Dieu, la Sainte Trinité
10ème partie
Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique
LIVRE 3
La Sainte Vierge Marie,
mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ
Chap. 6, « Dites avec Marie : “Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole.” »
1ère Partie
Un jour de l’Annonciation, je lisais dans mon livre l’évangile de la messe ; je le lisais doucement, avec attention, pour y chercher le fruit du mystère que nous célébrions. Vainement je voulus m’arrêter sur les paroles enfermées dans ce passage de l’évangéliste saint Luc ; je demeurai sans pensées, sans réflexion, sans sentiment. J’appelai Jésus à mon aide ; je me prosternai à genoux à ses pieds devant le tabernacle, et le suppliai de m’éclairer sur le mystère de l’Annonciation. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit :
— Ma fille, vous aimez que je vous parle de ma Mère, moi aussi je l’aime. Pour vous éclairer sur le mystère de ce jour, je veux vous emmener avec moi. Venez, ma fille, suivez-moi.
Jésus me prit par la main. Dès qu’il m’eut touchée, je me sentis élevée en l’air, la terre disparut à mes yeux, je ne vis plus rien, si ce n’est Jésus. Nous arrivâmes à une immense plaine. Ce n’était ni une plaine ni une campagne de la terre ; c’était comme cela, mais ce n’était point cela, et je ne sais le dire autrement. Autour de cette plaine, je vis neuf degrés ou neuf enceintes superposées. Chacune de ces enceintes était immense et occupée par une multitude de jeunes gens vêtus de blanc. Leur robe descendait jusqu’aux genoux ; leurs bras étaient nus, leurs cheveux longs, retroussés en arrière, séparés sur le milieu du front. Ils avaient tous deux ailes sur leurs épaules. Chacun de ces jeunes hommes était brillant comme le soleil ; mais plus l’enceinte était élevée et plus les jeunes hommes de cette enceinte étaient éclatants de lumière. Ceux de la dernière enceinte l’emportaient sur tous les autres.
Au-dessus de ces enceintes je vis un trône magnifique, de l’or le plus fin et le plus brillant. Ce trône n’était que lumière, et cette lumière descendait sur tous les jeunes hommes, qui me semblaient réfléchir la lumière de ce trône. Autour du trône, je vis, prosternés à genoux, sept jeunes hommes, plus brillants que ceux de toutes les enceintes, parce qu’ils approchaient de plus près le trône de la lumière.
Alors, du trône de la lumière, une voix se fit entendre. Tous ceux qui étaient dans les neuf enceintes et les sept qui se trouvaient devant le trône de la lumière prêtèrent l’oreille ; puis le premier des sept monta sur le trône, se prosterna trois fois, quitta cette plaine et passa par les endroits que nous avions parcourus.
— Venez avec moi, ma fille, » me dit alors le Sauveur Jésus. Il me prit encore par la main, et nous arrivâmes, avec celui qui avait quitté la plaine d’en haut, dans une petite cellule. Là, une jeune fille, d’une quinzaine d’années, les mains croisées sur la poitrine, priait, les yeux levés au ciel. Le jeune homme se prosterna devant elle et lui dit :
Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes.
À ces mots, la jeune fille me parut troublée dans la parole qu’elle venait d’entendre. Elle se demandait quel pouvait être ce salut. Alors le jeune homme lui dit :
Ne craignez point, Marie ; vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein et vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand. Son nom sera le Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David, son Père, et il régnera éternellement, et son règne n’aura point de fin.
Alors la jeune fille répondit :
Comment cela s’opèrera-t-il, car je ne connais point d’homme ?
Il lui fut répondu :
Le Saint-Esprit descendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira, et ce qui naîtra de vous est saint et sera appelé le Fils du Très-Haut. Voici que votre parente Élisabeth a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et c’est le sixième mois de la grossesse de celle qui est appelée stérile, parce qu’il n’y a point de promesse irréalisable pour Dieu.
La jeune fille, levant les yeux au ciel, s’écria :
Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole.
Alors tout disparut, le jeune homme venu avec le Sauveur Jésus et moi de la plaine d’en haut, et la jeune fille que nous avions trouvée en prière. Je ne vis plus que le Sauveur Jésus ; il était en face de l’autel. Je me mis à genoux devant lui ; il me bénit, me releva et me dit :
— Ma fille, j’ai voulu parler à vos yeux avant de parler à votre intelligence, parce que votre intelligence comprendra mieux maintenant ce que vos yeux auront aperçu, ce que vos oreilles auront entendu. Cette plaine que vous considériez, ma fille, c’est le ciel ; les neuf enceintes et ceux qui les occupaient, les neuf chœurs des anges ; le trône de lumière, le trône de Dieu ; les sept jeunes hommes qui entouraient ce trône, les sept anges qui sont toujours devant mon Père ; celui qui s’est levé, qui est venu avec vous dans la cellule où nous sommes entrées, c’est l’ange Gabriel ; celle à qui il a parlé, c’est Marie.
