Ukraine, s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard

27 Avr 2022 | Actualités

Halte aux fauteurs de guerre, ou la situation risque de devenir incontrôlable. Dans son éditorial, Riccardo Cascioli renvoie dos à dos les jusqu’au-boutistes des deux bords, au moment où la course des pays de l’UE et des Etats-Unis à qui fournira le plus d’armes à Kiev (souvent à l’insu des gens, la plupart des Français ont voté sans en avoir la moindre idée) fait rage et où il devient ainsi de plus en plus clair que le conflit n’est pas entre la Russie et l’Ukraine mais entre la Russie et les Etats-Unis. Dont le sort des malheureuses populations ukrainiennes est le cadet des soucis.

(…) l’Union européenne et l’OTAN soutiennent Kiev et il est important de savoir quel est l’objectif, nous avons le droit de savoir au moins pour quoi on se bat et quelles armes sont envoyées. D’une certaine manière, les États-Unis ont déjà dit leur mot : faire durer la guerre le plus longtemps possible afin d’affaiblir Poutine. C’est un objectif discutable, étant donné que c’est la population ukrainienne et aussi l’Europe qui paient pour les intérêts de Washington.

Ukraine, s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard

Riccardo Cascioli
27 avril 2022
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Encore plus d’armes pour l’Ukraine, plus d’huile sur le feu de la guerre, alors que la Russie met en garde contre le risque d’une troisième guerre mondiale. Tous s’exaltent pour la guerre, parler de négociations et de paix est devenu tabou. Une alternative est possible, mais il faut qu’il y ait une volonté, et le gouvernement ukrainien doit aussi faire sa part.

Plus d’armes et plus vite pour l’Ukraine. Voilà un résumé de ce qui est ressorti de la réunion des représentants de 40 pays qui se sont rencontrés hier sur la base américaine de Ramstein, dans le sud-ouest de l’Allemagne. Et c’est précisément l’Allemagne qui a marqué un tournant dans sa politique en annonçant l’envoi de 50 chars anti-aériens en Ukraine. Tout cela alors que le gouvernement britannique affirme qu’il est légal pour les forces ukrainiennes de frapper le territoire russe avec des armes fournies par le Royaume-Uni, après que le ministre russe des Affaires étrangères, Lavrov, a mis en garde contre un risque de troisième guerre mondiale. Et ensuite, en réponse au gouvernement britannique, le gouvernement russe a dit qu’alors, par le même raisonnement, la Russie est légitime pour frapper les pays de l’OTAN.

Ainsi, tout parle de guerre, d’encore plus de guerre, les gens continuent à jeter de l’huile sur le feu, personne ne semble vraiment disposé à trouver une solution non militaire à ce conflit. Les images de la population ukrainienne souffrant et payant pour cette guerre ne semblent servir qu’à renforcer le consensus autour de la décision des gouvernements européens de soutenir le gouvernement ukrainien contre le gouvernement russe. Le sentiment très réel est qu’en réalité, à Bruxelles ou à Washington ou même à Kiev, ainsi qu’à Moscou. la population ukrainienne importe peu.

La preuve en est l’attitude envers les réfugiés qui ont quitté l’Ukraine et qui, selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ont atteint le chiffre de 5,2 millions (13% de la population ukrainienne totale, et pourraient dépasser les 8 millions). Le poids de cette masse humaine pèse presque exclusivement sur les voisins de l’Ukraine, Pologne en tête, qui en accueille environ 3 millions. Un autre demi-million se trouve en Hongrie, 800 000 en Roumanie, et ainsi de suite. Eh bien, le président ukrainien Zelensky ne lance jamais d’appel en leur faveur ni ne remercie les pays qui font de leur mieux pour les aider ; et non seulement aucune aide n’est accordée à ces pays par Bruxelles, mais tout est fait pour frapper économiquement la Pologne et la Hongrie, pour les raisons idéologiques bien connues (d’ailleurs, le patriotisme, exalté pour l’Ukraine, devient une menace lorsqu’il est associé à la Pologne et à la Hongrie).

