
Méditons sur la grande fête du jour,
et nous apprendrons de cette solennité :
1° ce que c’est qu’être un saint;
2° que nous devons l’être;
3° que nous le pouvons.
Méditation sur la fête de la Toussaint
Elevons-nous en esprit dans le ciel, contemplons la gloire et le bonheur des saints, et bénissons le Seigneur, qui récompense si magnifiquement ses élus. Unissons nos adorations et nos louanges à celles des bienheureux, qui ne cessent ni jour ni nuit de l’exalter, en disant : Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées ! Honneur, gloire, louange et bénédiction à Celui qui est sur le trône et à l’Agneau ! Rendons en même temps nos hommages aux saints, afin de réparer par-là les fautes commises dans la célébration de chacune de leurs fêtes particulières, et de suppléer au culte que nous n’avons pas rendu à tant de saints que la terre ne connaît pas encore et que le ciel couronne.
La solennité de ce jour nous apprend ce que c’est qu’être un saint.
Notre lâcheté, ingénieuse à se faire illusion, voudrait nous persuader qu’il est, pour aller au ciel, une voie commode, où l’on peut ne point se gêner et vivre à son aise, fuir la croix et se satisfaire en tout ce qui n’est pas évidemment péché mortel, suivre la volonté propre et ses caprices, l’amour-propre et sa vanité ; mais, en ce jour, interrogeons les saints et demandons-leur s’il en est un seul qui se soit sauvé par cette voie. Ils nous répondront avec l’Evangile qui se lit solennellement aujourd’hui comme une protestation contre ce système de morale relâchée. Que nous dit cet Evangile, si ce n’est que les bienheureux, ou les saints, ce sont les humbles, pauvres et détachés de tout ; ce sont les cœurs doux, qui souffrent tout de tout le monde, sans rien faire souffrir à personne, rendent le bien pour le mal, la louange pour le blâme, l’amour pour la haine; ce sont les éprouvés, qui coulent leurs jours dans l’affliction et les larmes, loin des joies du monde ; ce sont les zélés pour leur propre perfection, qui ont faim et soif d’une justice toujours plus grande ; ce sont les miséricordieux, qui compatissent à toutes les peines de leurs frères et prennent en pitié avec toutes les misères humaines ; ce sont les cœurs purs, qui ont horreur des moindres tâches ; ce sont les pacifiques qui ne laissent point les passions troubler la paix de leur âme et vivent en paix avec tout le monde ; ce sont les persécutés, qui supportent sans trouble l’insulte et la calomnie. Voilà les saints au jugement de Jésus-Christ de l’Evangile. Trouvons-nous place en ce portrait pour la lâcheté, la tiédeur, la vie commode et sans gêne ?

La solennité de ce jour nous rappelle que nous devons être des saints.
En effet, pendant toute l’éternité, il n’y aura pas de milieu entre être un saint et être un réprouvé, comme il n’y en aura entre le ciel et l’enfer. Entre ces deux alternatives, c’est à nous de choisir : pouvons-nous balancer un instant et ne pas nous dire du fond du cœur : oui, je veux être un saint ; je sens qu’il le faut, puisque sans cela je serais un réprouvé ? Il le faut, puisqu’à ce prix même ce n’est pas acheté le ciel trop cher : les joies enivrantes et éternelles des saints valent des millions de fois toutes les privations de la vie, toutes les peines de la vertu. Il le faut, parce que ce n’est pas trop donné pour échapper à l’enfer, dont je me préserve en suivant la voie des saints. Mais, s’il le faut, je dois donc me convertir : car je suis bien loin d’être un saint. Où est en moi l’humilité des saints, leur douceur, leur patience, leur vie de foi ? Miséricorde, Seigneur, miséricorde ! La fête de ce jour me rappelle que je dois être un saint, et je veux le devenir.
La solennité de ce jour nous montre que nous pouvons être des saints.
Moi, être un saint ! N’est-ce pas une entreprise au-dessus de mes forces ? nous dira notre faiblesse. Non, répondent en ce jour, par leurs exemples, tous les saints du ciel. Nous voyons, en effet, parmi eux des saints de tout âge, de toutes conditions et de tout sexe. Or ce qu’ils ont pu, pourquoi ne pourrais-je pas ? Tant de chrétiens dans le monde se sont conservés purs parmi tous les dangers de la séduction, recueillis parmi la dissipation et le tumulte, pauvres et détachés parmi les richesses, mortifiés parmi les occasions de jouissance. Pourquoi ne pourrais-je pas, dans des conditions meilleures, faire ce qu’ils ont fait dans une position plus difficile ? Il n’y à point ici à dire : j’ai des passions qui m’entraînent, des tentations qui me sollicitent. Les saints en ont eu aussi, et de plus violentes, et ils en ont triomphé. Pourquoi ne pourrais-je pas en triompher comme eux? Il n’y à point à dire : le sérieux de la sainteté, la monotonie du devoir m’ennuient ; je n’y puis tenir. Est-ce que les saints n’ont pas, eux aussi, éprouvé ces ennuis, ces dégoûts ? Il les ont supportés, et plus longtemps que moi; et maintenant qu’ils sont au ciel, comme ils s’en savent bon gré ! comme ils comprennent qu’ils ont bien fait ! Mais ma faiblesse me fait peur ; je crains de ne pouvoir persévérer. Hélas! les saints étaient faibles comme moi; la grâce les a soutenus. Pourquoi n’espérerais-je pas qu’elle me soutiendra comme eux ? C’est ainsi que tout prétexte est confondu, toute excuse tombe devant ce seul mot de saint Augustin : “Ne puis-je pas ce que d’autres ont pu” ?

Nous prendrons la résolution : 1° d’honorer les saints par l’estime et l’admiration de leurs vertus et de les invoquer avec confiance ; 2° de les imiter, en nous disant souvent: « Je dois être un saint, je le puis et je le veux : comment un saint ferait-il celte action, cette prière ? comment parlerait-il, se conduirait-il en telle ou telle circonstance? »
Notre bouquet spirituel sera le mot de saint Augustin : Ce qu’ont fait ceux-ci et celles-ci, pourquoi ne le ferais-je pas ?
Source : https://liesidotorg.com/2022/11/01/meditation-sur-la-fete-de-la-toussaint/