Sainte Thérèse de l’E.J. et le livre de l’abbé Arminjon – 3ème Conférence : De la Résurrection des corps et du jugement universel (1ère partie)

FIN DU MONDE PRÉSENT
ET
MYSTÈRE DE LA VIE FUTURE

PREMIÈRE CONFÉRENCE

De la Résurrection des corps et du jugement universel

I. LA RESURRECTION DES CORPS EST UNE VERITE DE FOI DEMONTREE PAR LES ÉCRITURES.

Le dogme de la résurrection, était le sujet favori de saint Paul. – Il est la base de nos espérances, le principe, le nœud et la conclusion de tout le mystère chrétien. – Magnifique exposé de la doctrine de la Résurrection par saint Paul. – Cette doctrine est contenue dans le symbole que l’Église chante. – A la Résurrection, nous serons identiquement les mêmes, et nous nous reconnaîtrons comme nous nous reconnaissons ici bas. Témoignage de l’Ancien Testament. – Job. – La mère des Macchabées. – Allégories et figures de la Résurrection retracées par saint Jérôme.

Le monde doit avoir une fin, et cette fin n’aura pas lieu que l’Antéchrist n’ait paru.

Le protestantisme et l’incrédulité rejettent la personnalité de l’Antéchrist ; ils ne le considèrent que comme un mythe, un être allégorique et imaginaire. Ou bien encore, ils ne voient dans cet homme de péché, annoncé par saint Paul, que le chef de la lutte antichrétienne, le coryphée et le messie de la franc-maçonnerie et des sectes suscité pour conduire la civilisation à son apogée, en l’affranchissant à jamais des ténèbres de la superstition, c’est à dire en supprimant, sur toute l’étendue de la terre, toute religion positive et toute croyance révélée.

Mais, parmi les vérités qui ont trait à la conclusion de nos destinées dans le temps, il en est une qui répugne spécialement aux passions humaines, que le rationalisme et la libre pensée ne cessent de combattre à outrance, dont ils font le point de mire de leurs sophismes les plus astucieux et de leurs négations les  plus effrontées. Cette doctrine, la plus glorieuse et la plus consolante pour notre nature humaine, est celle de la résurrection future de nos corps. Tantôt, comme saint Paul en fit l’expérience à Athènes, la science incrédule s’étudie à étouffer cette doctrine sous le poids de ses moqueries et de ses sarcasmes ; tantôt, comme il advint au tribunal du prêteur Félix, en l’entendant énoncer, elle pâlit et se sent saisie d’épouvante : Disputante autem illo… de judicio futuro, tremefactus Felix respondit… Vade : tempore autem opportuno accersam te[1].

Il ressort de ce passage, et d’une multitude d’autres épars dans les épîtres de saint Paul, que le dogme de la résurrection des corps était le sujet favori et populaire des prédications de l’Apôtre ; il l’énonçait hardiment dans les prétoires, dans les synagogues, dans l’aréopage des sages et des philosophes de la Grèce. Aux yeux de saint Paul, cette doctrine de la Résurrection future est la base de nos espérances, la solution du mystère de la vie, le principe, le nœud, la conclusion de tout le système chrétien. Sans elle, les lois divines et humaines restent dépouillées de toute sanction, les doctrines spiritualistes ne sont plus qu’une inanité. L’unique sagesse est celle qui consiste à vivre et à jouir comme la bête ; car si l’homme ne doit pas revivre après la mort, le juste qui lutte contre son propre cœur et qui réprime ses passions est un insensé. Les martyrs qui ont souffert pour l’honneur du Christ, et qui se sont laissé déchirer par les lions dans les amphithéâtres, ne sont que des convulsionnaires et des égarés[2]. Dès qu’il est admis que les destinées de l’homme sont circonscrites dans la vie présente, le bonheur ici bas ne réside plus que dans le matérialisme le plus éhonté et le plus abject. Le seul évangile vrai, l’unique philosophie saine et rationnelle est celle d’Epicure qui se résume dans ces mots : Manducemus et bibamus, cras enim moriemur[3].

