ASDE 054 St José-Maria

 

Prêtre pour l’éternité

 (2ème partie)

De saint Josemaria Escriva

Extraits du livre

Aimer l’Eglise

 

 

Le prêtre n’est supérieur au laïc ni en tant qu’homme ni en tant que fidèle. C’est pourquoi il convient particulièrement que le prêtre fasse montre d’une profonde humilité, pour comprendre comment, dans son cas, ces paroles de saint Paul s’accomplissent aussi de manière toute spéciale et en plénitude : Qu’as-tu que tu n’aies pas reçu ? (1 Co. 4, 7) Ce qu’il a reçu c’est Dieu ! Ce qu’il a reçu, c’est le pouvoir de célébrer la Sainte Eucharistie, la Sainte Messe — fin principale de l’ordination sacerdotale — de pardonner les péchés, d’administrer d’autres sacrements et de prêcher avec autorité la parole de Dieu, dirigeant les autres fidèles en tout ce qui a trait au royaume des Cieux.

 

Le sacerdoce des prêtres, s’il suppose les sacrements de l’initiation chrétienne, est cependant conféré au moyen du sacrement particulier qui, par l’onction du Saint-Esprit, les marque d’un caractère spécial, et les configure ainsi au Christ Prêtre pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête en personne (Concile Vatican II, décret Presbyterorum ordinis, 2). L’Église est telle qu’elle est, non par un caprice des hommes, mais par la volonté expresse de Jésus-Christ, son Fondateur. Sacrifice et sacerdoce ont été si liés ensemble par la disposition de Dieu que l’un et l’autre ont existé sous les deux lois, l’Ancienne et la Nouvelle. Comme, dans le Nouveau Testament, l’Église catholique a reçu de l’institution du Seigneur le Saint Sacrifice visible de l’Eucharistie, on doit aussi reconnaître qu’il y a en elle un sacerdoce nouveau, visible et extérieur, dans lequel le sacerdoce ancien a été “ changé » (Concile de Trente, Doctrine sur le Sacrement de l’Ordre, chap. 1 : Denzinger-Schön. 1764 (957)).

 

Chez ceux qui sont ordonnés, ce sacerdoce ministériel s’ajoute au sacerdoce commun de tous les fidèles. C’est pourquoi, encore qu’il serait erroné de soutenir qu’un prêtre est davantage chrétien que tout autre fidèle, on peut en revanche, affirmer qu’il est davantage prêtre : il appartient, comme tous les chrétiens, à ce peuple sacerdotal racheté par le Christ et il est, en outre, marqué du caractère du sacerdoce ministériel, qui se différencie essentiellement, et non pas en degré (Concile Vatican II, constitution dogmatique Lumen gentium, 10), du sacerdoce commun des fidèles.

 

Je ne comprends pas le désir qu’ont certains prêtres de se confondre avec les autres chrétiens, oubliant ou négligeant leur mission spécifique dans l’Église, celle pour laquelle ils ont été ordonnés. Ils pensent que les chrétiens veulent voir dans le prêtre un homme comme les autres, ce qui n’est pas vrai. Ce que les chrétiens veulent admirer dans le prêtre, ce sont les vertus propres à chaque chrétien, et à tout honnête homme : compréhension, justice, vie de travail — en ce cas le ministère sacerdotal —, charité, éducation, délicatesse.

 

Mais à côté de cela, les fidèles demandent une claire manifestation du caractère sacerdotal : ils attendent du prêtre qu’il prie, qu’il ne se refuse pas à administrer les sacrements, qu’il soit prêt à accueillir tout le monde sans s’ériger en chef ou militant de factions humaines, quelles qu’elles soient (Cf. idem, décret Presbyterorum ordinis, 6) ; qu’il mette amour et dévotion dans la célébration de la Sainte Messe, qu’il s’asseye au confessionnal, qu’il console les malades et les affligés ; qu’il enseigne le catéchisme aux enfants et aux adultes, qu’il prêche la Parole de Dieu et non une science humaine quelconque qui — quand bien même il la connaîtrait parfaitement — ne serait pas la science qui sauve et conduit à la vie éternelle ; qu’il conseille et soit charitable envers ceux qui sont dans le besoin.

