Le Malin, et un généreux donateur. Sainte Thérèse d’Avila

Ils ont vu le purgatoire

Un ouvrage de Jean Mathiot

Le Malin, et un généreux donateur.
Saine Thérèse d’Avila
(1515-11582) Espagne, Avila.

Thérèse entra au Carmel à 18 ans. Elle eut beaucoup d’épreuves morales et physiques à supporter pendant 18 ans. Dieu lui inspira d’entreprendre la réforme de son Ordre, s’y appliquant au milieu d’innombrables difficultés ; elle établit 32 monastères réformés. Au milieu de sa vie très active, elle reçut d’abondantes grâces de contemplation et mit par écrit les secrets de la vie intérieure et mystique avec beaucoup de clarté. Elle mourut à 67 ans.

Sainte Thérèse raconte : « Un jour, le soir même de la commémoration, des fidèles défunts (2 novembre), je me retirai dans mon oratoire pour y réciter l’office des morts : à ce moment, parut un monstre horrible, qui s’arrêta sur le livre, de telle façon que je ne pouvais plus lire ni poursuivre mes prières. Je me défendis par des signes de croix, et l’esprit maudit se retira par trois fois ; mais, à peine me mettais-je en devoir de recommencer la récitation des psaumes, qu’il revenait m’apporter le même trouble et le même dérangement. Il m’était impossible de l’éloigner, si ce n’est en aspergeant le livre d’eau bénite, et en jetant même quelques gouttes sur lui. A ce moment-là, il prit la fuite avec précipitation et me laissa achever mes prières. Je les avais à peine finies que je vis sortir un certain nombre d’âmes du purgatoire : il ne leur avait manqué jusque-là que ce léger suffrage, et c’est pour cela que le démon jaloux voulait m’en empêcher. »

Elle eut encore un grand nombre d’apparitions, et elle assure que, de tant d’âmes dont le sort lui avait été révélé, elle n’en vit que trois monter directement au ciel, sans passer par l’expiation.

Une religieuse de son couvent venait de mourir. Thérèse, empressée de prier pour elle, assistait à l’office des morts, lorsque au commencement de la première leçon des matines, elle vit l’âme sortir de l’église et voler directement au paradis.

La seconde fois, ce fut un religieux de la compagnie de Jésus : elle entendait la sainte messe à son intention, offrant à Dieu avec le prêtre l’Hostie de propitiation et tout le sang du Sauveur ; tout-à-coup elle voit apparaître le Sauveur lui-même, la bonté et la miséricorde sur le visage, qui vient de prendre cette âme toute rayonnante, et l’emmène avec lui dans la patrie céleste.

Voyant donc ses prières ainsi exaucées, Thérèse s’enflammait d’une ardeur nouvelle pour intercéder en faveur des pauvres âmes. Et elle mettait tous ses soins à répandre cette sainte dévotion dans les monastères de son ordre ; et elle y réussit.

Valladolid

Le deux novembre, après avoir chanté l’office de Requiem, les religieux comme les religieuses se rassemblaient pour entendre une exhortation sur les âmes du purgatoire et sur les moyens de les soulager ; chacun donnait par écrit la promesse de faire pour elles, l’année suivante, telle et telle œuvre, les uns des mortifications, les autres de longues prières, ceux-ci des aumônes spirituelles aux pauvres et aux abandonnés, suivant que leur zèle ou leur inspiration particulière les dirigeait, Don Bernardin de Monza, frère de l’évêque d’Avila, poussé pour son amour pour la sainte Vierge, offrit à sainte Thérèse une maison et un beau jardin à Valladolid pour y fonder un couvent de carmélites en l’honneur de la mère de Dieu. Il y appela sainte Thérèse, et la pria instamment d’en prendre possession et de mettre immédiatement la main à l’œuvre, comme s’il avait eu le pressentiment qu’il lui restait peu à vivre. Or, cette aumône devait être bien profitable à son âme. Thérèse retenue ailleurs par d’autres fondations de monastères, qui furent la continuelle occupation de sa vie ne put venir que deux mois après. Don Bernardin fut pris d’une maladie subite qui lui enleva l’usage de la parole. Il ne put se confesser que par signe. Quelques jours après, il expirait dans une localité fort éloignée de Alcala où se trouvait Thérèse. Elle en fut très peinée. « Notre Seigneur me dit : ‘Ma fille, son salut a été en grand danger, mais j’ai eu compassion de lui, et lui ai fait miséricorde en considération du service qu’il a rendu à ma Mère, en donnant cette maison pour y établir un monastère de son Ordre. Néanmoins, il ne sortira du purgatoire qu’à la première messe qui sera dite dans ce nouveau couvent. »

« A parti de de jour, dit Thérèse, les grandes souffrances de cette âme furent sans cesse présentes à mon esprit ; aussi, malgré tout mon désir de faire la fondation de Tolède, j’y renonçais pour lors, et sans perdre un moment, je travaillai de tout mon pouvoir à celle de Valladolid.