Pour détourner les âmes des convoitises grossières et afin de les élever à des aspirations dignes de leur céleste origine, l’Apôtre ne cesse d’inculquer cette grande vérité, et en même temps il en déduit les conséquences relatives à la direction de la vie, et au gouvernement extérieur et intérieur des actes humains.

« Voici, dit il, que je vous apprends un mystère. A la vérité, nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés. En un moment, en un clin d’œil, au son de la trompette, car la trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous serons changés. Car il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité et que ce corps mortel revête l’immortalité. Et après que ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors se vérifiera la parole qui a été écrite : La mort a été absorbée dans sa victoire. »

« Ô mort, où est ta victoire ? Ô mort, où[4] est ton aiguillon[5] ? »

Dans les versets qui précèdent, le grand Apôtre explique, non moins merveilleusement, la raison théologique et les hautes convenances de ce mystère, dont Dieu l’a établi l’interprète et le héraut.

« Le corps de l’homme, dit il, confié à la terre et déposé dans le sépulcre, est pareil au grain de froment il est semé dans la corruption, il ressuscitera incorruptible il est semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force ; il est semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel.

Le premier homme, Adam, a été une âme vivante, le second Adam a été fait un esprit qui vivifie.

Le premier, formé de la terre, était tout terrestre ; le second, venu du ciel, est tout céleste…

Comme donc nous avons porté l’image de l’homme terrestre. portons aussi l’image de l’homme céleste…

Je vous dis cela, mes frères, parce que la corruption ne possédera pas l’immortalité[6]. »

Voilà un exposé, tracé de main de maître, clair, précis, et toute interprétation que la parole humaine prétendrait y mêler, ne servirait qu’à en affaiblir l’énergie et la clarté.

Telle est aussi la vraie foi catholique, celle que l’Église a inscrite dans le Symbole que nous récitons, et qu’elle fait chanter dans ses temples aux jours de ses solennités.

« Je crois à la résurrection de la chair, j’attends la résurrection des morts. »

Saint Athanase, dans son symbole, et le quatrième concile de Latran expriment cette vérité en termes non moins précis et plus explicites encore : « Tous les hommes, disent ils, doivent ressusciter avec les mêmes corps auxquels ils sont unis dans la vie présente. »

En effet, si après s’être dissous et être retournés à la poussière d’où ils sont sortis, nos corps ne devaient renaître avec l’intégrité de leurs membres, avec l’universalité de leurs éléments substantiels et constitutifs ; s’ils ne devaient reparaître avec les mêmes visages, les mêmes traits, au point qu’en nous revoyant au jour du jugement, nous nous reconnaîtrons aussitôt, comme nous nous reconnaissons ici bas, il ne faudrait plus appeler alors notre renaissance une résurrection, mais une nouvelle création.

Il est donc très certain qu’au jugement nous serons identiquement les mêmes ; que les pieds qui nous soutiendront alors seront les pieds qui nous ont portés, soutenus durant notre exil et les jours de notre pèlerinage dans le temps ; que la langue qui nous fera parler sera celle qui s’est jadis dénouée pour la louange divine ou pour le blasphème ; que les yeux, à l’aide desquels nous verrons, seront ceux là mêmes qui se sont ouverts aux rayons du soleil qui nous éclaire ; que ce cœur, qui battra dans nos poitrines, sera le propre cœur qu’auront consumé les ardeurs de l’amour divin, ou qui se sera laissé dévorer par les flammes impures de la volupté.

