pour lui sera celle qui l’unira le mieux à Dieu et lui assurera l’aliment le meilleur pour son développement et pour l’action, car, en définitive :

L’amour ne consiste pas à répandre des larmes ni à goûter ces douceurs et ces tendresses que l’on désire ordinairement pour y trouver de la consolation : il consiste à servir Dieu dans la justice, dans la force d’âme et dans l’humilité.

Indépendante des formes extérieures déterminées d’avance, l’oraison thérésienne ne connaît d’autre loi que la libre expression de deux amours qui se rencontrent et se donnent l’un à l’autre. Cette liberté n’oppose-t-elle pas l’enseignement thérésien à celui de grands maîtres de la vie spirituelle ? On pourrait le croire.

Les maîtres de l’école ignacienne précisent en effet que c’est par une activité de l’imagination et des sens que l’âme doit aller à la rencontre de Dieu, et que des fortes impressions reçues procèdent les résolutions fécondes. Les maîtres de Saint-Sulpice demandent que l’on utilise des considérations pour parvenir à cette communion avec le Christ qui est la véritable oraison et qui doit avoir comme fruit la coopération efficace de l’âme avec Lui. Les premiers s’adressent à l’ensemble des personnes de piété ; les seconds s’occupent des prêtres et des séminaristes. Les uns et les autres veulent conduire leurs disciples au commerce avec Dieu et leur déterminent le mode d’oraison qui convient le mieux à leur tempérament moral et spirituel. De même, s’adaptant aux exigences de l’esprit de notre temps, les maîtres spirituels modernes nous invitent à nous arrêter simplement devant une attitude de Jésus ou une parole riche de sens pour trouver un contact direct et vivant avec le Christ Jésus.

Spiritualité ignatienne • Sœurs de Saint-André
Saint Ignace

De ces modes d’oraison transformés en méthodes adaptées aux besoins des diverses catégories d’âmes, saint Thérèse ne parle pas en sa définition. Son silence n’est pas mépris, pas plus qu’ignorance. Il a pour but de mettre en relief les éléments constitutifs et essentiels de l’oraison (1). « L’oraison n’est qu’un commerce d’amitié » dit-elle. Sa définition qui embrasse aussi bien l’humble récitation de formules apprises que les ravissements qui font pénétrer les secrets divins, universelle en sa portée, n’en est que plus lumineuse et plus pratique. Elle est celle d’une maîtresse de vie spirituelle, qui parle non point seulement pour une catégorie d’âmes, mais pour l’Eglise universelle.

  • Sainte Thérèse prit conseil des Pères de la Compagnie de Jésus presque dès leur installation à Avila (1555). Elle eut le P. Balthasar Alvarez S. J. comme directeur pendant six ans. Elle connut donc certainement les Exercices de saint Ignace et la méthode d’oraison propagée par la Compagnie.
Balthasar ÁLVAREZ – Éditions Arfuyen

Avide de tout ce qui concernait l’oraison elle connut très probablement aussi la méthode d’un certain abbé de Montserrat, qui était très répandue en Espagne.

Les méthodes peuvent être très utiles, surtout au début de la vie spirituelle, car, adaptées au tempérament de chacun, elles soutiennent et guident judicieusement les efforts des âmes.

Elles ne restent bienfaisantes qu’à la condition qu’on sache abandonner les actes multiples et ordonnés qu’elles prescrivent lorsqu’on est parvenu au but, c’est-à-dire à l’intimité avec Dieu.

Parfois, malheureusement, ces méthodes sont mal comprises. On considère le travail des facultés qu’elles demandent, beaucoup plus que le commerce d’amitié auquel elles doivent conduire. On confond le mode d’oraison et l’oraison elle-même. Faire oraison, pense-t-on, c’est construire un cadre imaginaire, sentir, entendre, voir, avoir de fortes impressions, ou encore faire des considérations ou avoir devant les yeux une vérité à contempler. On consacre tous ses efforts pour réaliser le mode qui a été imposé ou a été choisi ; on se prive de la liberté d’âme nécessaire à la vie d’amour. L’accessoire est devenu l’essentiel au point que l’on oublie que l’oraison est un échange et qu’on ne pense même plus à Dieu à qui l’on doit parler. L’âme s’enferme dans un mode d’oraison particulier, ou plutôt fait de vains efforts pour s’y astreindre, et, n’y parvenant pas ou ne trouvant aucune grâce dans un si rude effort qui reste stérile, elle se retire découragée avec la conviction qu’elle n’est pas faite pour une vie d’oraison.

Cette définition, si large à la fois et si précise, a le souci de respecter la souveraine liberté de Dieu et celle de l’âme dans leurs rapports, souci mainte fois affirmé par sainte Thérèse. Cette liberté lui semble nécessaire pour l’épanouissement de l’âme et sa parfaite soumission à l’action de Dieu. Aussi sainte Thérèse la défend contre toute tyrannie, qu’elle vienne de méthodes trop rigoureuses (2) ou de direction qui l’opprimerait. Si on trouve dans l’âme les signes de l’action de Dieu, à savoir l’humilité et le progrès dans les vertus, on ne doit point l’inquiéter dans ses modes d’oraison : elle a droit à sa liberté et il est du devoir de tous de la respecter.