 

En un mot, ce que l’on demande au prêtre, c’est d’apprendre à ne pas faire obstacle à la présence du Christ en lui, surtout quand il réalise le Sacrifice du Corps et du Sang du Christ et quand, au nom de Dieu, il pardonne les péchés dans la confession sacramentelle auriculaire et secrète. L’administration de ces deux sacrements est si importante dans la mission du prêtre que tout le reste doit tourner autour. Il est d’autres tâches sacerdotales — la prédication et l’instruction dans la foi — qui manqueraient de fondement, si leur but n’était pas d’enseigner à fréquenter le Christ, à le trouver au tribunal d’Amour de la Pénitence et dans le renouvellement non sanglant du Sacrifice du Calvaire, dans la Sainte Messe.

 

Laissez-moi considérer un peu plus longtemps le Saint Sacrifice ; car si, pour chacun de nous, il est le centre et la racine de la vie chrétienne, il doit l’être tout spécialement pour la vie du prêtre. Un prêtre qui, par sa faute, ne célébrerait pas chaque jour le Saint Sacrifice de l’autel (Cf. ibid., 13) ferait preuve de peu d’amour de Dieu ; ce serait comme jeter à la face du Christ qu’il ne partage pas son désir de Rédemption, qu’il ne comprend pas son impatience à se donner, sans défense, comme nourriture de l’âme.

 

Il est bon de nous rappeler, de répéter avec une inlassable insistance, que nous les prêtres, que nous soyons pécheurs ou saints, nous ne sommes plus nous-mêmes lorsque nous célébrons la Sainte Messe. Nous sommes le Christ qui renouvelle sur l’autel le divin sacrifice du Calvaire. Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit sans cesse. C’est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours ; même si les chrétiens ne peuvent y être présents, c’est un acte du Christ et de l’Église (Ibid.).

 

Le Concile de Trente enseigne que, à la Messe, ce même Christ, qui « s’est offert lui-même une fois » de manière sanglante sur l’autel de la Croix, est contenu et immolé de manière non sanglante C’est une seule et même victime, c’est le même qui s’offre maintenant par le ministère des prêtres, qui s’est offert alors lui-même sur la Croix ; seule la manière de s’offrir diffère (Concile de Trente, Doctrine sur le Très Saint Sacrifice de la Messe : Denzinger-Schön 1743 (940)).

 

L’assistance ou la non-assistance de fidèles à la Sainte Messe ne modifie aucunement cette vérité de foi. Quand je célèbre entouré par le peuple, je me trouve très à l’aise, sans éprouver aucun besoin de me considérer président d’une assemblée. D’un côté je suis fidèle comme les autres ; mais je suis, par-dessus tout, le Christ à l’autel ! Je renouvelle de façon non sanglante le divin Sacrifice du Calvaire et je consacre in persona Christi, représentant réellement Jésus-Christ, parce que je lui prête mon corps, ma voix et mes mains, mon pauvre cœur, tant de fois souillé, que je veux qu’il purifie.

 

Quand je célèbre la Sainte Messe avec l’unique participation de mon servant, là aussi le peuple est présent. Je sens à mes côtés tous les catholiques, tous les croyants et aussi tous les incroyants. Toutes les créatures de Dieu sont présentes — la terre, le ciel et la mer, et les animaux et les plantes — qui rendent gloire au Seigneur de la création tout entière.

 

Utilisant les mots du Concile Vatican II, je dirai en outre, que nous nous unissons au plus haut degré au culte de l’Église céleste, en communiquant et en vénérant par-dessus tout la mémoire de la glorieuse Marie toujours Vierge, de saint Joseph, des saints apôtres et martyrs et de tous les saints (Cf. Concile Vatican II, constitution dogmatique Lumen gentium, 50).

 

Je demande à tous les chrétiens de prier beaucoup pour nous les prêtres, afin que nous sachions réaliser saintement le Saint Sacrifice. Je les supplie de manifester pour la Sainte Messe un amour si délicat qu’il incite les prêtres à la célébrer avec une dignité — une élégance — humaine et surnaturelle, en soignant les ornements et les objets destinés au culte, avec dévotion, sans hâte.