« L’exécution de mon dessein ne put être aussi prompte que je le souhaitais et je fus contrainte de m’arrêter durant quelques jours au monastère de Saint Joseph d’Avila, dont j’étais prieure, et ensuite à Saint Joseph de Médina del Campo, qui se trouvait sur mon chemin. Dans ce dernier monastère, Notre Seigneur me dit un jour dans l’oraison : ‘Hâte-toi car cette âme souffre beaucoup.’ Dès ce moment, rien ne put me retenir. Quoique dépourvue de bien des choses nécessaires, je me mis en route, et j’arrivai à Valladolid le jour de la fête de Saint Laurent. Lorsque je vis la maison où nous devions habiter, j’éprouvai un sensible déplaisir : si le jardin était beau et agréable, la maison située sur le bord de la rivière était malsaine et il était impossible de la rendre habitable pour des religieuses, à moins d’y faire de très grandes dépenses. Arrivée fatiguée du voyage, il fallut aller entendre la messe dans un monastère de notre Ordre, situé à l’entrée de la ville ; c’était si loin que la longueur du chemin redoubla ma peine, néanmoins, je n’en témoignai rien à mes compagnes, de peur de les décourager. Au milieu de ma faiblesse, ce que Notre Seigneur m’avait dit me soutenait et ma confiance en lui me faisait espérer qu’il remédiera à tout. A mon retour, j’envoyais secrètement chercher des ouvriers, et à l’aide de quelques cloisons que je leur fis élever, j’improvisai des cellules où nous pouvions être recueillies. Un des deux religieux qui voulaient embrasser la réforme (saint Jean de la Croix) et Julien d’Avila étaient avec nous. Le premier s’informait de notre manière de vivre ; le second s’occupait d’obtenir par écrit, du prélat, la permission de fonder ; car, avant mon arrivée, il ne nous avait été donné que de bonnes espérances.

Cela ne put se faire de sitôt, et le dimanche étant venu avant que l’autorisation nous fut accordée, on nous permit seulement de faire dire la messe dans le lieu destiné à devenir l’église du monastère.

« Le saint sacrifice y fut donc offert. J’étais en ce moment fort éloignée de songer que la prédiction de Notre Seigneur, touchant ce gentilhomme (Bernardin de Mendoza), dût s’accomplir alors ; j’étais au contraire, persuadée que par ces paroles « à la première messe », le divin Maître désignait celle où l’on mettrait le très sacrement dans notre église. Au moment de la communion, le prêtre s’avança vers nous, tenant le ciboire en mains. J’approchai, et à l’instant même où il me donnait la sainte Hostie, ce gentilhomme m’apparut avec un visage tout resplendissant ; l’allégresse peinte sur les traits, et les mains jointes, il me remercia de ce que j’avais fait pour le tirer du Purgatoire ; je le vis ensuite monter au Ciel.

« Je l’avouerai : la première fois que j’entendis de la bouche du divin Maître qu’il était en voie de salut, j’étais loin d’une si consolante pensée ; je ressentais au contraire une peine très vive ; il me semblait qu’avec la vie qu’il avait menée, il eût fallu un autre genre de mort. Si ses vertus et ses bonnes œuvres me rassuraient, je ne laissais pas de craindre, parce qu’il était engagé dans les choses du monde. Voici néanmoins un fait qui est bien en sa faveur : il avait dit à mes compagnes qu’il songeait très sérieusement à la mort. Oh ! Qu’un service, quel qu’il soit, rendu à la très Sainte Vierge, est une grande chose ! Qui dira combien Notre Seigneur l’agrée, et combien sa miséricorde est grande ! Qu’il soit béni et loué à jamais de ce qu’il imprime à la bassesse, au faible mérite de nos bonnes œuvres, un tel caractère de grandeur, et de ce qu’il leur réserve pour salaire une vie et une gloire éternelles ! »

Elle parle encore d’un provincial de l’Ordre des Carmes pour qui elle prévoyait un long purgatoire à cause des responsabilités de sa charge : « Quoique ce fut pour un homme recommandable par bien des vertus, j’appréhendais pour le salut de son âme, parce qu’il avait été pendant vingt ans supérieur, et que je crains toujours beaucoup pour ceux qui ont charge d’âmes. Je m’en allai fort triste à un oratoire ; là je conjurai Notre Seigneur d’appliquer à ce religieux le peu de bien que j’avais fait en ma vie et de suppléer au reste par ses mérites infinis, afin de tirer son âme du Purgatoire.

Pendant que je demandais cette grâce avec toute la ferveur dont j’étais capable je vis, à mon côté droit, cette âme sortir du font de la terre et monter au Ciel dans des transports d’allégresse. Bien que ce Père fut fort âgé, il m’apparut sous les traits d’un homme qui n’avait pas encore trente ans, et avec un visage tout resplendissant de lumière. Il n’y avait pas alors plus de quinze jours qu’il n’avait cessé de vivre. »

D’une carmélite fervente, Thérèse rapporte qu’elle ne passa en purgatoire que deux jours ; d’une autre, morte toute jeune après avoir supporté patiemment la maladie, que son expiation ne dura que quatre heures ; d’un frère coadjuteur jésuite, mort pendant la nuit, qu’il fut délivré durant la messe qu’un Père de la Compagnie célébra pour lui le lendemain.

Bibliographie : Vie de Sainte Thérèse par elle-même ; S.31 et 38. – P. Fr. Ribiera, vie de sainte Thérèse, Livre II, ch. 10 et 12.

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