  • Dans le Chemin de la Perfection sainte Thérèse donnera elle-même une méthode qui est l’oraison de recueillement. Cette méthode n’est liée à aucune forme précise d’activité des facultés et n’affirme que la préoccupation de conduire l’âme à Dieu par le Christ Jésus.

« Commerce intime d’amitié avec Dieu où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Dieu » : ce commerce est essentiellement intime car l’amour a besoin d’intimité.

Le contact avec Dieu s’établit dans les profondeurs de l’âme, en ces régions où Dieu réside et où se trouve l’amour surnaturel diffusé en nous. Dans la mesure où cet amour sera puissant et actif, le commerce sera à la fois fréquent et intime.

L’oraison est aussi une prière personnelle. Même lorsqu’elle se revêt des formes de la prière publique, dont l’expression extérieure est harmonisée dans un groupe, elle reste un commerce seul à seul avec Dieu qui vit en chaque âme, et elle garde son souffle et sa note personnelle.

« Commerce d’amitié avec Dieu dont on se sait aimé » termine la Sainte. Ces paroles si simples dissimulent un grave problème : celui de la nature de l’amour qui nous unit à Dieu et des lois qui le régissent.

Les premiers termes de la définition « commerce intime d’amitié avec Dieu » évoquent en nous la pensée ou le souvenir de l’intimité affectueuse qui nous unit à des personnes. Nous rêvons d’une intimité semblable avec Dieu. Est-elle possible ?

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Le commerce d’amitié avec Dieu dans l’oraison et les relations affectueuses avec un ami sont tous deux inspirés par l’amour, mais les deux amours ne sont pas du même ordre. Le premier est surnaturel ; le second est naturel. Nous voyons l’ami que nous aimons, nous apprécions par expérience ses qualités, nous sentons son affection pour nous et la nôtre pour lui. Cette affection, même très pure, se développe dans le plan naturel et affecte nos facultés humaines. Tandis que je ne vois pas Dieu auquel m’unit l’oraison : il est pur Esprit, l’Être infini, insaisissable à mes facultés humaines, « personne ne l’a vu et c’est son Fils unique qui est dans son sein qui nous a parlé de Lui ».

L’amour surnaturel qui m’unit à Dieu est de même nature que Dieu, donc aussi éloigné d’une appréhension quelconque de mes puissances naturelles que Dieu lui-même.

Le commerce d’amitié de l’oraison se développe entre des réalités surnaturelles qui sont hors du domaine des facultés humaines. Seule la foi nous les révèle avec certitude, mais sans dissiper le mystère qui les entoure. C’est donc grâce aux certitudes de la foi, mais à travers l’obscurité qu’elle laisse, que se fera ce commerce d’amitié avec Dieu « dont on se sait aimé ». L’amour de Dieu pour nous est certain ; la prise de contact avec Lui par la foi est une vérité certaine, mais la pénétration surnaturelle en Dieu peut se produire sans nous laisser une lumière, un sentiment, une expérience quelconque de la richesse que nous y avons puisée.

Car ce commerce d’amitié avec Dieu par la foi nous enrichit certainement. Dieu est amour toujours diffusif. De même qu’on ne peut plonger sans main dans l’eau sans se mouiller, ou dans un brasier sans se brûler, de même on ne peut prendre contact avec Dieu par la foi sans puiser en sa richesse infinie. La pauvre femme malade qui essayait d’arriver jusqu’à Jésus à travers la foule dense, dans les rues de Capharnaüm, se disait elle-même : « Si je réussis à toucher les franges de son vêtement, je serai guérie ». Elle y parvient enfin et arrache, par un contact qui fait tressaillir le Maître, la guérison désirée. Tout contact avec Dieu par la foi a la même efficacité. Indépendamment des grâces particulières qu’il a pu demander et obtenir, il puise en Dieu une augmentation de vie surnaturelle, un enrichissement de charité. L’amour va à l’oraison pour y trouver un aliment, un développement et l’union parfaite qui satisfait tous ses désirs.

Parlant de l’oraison, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus écrit :

Pour moi la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus.

… Quelquefois, lorsque mon esprit est dans une si grande sécheresse qu’il m’est impossible d’en tirer une pensée pour m’unir au Bon Dieu, je récite lentement un « Notre Père » et puis la salutation angélique ; alors ces prières me ravissent, elles nourrissent mon âme bien plus que si je les avais récitées précipitamment une centaine de fois…

Père Marie-Eugènede l’Enfant-Jésus.

On ne saurait mieux dire ce que le commerce d’amitié présent de simple et de profond, de vivant et de surnaturel, sous les formes multiples dont il se revêt pour se nourrir et s’exprimer.

Extrait de « Je veux voir Dieu » du Père Marie Eugène de l’E.J.

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
Sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
Que les pauvres m’entendent et soient en fête !
 

Extrait du Psaume 33

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