L’édito ARLV : La Ve République survivra-t-elle à la chute de l’Empire Européen ?

L’empire, une histoire d’amour qui finit toujours mal

Il y a 30 ans, le 20 septembre 1992, par référendum avec 51 % des voix les Français ratifiaient le traité de Maastricht instituant la « Communauté européenne », remplaçant la « Communauté économique européenne ». Ce traité marque la fondation de l’Union européenne. Nous assistons depuis à une extension sans fin, annexion de territoires autant qu’emprise politique et morale sur les peuples conquis. Un peu comme un vélo qui non seulement doit toujours rouler pour rester debout, mais devrait aussi rouler de plus en plus vite. Toutefois cette Union peut-elle continuer éternellement sa course effrénée ? Et en cas de chute que restera-t-il de nos institutions nationales ?

Le premier empire napoléonien, mû par une mystique de conquêtes, s’est définitivement effondré à Waterloo en 1815. L’empire a duré 11 ans. Napoléon III prend le contre-pied de son oncle en déclarant en 1852, pour préparer son coup d’état : « l’Empire c’est la paix ». Cela ne l’empêche pas de s’effondrer dans la guerre et la défaite de Sedan en 1870. L’empire a duré 18 ans. L’empire soviétique, mû par son utopie communiste, est tombé en 1991 rongé par sa propre idéologie. D’abord conquérant intellectuellement et militairement, il devient au fil des générations passant une immense bureaucratie irresponsable, colosse aux pieds d’argile qui s’effondre sur lui-même. L’empire a duré 69 ans.

Le troisième Reich, empire construit pour durer 1000 ans, mû par une mystique de supériorité de race, se perd dans les lointaines steppes d’Europe orientale pour finir par s’effondrer en 1945 dans les ruines de Berlin. L’empire a duré 12 ans. Il succédait au deuxième Reich, fondé en 1870 dans notre prestigieuse Galerie des Glaces de Versailles, pour marquer une revanche historique face à nos rois catholiques qui ont mis plus de 1000 ans pour construire prudemment l’unité Française, et mû par une mystique romantique d’unité germanique et de force guerrière prussienne protestante. L’empire a duré 48 ans. Il en est de même des empires coloniaux des puissances occidentales, bâtis de manière complexe sur des intérêts économiques, des rivalités de domination, mais aussi pour certains sur un véritable souci de répandre la civilisation chrétienne. Ils se sont tous effondrés.

Jean Tulard, grand historien, caractérise l’empire par cinq traits : une volonté expansionniste, une organisation centralisée, des peuples encadrés par une armature politique et fiscale, la croyance en une supériorité d’essence, un début et une fin clairement identifiés. Pour l’Empire européen tous ces aspects sont présents, ou se développent. Un seul point n’est pas encore clairement identifié, le dernier, sa fin !

L’historien Jacques Bainville, véritable maître de la philosophie de l’histoire, formant avec Charles Maurras le penseur politique et Léon Daudet le polémiste un trio à la une du quotidien l’Action Française, enseigne que « la seule chose qu’on ne puisse déterminer (…), c’est la vitesse des événements, même quand l’arrivée de ces événements est d’une certitude absolue » (cf. « Réflexions sur la politique » par J. Bainville).

L’empire peut dans un premier temps fédérer des peuples et des nations qui y trouvent sécurité et prospérité. En particulier, au lendemain de deux guerres mondiales, le souci premier de notre peuple meurtri a été la reconstruction, le développement économique, et surtout la paix. François Mitterrand en 1995 déclarait « le nationalisme c’est la guerre », tant les deux « guerres civiles » entre nations européennes ont pu traumatiser des générations. Toutefois, si une entente et une coopération sont nécessaires entre pays de vieille civilisation chrétienne, vouloir dans une course effrénée tout effacer au profit d’un individualisme sans frontière, d’un mondialisme marchand et de valeurs sociétales débridées, est le plus sûr moyen d’entraîner des conséquences funestes qui provoqueront la colère des peuples et le réveil des nations.

L’Union européenne, un empire sournois qui se craquèle

Philippe de Villiers dans son livre magistral « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu », présente avec clarté la démarche de l’Empire européen, en particulier dans son chapitre « Le voleur chinois ». L’ancien ministre de la justice Jean Foyer décrit la méthode :

« Pour s’emparer d’un vase précieux placé au centre d’un grand comptoir, le voleur chinois vient chaque jour le déplacer d’un centimètre jusqu’à ce qu’il se trouve au bord et hors de portée de vue du marchand. Il peut alors le faire tomber dans son sac, ni vu ni connu ».

