Dieu, la Sainte Trinité
Par Sœur Marie Lataste, mystique catholique
LIVRE 3
La Sainte Vierge Marie,
mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ
Chap. 7, Jésus vivant en Marie. – « Dieu fait homme pour offrir à mon Père le sacrifice qui seul pouvait lui être agréable »
Quelques jours après, je pensais aux grâces si privilégiées que Dieu avait données à Marie ; je félicitais Marie d’avoir été choisie pour mère de Dieu ; je félicitais Jésus d’avoir Marie pour sa mère. Ce furent les seuls sentiments que je pus former dans ma méditation. Selon la recommandation de Jésus, je me tenais silencieuse en sa présence, mon cœur et mon esprit attachés à lui. Il me semblait que mon âme s’embrasait de plus en plus d’amour pour le Sauveur. Il vint à moi du fond du tabernacle et me dit :
— Ma fille, je vous ai parlé sur le mystère de l’Annonciation de ma naissance à Marie et de Marie, aujourd’hui je veux vous parler de ma vie en Marie pendant les neuf mois que j’ai passés en elle, et des mystères opérés par ma présence en son sein virginal.
« J’étais Dieu, Fils de Dieu, Verbe de Dieu, lumière de Dieu, splendeur de la gloire de Dieu, vivant dans Marie, femme mortelle, femme vierge, sainte, immaculée dans sa conception, dans sa naissance et dans sa vie, femme mère de Dieu. J’étais en Marie comme homme, comme Fils d’Adam, Fils de David, en tout semblable aux autres hommes, hormis la similitude du péché. J’étais en Marie, ayant ma vie comme Dieu, et ma vie comme homme ; en elle il y avait ma divinité et mon humanité, et les deux natures divine et humaine se réunissaient dans ma personnalité de Sauveur. J’étais en Marie un Dieu soumis à Dieu le Père, un Dieu incarné, un Dieu fait homme pour offrir à mon Père le sacrifice qui seul pouvait lui être agréable.
« J’étais en Marie, Dieu et homme tout ensemble ; Dieu-Homme s’immolant et se donnant continuellement à Dieu, et lui répétant à chaque moment cette parole :
“Mon Père, vous n’avez point voulu les holocaustes ni les sacrifices des hommes, mais vous m’avez donné un corps, et voici que je viens, Ô mon Dieu, pour faire votre volonté.”
« J’étais Dieu, et je m’adressais à Dieu ; je reconnaissais qu’il m’avait donné le corps dont était revêtue ma divinité ; je le proclamais l’auteur de mon incarnation et je lui offrais tout ce qu’il m’avait donné ; je le lui offrais à l’état de victime, comme un serviteur à son maître, afin de faire sa volonté qui était de sauver le monde.
« N’était-ce pas, en effet, être victime, que de resserrer ma divinité dans le sein de Marie ? N’était-ce pas être soumis comme un serviteur, que de plier et de voiler ma divinité dans l’humanité ? N’était-ce pas être à la fois serviteur et victime, que de m’offrir à Dieu en reconnaissant son domaine sur moi ? N’était-ce pas venir pour sauver le monde, puisque je prenais l’humanité en ma divinité et que je présentais cette humanité sanctifiée par moi à mon Père, afin qu’il l’agréât, qu’il vît dans son Fils éternel ce même Fils fait homme, devenu frère des hommes, et qu’il acceptât tous les hommes comme mes frères en tant qu’Homme-Dieu ?
« Ma vie dans le sein de Marie, c’était une parole continuelle à Dieu mon Père ; c’était une parole de soumission, d’obéissance, d’humilité ; c’était une parole de prière et de supplication ; c’était la parole éternelle, qui est dans le sein du Père, incarnée dans le sein de Marie, et qui, du sein de Marie, s’élevait à Dieu mon Père ; c’était la parole du nouvel Adam conversant avec son Créateur, non plus dans l’orgueil et la superbe du cœur, mais dans la plus profonde humilité, et ce nouvel Adam n’était pas homme seulement, il était Dieu et homme. Aussi, par son humilité et sa divinité, il ne devait point perdre l’homme, mais le racheter et le sauver, car c’était la volonté de Dieu, et j’étais en Marie pour accomplir cette volonté.