Telle était l’immuable espérance de Job. Assis sur son fumier, rongé par la pourriture, mais le front serein, le regard rayonnant, il franchit d’un bond de sa pensée toute la durée des siècles. Saisi d’un saint ravissement, il contemple dans les clartés de la lumière prophétique le jour où il secouera la poussière de son cercueil, et il s’écrie : « Je sais que mon Rédempteur vit, que je renaîtrai de ma poussière, que je serai de nouveau enveloppé de ma chair et que je verrai mon Rédempteur de mes yeux à moi et non de ceux d’un autre[7]. »

Cette doctrine de la résurrection est la clef de voûte, la pierre angulaire de tout l’édifice chrétien, le pivot et le centre de notre foi. Sans elle, il n’y a plus de rédemption, nos croyances et notre prédication sont vaines, toute religion s’écroule par la base. Inanis est ergo prœdicatio nostra, inanis est fides nostra[8].

Les écrivains rationalistes ont prétendu que cette croyance à la résurrection n’était pas contenue dans l’Ancien Testament et qu’elle ne date que de l’Évangile. Rien n’est plus faux. Il suffit de parcourir la longue chaîne des traditions mosaïques, de prêter l’oreille aux grandes voix des Patriarches et des Prophètes : nous les voyons tous tressaillir de joie et d’espérance, à la perspective de l’Immortalité promise, saluer cette vie nouvelle dont ils entreront en possession au delà du tombeau et qui n’aura pas de terme. – Il est dit au livre de l’Exode : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Et Jésus Christ, en saint Matthieu, se sert de ce passage pour démontrer aux juifs sadducéens la vérité de la résurrection : « Pour ce qui est de la Résurrection des morts, n’avez vous point lu les paroles que Dieu vous a dites : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Or Dieu n’est point le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. »

Comment imaginer le paradis

La mère des Macchabées, debout au milieu du sang et des membres mutilés et épars de ses fils, ne glaçait elle pas d’effroi l’impie Antiochus en lui disant : « Sache, ô homme scélérat et très pervers, que tu ne nous fais mourir que pour la vie présente, niais que le Maître du monde va nous recevoir, nous qui sommes morts pour ses lois et qu’il nous ressuscitera au jour de la résurrection ».

Cette croyance à la résurrection n’était pas seulement pour les saints de l’Ancien Testament un symbole et une doctrine spéculative, elle était leur foi fondamentale exprimée dans les merveilles et dans les œuvres de leur vie. Les institutions qu’ils nous ont laissées en sont la représentation et la figure. « Le premier de tous, dit saint Jérôme, est Abel, dont le sang qui crie au Seigneur, témoigne de son espérance de la résurrection des corps. Ensuite, vient Hénoch enlevé, afin qu’il ne vît pas la mort : il est le type et l’image de la résurrection. – Troisièmement Sara, dont le sein stérile et épuisé par la vieillesse conçoit et met au inonde un fils, nous donne l’espérance de la résurrection. – Quatrièmement, Jacob et Joseph, en recommandant que l’on recueille et que l’on ensevelisse avec honneur leurs os, manifestent leur foi à la résurrection. – Cinquièmement, la verge desséchée d’Aaron qui bourgeonnait et donnait des fruits, et la verge de Moïse, qui sur le commandement de Dieu s’animait et devenait un serpent, nous offrent l’ombre et l’esquisse de la résurrection. – Enfin Moïse, qui bénissait Ruben et disait que Ruben vive et ne meure pas, lorsque Ruben depuis longtemps était décédé de cette vie, ne témoigne t il pas qu’il lui souhaitait la résurrection et l’éternelle Vie ? » Et si l’on ne voulait voir dans ces interprétations diverses que des allégories et des interprétations mystiques, nous terminerions cette énumération par les paroles précises de Daniel, et celles ci ne laissent aucun doute, sur la foi universelle et constante de l’Ancien Testament à la résurrection future : « Voilà dit il, que la multitude de ceux qui dorment dans la poussière de la terre s’éveilleront les uns pour la Vie éternelle, les autres pour l’opprobre. »

Notes

Laisser un commentaire

%d