D’où vient cette hâte ? Les amoureux ont-ils hâte de se quitter ? On dirait qu’ils s’en vont et ne s’en vont pas ; ils reviennent sur leurs pas plusieurs fois, ils répètent des phrases banales comme s’ils venaient de les découvrir. N’ayez pas peur de comparer les manifestations d’un amour humain noble et limpide aux choses de Dieu. Si nous aimons le Seigneur avec notre cœur de chair — nous n’avons que celui-là — nous ne serons pas pressés de terminer cette rencontre, ce rendez-vous amoureux avec lui.

 

Il y en a qui ne se pressent pas et qui n’hésitent pas à prolonger jusqu’à la fatigue lectures, avis, annonces. Mais, arrivés au moment principal de la Sainte Messe, au sacrifice proprement dit, ils se précipitent, empêchant ainsi les autres fidèles d’adorer avec piété le Christ, Prêtre et Victime, et d’apprendre à le remercier ensuite calmement, sans précipitation, d’avoir voulu venir de nouveau parmi nous.

 

C’est dans la Sainte Messe que toutes les affections et tous les besoins du cœur du chrétien trouvent leur voie la plus sublime : celle qui, par le Christ, mène au Père, en l’Esprit Saint. Le prêtre doit faire tout son possible pour que tout le monde connaisse cette vérité et la vive. Il n’y a aucune activité qui puisse ordinairement passer avant celle de faire connaître, aimer et vénérer la Sainte Eucharistie.

 

Le prêtre réalise deux actes : le premier, principal, sur le corps véritable du Christ ; l’autre secondaire, sur le Corps Mystique du Christ. Le second acte ou ministère dépend du premier et non l’inverse (Saint Thomas, S. Th. Suppl., q. 36, a. 2, ad 1). C’est pourquoi une caractéristique éminente du ministère sacerdotal est de tendre à ce que tous les catholiques s’approchent du Saint Sacrifice avec toujours plus de pureté, d’humilité et de vénération. Si le prêtre s’applique à cette tâche, il ne se trompera pas lui-même et il ne trompera pas non plus la conscience des chrétiens, ses frères.

 

Dans la Sainte Messe, nous adorons, en accomplissant avec amour le premier devoir de la créature envers son Créateur : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, c’est à lui seul que tu rendras culte (Dt 6, 13  ; Mt 4, 10). Non pas une adoration froide, formelle, servile, mais une estime et un respect intimes, qui sont le propre des fils très aimants.

 

Dans la Sainte Messe nous est offerte la meilleure occasion d’expier nos propres péchés, et ceux de tous les hommes, afin de pouvoir dire, avec saint Paul, que nous sommes en train d’accomplir dans notre chair ce qu’il reste à souffrir au Christ (Cf. Col 1, 24). Personne n’avance seul dans le monde, personne ne saurait considérer qu’il n’a aucune part de responsabilité dans le mal qui se commet sur la terre, conséquence du péché originel ainsi que d’un grand nombre de péchés personnels. Aimons le sacrifice, recherchons l’expiation. Comment ? En nous unissant dans la Sainte Messe au Christ, Prêtre et Victime : ce sera toujours lui qui se chargera du poids imposant des infidélités des créatures, des tiennes et des miennes.

 

Le sacrifice du Calvaire est une preuve infinie de la générosité du Christ. Chacun d’entre nous, personnellement, nous y gagnons beaucoup. Nous n’importunons pas Dieu Notre Seigneur lorsque nous lui exposons nos besoins dans la Sainte Messe. Qui n’a pas quelque chose à demander ? Seigneur, cette maladie Seigneur, cette tristesse Seigneur, cette humiliation que je ne sais pas supporter par amour pour toi. Nous voulons le bien, le bonheur et la joie des nôtres ; le sort de ceux qui souffrent faim et soif de pain et de justice nous oppresse le cœur, et aussi le sort de ceux qui connaissent l’amertume de la solitude, de ceux qui, à la fin de leurs jours, ne reçoivent ni un égard d’affection ni un geste qui les aide.