« Ma vie en Marie était donc ma vie pour Dieu, c’était aussi ma vie pour ma mère. En vivant dans Marie, je rendais gloire à mon Père, je lui ramenais l’humanité coupable, je satisfaisais sa justice, et tout cela dans un entretien plein d’humilité et de soumission. En vivant en Marie, je rendais aussi gloire à Marie, et jamais nulle créature n’a eu de gloire pareille à cette gloire. Ce n’étaient point les hommes que je lui soumettais, mais ma divinité ; ce n’était point une œuvre de justice, mais de miséricorde que j’accomplissais à son égard ; et de même que j’avais préparé son âme par la parole de ma grâce, de même que je lui avais fait annoncer mon incarnation par la parole de mon ange, je voulais par ma propre parole achever l’œuvre de sanctification et de grandeur qui devait s’opérer en elle. Ma parole à Marie n’était qu’un écho de ma parole à mon Père ; mais Marie recevait cette parole et la conservait en son cœur ; par ma parole à mon Père je complétais de plus en plus l’œuvre de la rédemption du monde ; par ma parole à Marie, je complétais l’œuvre de son union avec moi.
J’étais Dieu, en cette qualité je lui donnais la vie ; j’étais Fils de l’homme, en cette qualité je recevais d’elle ma vie, et, par cet échange réciproque, je l’unissais plus à moi et je m’unissais plus à elle en même temps. J’étais Dieu, et comme Dieu reposant en une créature, Marie était pour moi le seul lieu où je pusse me plaire. Marie étant sainte, toute donnée à Dieu, tout absorbée en moi, elle ne voyait que moi, elle ne soupirait qu’après moi, elle ne désirait que moi, j’étais sa vie, son mouvement, sa richesse, son Dieu ; elle était ma mère et je l’attirais à moi, je me faisais le centre de sa vie. Dieu, dans l’éternité, a été, est et sera toujours l’objet des contemplations de son Verbe. Dans le temps, le Verbe de Dieu fait homme était le continuel objet des contemplations de Marie, et Marie aussi, après mon Père, mais avec mon Père, le continuel objet de mon humanité unie à la divinité.
« Aimez à me contempler dans vos méditations, vivant en Marie ; c’est là une dévotion qui m’est très agréable et qui est peu en usage. Attachez-vous-y, et plus vous vous y attacherez, plus elle aura pour vous d’attraits. Vous ne la comprendrez jamais parfaitement. Sur la terre, ma vie en Marie demeurera comme un livre fermé ; néanmoins je l’ouvrirai pour vous si vous me le demandez. Je vous montrerai le Fils de l’homme occupé en Marie de Dieu et de l’humanité tout entière, et Marie dans toute l’humanité seule occupée de la divinité ; je vous montrerai Celui qui est la vie, tirant la vie d’une créature ; je vous montrerai Celui qui est la lumière, enfermé dans les ténèbres et dans le sein d’une créature ; je vous montrerai Celui qui est Dieu, devenu homme ; l’Éternel, mortel ; le Saint, fait comme pécheur, je vous montrerai une Vierge devenue mère, une Vierge mère portant un Dieu dans son sein, une créature vivifiant le Créateur, le Dieu du ciel et de la terre dépendant de l’œuvre de ses mains ; je vous montrerai la vie divine et la vie humaine ne faisant plus qu’une vie, la vie du Fils de Dieu fait homme.
Contemplez-moi vivant en Marie, et vous pourrez recevoir dans votre esprit une idée de mon humiliation et de la grandeur de Marie, une idée de mon amour pour Marie, et de l’amour de Marie pour moi, de mon union à Marie, et de l’union de Marie avec moi. Contemplez-moi vivant en Marie, et vous aurez une idée des relations ineffables que cette vie établit entre mon Père et Marie ; Dieu m’engendrant de toute éternité et seul dans son sein, Marie seule aussi m’engendrant dans son sein par la vertu de Dieu, Dieu m’appelant son Fils, et Marie me donnant le même nom.
« Vous me verrez Fils de Dieu et fils de Marie, unissant Marie à Dieu et Dieu à Marie, reposant dans le sein de Dieu et dans le sein de Marie, regardant Dieu le Père pour l’aimer comme mon Père, regardant Marie pour l’aimer aussi comme ma mère, ne faisant qu’un avec mon Père, ne faisant qu’un non plus avec ma mère sur la terre, commençant à donner Dieu à l’humanité en Marie, commençant à donner l’humanité à Dieu en lui donnant Marie.
« Je vous laisse, ma fille, à ces pensées, je vous les abandonne ; conservez-les dans votre cœur comme un stimulant précieux qui vous fera désirer de plus en plus que je vienne habiter en vous, vivre avec vous et vous faire goûter les douceurs de ma présence et de mon amour. »