Quoi qu’il en soit, l’aspect le plus grave et le plus préoccupant, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, réside précisément dans le manque de sujets qui ont la volonté et la capacité de trouver un moyen de mettre fin immédiatement au conflit. Tant parmi les parties directement impliquées que parmi les pays qui sont intéressés d’une manière ou d’une autre. Il y a déjà eu deux mois de combats, de destruction, de mort et de violence, et la perspective est que cela continue encore longtemps, avec même le risque que le champ de bataille s’élargisse . En réalité, il devrait être évident que la guerre n’est pas une affaire entre la Russie et l’Ukraine, mais plutôt entre la Russie et l’OTAN (États-Unis en tête), qui jouent le jeu géopolitique sur le terrain en Ukraine (pour l’instant).

Il est nécessaire d’inverser résolument la tendance avant qu’il ne soit trop tard. Pour arriver à une négociation, il y a des pas préliminaires qui doivent être faits, des positions qui doivent être exprimées publiquement. En même temps, donner droit de cité aux raisons de l’adversaire, ce qui ne signifie pas justifier, mais simplement comprendre ce qu’il veut et ensuite identifier où l’on peut se rejoindre, le point de jonction des différents intérêts. Nier que l’Ukraine est une nation et a droit à un État souverain d’un côté et censurer toute position qui ne criminalise pas Poutine, de l’autre signifie vouloir que le dialogue ne commence même pas.

Ensuite, les objectifs doivent être clairs. Comment trouver un terrain d’entente si l’objectif vers lequel je me dirige n’est pas clair ? Il y a quelques soirs, à la télévision, le directeur de Limes [influente revue de géopolitique, un peu le pendant italien du « Monde diplomatique », ndt], Lucio Caracciolo, a déclaré à juste titre que nous ne connaissons pas encore l’objectif du gouvernement ukrainien, ce qu’il veut vraiment. Les intentions de la Russie sont énoncées dès le début : l’objectif politique, le changement de gouvernement à Kiev, semble désormais dépassé ; il sera également problématique de rompre le lien de l’Ukraine – ou ce qu’il en restera – avec les États-Unis ; mais l’objectif militaire est clairement celui de prendre le contrôle du Donbass et de la bande de terre qui le relie à la Crimée, bien qu’on ne puisse exclure un intérêt supplémentaire pour l’occupation de la bande au sud de l’Ukraine pour rejoindre la Transnistrie, une zone russophone de la Moldavie où l’alarme est déjà montée ces dernières heures.

Mais qu’en est-il de Kiev ? Quel est son objectif à ce stade ? On parle beaucoup de l’éventuelle défaite de la Russie, mais comment traduire cela en termes concrets ? La réponse est importante, a dit à juste titre Caracciolo, car l’Union européenne et l’OTAN soutiennent Kiev et il est important de savoir quel est l’objectif, nous avons le droit de savoir au moins pour quoi on se bat et quelles armes sont envoyées. D’une certaine manière, les États-Unis ont déjà dit leur mot : faire durer la guerre le plus longtemps possible afin d’affaiblir Poutine (même pour la Russie, l’idée d’un changement de régime immédiat semble hors de question). C’est un objectif discutable, étant donné que c’est la population ukrainienne et aussi l’Europe qui paient pour les intérêts de Washington.

Mais à un moment donné, que ce soit demain ou dans un an, il faudra mettre fin au conflit, s’asseoir autour d’une table. Quel est donc le véritable objectif de Kiev ? Reprendre le contrôle de la Crimée et du Donbass ? Impensable au vu des forces en présence, sauf si l’on veut vraiment déclencher la troisième guerre mondiale, une confrontation directe entre la Russie et l’OTAN.

Accepter que la Crimée et le Donbass passent définitivement sous contrôle russe, une partition qui créerait deux Ukraine? Mais alors, la question se pose : cette catastrophe n’aurait-elle pas pu et dû être évitée ? Dans tous les cas, une réponse s’impose, ce refrain continu crié à gauche et à droite, « Armes, armes, armes », est irritant autant que très suspect.

Cinq ans après l’annexion, Poutine vante la « sécurité énergétique » apportée à la Crimée – L’Express

Ce n’est pas avec la guerre que l’on construit la paix, et ce qui se passe actuellement nous le montre une fois de plus.

Source : Ukraine, s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard | Benoit et Moi (benoit-et-moi.fr)

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