Leur Empire est une construction sans fin, qui se définit par son propre mouvement. Les traités ont été pensés et écrits pour faire coulisser un nœud coulant invisible, il suffit que les commissaires et les juristes le resserrent chaque jour. L’objectif final :

« dépouiller les démocraties, empêcher quiconque de prendre la mesure des transferts furtifs de pans successifs de souveraineté ».

Mais alors, qu’en est-il de la volonté des peuples ? Finiront-ils par le comprendre, et continueront-ils à l’accepter ?

Les idées mènent le monde, certes, mais pour la grande majorité des citoyens c’est uniquement leur quotidien qui les mène, qui les fait réagir. Et là l’ardoise du quotidien s’alourdit chaque jour, de plus en plus vite. Les crises les touchant personnellement n’en sont qu’à leur début, immigration et insécurité, énergie et pouvoir d’achat, bouleversements anthropologiques avec les lois touchant la nature même de l’homme…

Assistons-nous aujourd’hui à la fissuration des pieds d’argile du colosse Empire européen ? On en voit certainement les prémisses, tant il apparaît que l’entraînement de nos nations vers ses folles utopies contredit toute loi naturelle. « Dieu pardonne toujours, l’homme pardonne parfois, mais la nature ne pardonne jamais » (proverbe espagnol).

A la chute de l’Union soviétique, la Pologne et la Hongrie se sont tournés vers l’Occident en adhérant en 2004 à l’Union européenne, pensant quitter la nuit pour trouver le jour. Malheureusement les jours s’assombrissent, la lune de miel tourne à un cauchemar qui veut ronger leur civilisation. Dans le prolongement d’une religion populaire restée vivante, avec la République Tchèque et la Slovaquie dans le groupe de Visegrád, ils ont conscience que leur nation reste un rempart pour leur civilisation.

« La nature d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour d’une religion. Notre civilisation (…) sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera », déclarait André Malraux.

Le Royaume Uni a largué les amarres en quittant l’Empire européen en 2020. Ce peuple a gardé une fierté à l’ombre de sa couronne qui lui assure une continuité séculaire. La reine est morte, vive le roi ! En Suède le peuple a élu une assemblée à majorité de droite comprenant la droite nationale en tête. En Italie c’est fait ce 25 septembre avec Fratelli d’Italia en tête. En France les partis de droite nationale ont enregistré une forte poussée. Ils ne réclament pas une sortie immédiate de l’Empire, mais au moins prônent des idées qui s’écartent de ses valeurs les plus perverses. Le mieux est l’ennemi du bien. L’action politique n’est pas la morale, l’exigence immédiate de la perfection, mais l’art du possible, la recherche d’une progression.

La République, 5ème du nom, s’en remettra-t-elle ?

La Vè République comporte trois piliers fondamentaux, un système juridique régissant le fonctionnement du pays par un texte, la constitution de 1958, des valeurs censées lui donner un souffle, une raison d’être supérieure, et un peuple donnant vie à ce système, tout au moins une partie suffisante du peuple pour jouer le jeu prévu par l’article 2 « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Retirez au moins un de ces piliers, et, comme chaque pied d’un trépied est indispensable pour tenir debout, le régime actuel pourra-t-il subsister à la chute de l’Empire européen, tant ce monstre semble être devenu la corde soutenant le pendu ?
L’article 3 de la constitution déclare : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie de référendum », l’article 5 : « (le président de la république) est le garant de l’indépendance nationale ». Qu’en est-il alors de notre souveraineté ainsi « garantie » ? En prolongeant la lecture nous arrivons à l’article 88 qui précise : « La République peut conclure des accords avec des États qui désirent s’associer à elle pour développer leurs civilisations ». Développer les civilisations, j’imagine là une généreuse perspective dans l’esprit des rédacteurs, en vue de collaborations intellectuelles, artistiques, morales même, afin d’accroître ce beau capital immatériel de la civilisation.