« Vous allez maintenant, ma fille, pénétrer plus facilement le mystère sur lequel vous vouliez méditer. Je vous parlerai avec la simplicité d’une mère ; écoutez-moi avec la docilité d’un enfant.
« Mon incarnation était le chef-d’œuvre des manifestations extérieures de Dieu au ciel et sur la terre. Toute l’éternité Dieu a préparé cette œuvre. Quand l’heure sonna, au milieu des temps, il envoya son ange, l’un des sept qui se trouvent toujours en adoration en sa présence et à qui il confie l’exécution de ses commandements, celui qui s’appelle Gabriel, c’est-à-dire force de Dieu ou bien Dieu et homme. Ce n’est pas sans dessein qu’il porte ce nom, force de Dieu, parce qu’il devait être le héros annonçant la grande manifestation de la force et de la puissance qui est en Dieu ; Dieu et homme, parce qu’il devait annoncer la grande merveille d’un Dieu fait homme.
« Il est ange et l’un des plus puissants de la cour de mon Père, et il vient dans la cellule de Marie, que mon Père avait choisie pour me donner le jour sur la terre. C’est le ciel qui apprend cette grande nouvelle à la terre ; c’est un ange qui l’apprend à une vierge ; c’est le plus beau des anges qui l’apprend à la plus sainte des créatures ; c’est l’ange de Dieu qui l’apprend à la mère de Dieu. La terre et le ciel, Dieu et sa justice et sa miséricorde étaient en même temps dans la cellule de Marie. Marie priait, demandait la délivrance du monde, soupirait après la venue du Messie, et Dieu vient à elle par son ange ; Dieu vient lui dire que les temps sont accomplis, que le Messie va naître d’elle ; l’ange la salue et se prosterne devant elle.
« Vous avez contemplé ce spectacle ravissant, admirable, l’ange venant au nom de Dieu, Marie n’ayant point ses yeux fixés sur l’ange, mais toujours sur Dieu, l’ange saluant Marie pleine de grâce, temple de Dieu, femme bénie parmi les femmes, Marie se disant la servante de Dieu. Ce langage n’était point un langage de la terre, c’était plus qu’un langage angélique, il était de Dieu, porté par un ange et reçu par Marie. Or, ma fille, la parole de Dieu est lumière, et cette lumière n’est point une lumière créée, mais incréée, qui ne sort pas de Dieu, qui reste en Dieu, mais dont les rayons viennent et descendent jusqu’à la créature pour lui montrer les choses de Dieu et l’élever jusqu’à lui.
« Marie écouta la parole de Dieu transmise par l’ange et demeura en silence. Son esprit, éclairé aussitôt par cette lumière de la parole, pénètre jusqu’au sein de la Divinité pour y contempler ses desseins éternels. Elle contemple, et cette contemplation est pour elle pleine d’intelligence. L’ange, pénétré de respect, vénérant le silence de Marie et sa contemplation, demeure en silence devant elle.
« N’avez-vous point remarqué cela, ma fille ?
— Oui, Seigneur.
— Qu’avez-vous vu en Marie ?
— Seigneur, je ne saurais m’exprimer, mais il me semble que c’était un ravissement céleste, et puis comme un trouble produit par la parole de l’ange et ce ravissement.
— Ne pensez-vous point que ce soit la présence de l’ange qui l’ait troublée ?
— Non, Seigneur, car j’ai vu clairement et d’une manière sensible la vérité du récit évangélique qui dit que Marie fut troublée dans le discours de l’ange.
— Il en a été ainsi, ma fille. Marie était sainte et pleine de grâces, la pureté de son âme surpassait la pureté de tous les esprits célestes ; la présence d’un ange sous une forme humaine ne pouvait la troubler. Marie était si éclairée, son intelligence si ouverte et si pénétrante, qu’elle eût reconnu un artifice, si l’ange des ténèbres avait voulu se changer pour elle en ange de lumière. Marie n’était pas seulement gardée par un ange, mais par Dieu ; car Dieu était avec elle, et, sous la garde de Dieu, elle ne pouvait ni craindre ni se troubler. Marie fut troublée dans la parole de l’ange. Il y eut combat entre son humilité et la parole du messager céleste. Le combat produisit le trouble de Marie, qui se demanda quelle pouvait être cette salutation et la signification de ces paroles. Ah ! ma fille, l’humilité était si grande en Marie qu’elle ignorait les grandeurs qui étaient en elle. Dieu voulait élever Marie, et Marie ne pensait qu’à s’humilier devant Dieu ; et son humilité lui enlevait la parole, et elle se confondait dans son néant au moment même où Dieu allait l’exalter par sa divinité, qui devait s’unir si intimement à elle. Son humilité devint sa force ; l’ange ajouta :
“Ne craignez point, Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu.”
« Savez-vous, ma fille, quelle est cette grâce que Marie a trouvée devant mon Père ?
— Non, Seigneur.
— Écoutez l’ange, il va vous l’apprendre :
“Voici, lui dit-il, que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus.”