 

Mais la grande misère qui nous fait souffrir, la grande nécessité à laquelle nous voulons remédier, c’est le péché, l’éloignement de Dieu, le risque que les âmes se perdent pour toute l’éternité. Conduire les hommes à la gloire éternelle dans l’amour de Dieu, telle est notre aspiration profonde dans la célébration de la Messe, comme ce fut celle du Christ lorsqu’il offrit sa vie au Calvaire.

 

Habituons-nous à parler au Seigneur avec cette sincérité quand il descend, Victime innocente, entre les mains du prêtre. La confiance dans le secours du Seigneur nous donnera une délicatesse d’âme qui se traduit toujours en œuvres de bien et de charité, de compréhension, de tendresse affectueuse envers ceux qui souffrent et ceux qui se comportent artificiellement, simulant une satisfaction inconsistante, si fausse qu’il en faut peu pour qu’elle se change en tristesse.

Remercions enfin Dieu Notre Seigneur pour tout ce qu’Il nous accorde, pour le don merveilleux qu’Il nous fait de Lui-même. Que vienne à notre cœur le Verbe incarné ! Que Celui qui a créé les cieux et la terre s’enferme dans notre petitesse ! Pour abriter le Christ en son sein, la Vierge Marie fut conçue immaculée. Si l’action de la grâce doit être proportionnelle à la différence entre le don et les mérites, ne devrions-nous pas transformer toute notre journée en une Eucharistie continuelle ? Ne vous éloignez pas du temple, à peine le Saint Sacrement reçu. Ce qui vous attend est-il si important, que vous ne puissiez accorder au Seigneur dix minutes pour Lui dire merci ? Ne soyons pas mesquins. À l’Amour doit répondre l’Amour.

Un prêtre qui vit ainsi la Sainte Messe — en adorant, en expiant, en implorant, en rendant grâces, en s’identifiant au Christ — et qui apprend aux autres à faire du Sacrifice de l’autel le centre et la racine de la vie chrétienne, fera véritablement preuve de la grandeur incomparable de sa vocation, du caractère dont il est marqué, et qu’il ne perdra pas de toute l’éternité.

Je sais que vous me comprenez quand j’affirme que, comparé à un tel prêtre, il faut considérer comme un échec — humain et chrétien — la conduite de certains qui se comportent comme s’ils avaient à s’excuser d’être ministres de Dieu. Comportement d’autant plus déplorable qu’il les amène à abandonner leur ministère, à imiter les laïcs, à chercher une seconde occupation qui supplante peu à peu celle qui leur est propre, par vocation et par mission. Et fréquemment, lorsqu’ils se soustraient à leurs obligations spirituelles envers les âmes, ils tendent à les remplacer par leur intervention dans les domaines propres aux laïcs — affaires sociales ou politiques — donnant alors lieu au phénomène du cléricalisme qui est la caricature morbide de la véritable mission sacerdotale.

 

Je ne veux pas terminer sur cette note sombre, qui peut paraître pessimiste. Le véritable sacerdoce chrétien n’a pas disparu de l’Église de Dieu ; immuable est la doctrine reçue des lèvres divines de Jésus. Il y a des milliers et des milliers de prêtres dans le monde qui répondent fidèlement, sans ostentation, sans succomber à la tentation de jeter par-dessus bord un trésor de sainteté et de grâce, qui a existé dans l’Église depuis le début.

J’éprouve une grande joie en pensant à la délicatesse humaine et surnaturelle de ces prêtres, mes frères, répandus sur toute la terre. C’est maintenant justice qu’ils se voient entourés de l’amitié, de l’aide et de l’affection de nombreux chrétiens. Et quand viendra pour eux le moment de se présenter devant Dieu, Jésus-Christ ira à leur rencontre pour glorifier éternellement ceux qui, en leur temps, ont agi en son nom et en sa personne, répandant avec générosité la grâce dont ils étaient administrateurs.

 

Revenons de nouveau en pensée aux membres de l’Opus Dei qui deviendront prêtres l’été prochain. Priez beaucoup pour eux, pour qu’ils soient toujours des prêtres fidèles, pieux, doctes, disponibles, joyeux ! Confiez en particulier cette intention à la Sainte Vierge qui prodigue de façon toute spéciale ses soins maternels à tous ceux qui s’engagent pour toute la vie à suivre de près son Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, Prêtre Éternel.

 

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