En 1992, après la signature du traité de Maastricht, un Titre XV « De l’Union européenne » est ajouté à la suite de cet article 88, le développant par des articles 88-1 à 88-7 relatifs à la construction de l’Union européenne. Ils comprennent en particulier l’exercice en commun de certaines de leurs compétences, des droits de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union, l’enregistrement par nos assemblées des actes et des résolutions de l’Union… Torture invraisemblable d’un 88ème article marginal comprenant deux lignes consacrées à la civilisation, pour intégrer là un développement de la souveraineté de l’Empire, en violant de manière flagrante les premiers articles fondamentaux qui affirment notre souveraineté nationale tant défendue par l’inspirateur de cette constitution, C. de Gaulle. Telle des métastases galopantes parties d’un organe périphérique, cette infection gagne le corps complet pour l’étouffer et se substituer à lui. La constitution de la Ve République entièrement dénaturée, premier pied du trépied, survivra-t-elle à la chute de l’Empire ?

Les « Valeurs de la République » sont censées lui donner un esprit, une valeur morale supérieure à celle de tout autre régime, devant définitivement faire le bonheur du peuple, un peu comme une conclusion définitive de l’histoire après monarchies et empires, la « Raison » ayant enfin supplantée l’obscurantisme. Il n’empêche que la colère gronde de plus en plus dans ce peuple touché dans sa chair même par des impératifs quotidiens criants, de sécurité plus que de « Liberté », de pouvoir d’achat suffisant pour faire vivre dignement sa famille plus que d’ « Egalité », et d’inquiétude grandissante face à la substitution de population et de civilisation plus que de « Fraternité ». Le deuxième pied du régime est évanescent.

Il en résulte un détournement grandissant du peuple vis-à-vis des élites qui ont bradé le pouvoir à l’Empire, caractérisé par une abstention croissante aux élections, et pour ceux qui votent encore par un rejet important de leurs partis. Le troisième pied est vermoulu. L’Empire européen exacerbe toutes ces inquiétudes, sapant les piliers supportant notre République. La chute de l’Empire, couvé dans le sein même de la République, pourrait bien entraîner la perte de ce régime. « La foule croit toujours que ce qui est sera éternellement. Le don de découverte et d’anticipation n’appartient qu’à un tout petit nombre d’hommes » (Bainville).

L’appel au roi, nature profonde de la France

En 1814, voyant la fin de l’empire arriver, Napoléon déclarait « Au point où les choses sont venues, il n’y a qu’un Bourbon qui me puisse succéder ». La république, en France tout au moins, est le fruit d’une pensée philosophique qui imagine le monde. La monarchie est le fruit d’une expérience multiséculaire qui s’est adaptée à la géographie, à l’histoire, aux peuples et à leur civilisation, elle est le fruit d’une nature telle que la Création nous l’a laissée.

Le Prince Louis de Bourbon déclare au journal « Une France Un Roy », septembre 2022 : « Un capétien ne peut être que pour l’Europe qui a été le creuset de la civilisation occidentale à laquelle le monde entier doit tant. L’Europe a toujours eu le souci de transmettre sur les cinq continents ses valeurs inspirées par sa foi chrétienne et l’héritage gréco-romain. Qu’a-t-elle à transmettre actuellement si ce n’est des idéologies délétères. Avec l’Union européenne ce qui était un projet de civilisation rayonnant sur le monde, est devenu un mauvais modèle économique et financier technocratique menant à une mondialisation dangereuse puisqu’ordonnée à rien d’autre que l’esprit de profits à court terme. (…) La France doit reprendre conscience de sa vocation d’éducatrice des nations ». « Le roi sous-entend une volonté de partager un destin commun, un grand dessein dans lequel tous se retrouvent, heureuse alchimie entre les désirs individuels et la volonté de garantir ce que les anciens appelaient la chose publique. Les Français n’ont jamais totalement oublié le roi. Mais d’un certain sentiment en faveur de la royauté il conviendrait de passer à une volonté ».

« Les hommes, pour le plus grand nombre, n’imaginent rien. Ils acceptent et ils subissent les événements sans savoir et sans concevoir ce que ceux-ci ont de fortuit, de contingent et, dans cette mesure de libre » (Bainville). Cette liberté face aux événements ne pourra être mise à profit que dans la mesure où suffisamment de Français auront acquis cette volonté réclamée par le Prince. L’histoire nous enseigne que les grands changements viennent d’un état d’esprit général favorable, ou tout au moins pas opposé, des circonstances, et d’une poignée d’hommes formés. S’ajoutent là-dessus les desseins de la Providence…

Pascal Théry – président Association Royaliste Légitimiste de Vendée

Source : L’édito ARLV : La Ve République survivra-t-elle à la chute de l’Empire Européen ? – Le Salon Beige

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